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CHAPITRE 1 CORROSION DU GARNISSAGE RÉFRACTAIRE DES CUVES

1.3 Méthodes de tests et d’analyse de la corrosion

Afin d’étudier la corrosion des réfractaires pour comprendre les mécanismes mis en jeu et essayer de développer des réfractaires plus adaptés il existe deux possibilités. La première consiste à tester en laboratoire différents types de réfractaires, mortier ou matériau granulaire afin de connaître leur comportement notamment face au bain cryolithique. L’autre manière est d’analyser les réfractaires après l’arrêt d’une cuve afin de vérifier quel a été le comportement des matériaux utilisés dans des conditions réelles d’électrolyse.

1.3.1 Tests en laboratoire

Les tests en laboratoire permettent d’avoir des informations quant au comportement des matériaux susceptibles d’être utilisés pour le garnissage réfractaire. Il s’agit donc d’une méthode intéressante pour comparer et prédire les performances de différents matériaux dans une phase de conception du garnissage réfractaire pour de futures cuves d’électrolyses.

Ces tests en laboratoire consistent à exposer différents types de matériaux réfractaires à un bain cryolithique afin d’étudier leur résistance chimique face à cette phase liquide, en grande partie responsable de la corrosion dans une cuve d’électrolyse. Les conditions expérimentales (température, conception du test, basicité du bain, etc.) peuvent varier d’un test à l’autre. L’idéal serait de pouvoir reproduire les conditions réelles de corrosion à l’intérieur d’une cuve d’électrolyse. Cependant ces conditions ne sont pas connues avec certitude, vont évoluer en fonction de la durée de service de la cuve et apparaissent très complexes à reproduire de manière expérimentale. La grande disparité dans le choix des paramètres expérimentaux ainsi que les différentes analyses possibles des résultats obtenus entraînent parfois des conclusions contradictoires (Siljan, 1995). Ces tests permettent cependant d’avoir une idée avant la mise en service d’un matériau de sa résistance chimique face au bain cryolithique.

Le test le plus commun est le test du creuset (Oprea, 1999). Il consiste à remplir un creuset formé par le matériau réfractaire que l’on souhaite tester. Généralement une brique du matériau testé est percée afin de former une cavité destinée à recevoir le bain cryolithique (cf. Figure 1-5). Une certaine quantité de bain cryolithique solidifié est ajouté dans le creuset sous forme de poudre. Ce bain a un CR proche de celui d’un bain industriel ou parfois plus basique car cela correspond plus aux conditions auxquelles sont soumis les réfractaires. Ensuite l’ensemble est porté à une température proche des conditions réelles d’opération (entre 900 et 1000°C). Le temps de maintien à cette température est une autre variable du test, et peut varier de quelques heures à plusieurs jours. L’atmosphère pour ces tests est généralement réductrice (haute teneur en monoxyde de carbone) pour reproduire les conditions sous la cathode où la composition de la phase gazeuse est contrôlée par l’interaction du carbone de la cathode exposé à l’air s’infiltrant dans la cuve. Cette atmosphère peut aussi être oxydante reproduisant ainsi des conditions à l’intérieur du garnissage réfractaire après un certain temps de service et où les réfractaires sont isolés de la cathode. Il est aussi possible de tester des matériaux sous forme de poudre en les tassant à l’intérieur d’un creuset et en formant une cavité destinée à recevoir le bain cryolithique (cf. Figure 1-5). Le mode opératoire est ensuite identique aux autres tests. Il est aussi possible de réaliser ce test du creuset dans un creuset en carbone où est insérée une portion circulaire de brique de même diamètre que le diamètre intérieur du creuset ou encore un matériau granulaire tassé. Du bain est ensuite ajouté sur le réfractaire testé et l’ensemble est porté à la température du test. De par l’utilisation d’un creuset en carbone, l’atmosphère doit être réductrice.

Dans une étude comparative très détaillée par Oprea (Oprea, 1999), plusieurs montages et plusieurs types de matériaux ont été testés en faisant varier les conditions expérimentales afin de pouvoir comparer les résultats, décrire les avantages et inconvénients des différentes méthodes. Les différents tests utilisés sont représentés à la Figure 1-5. Le montage a) permet de tester la résistance intrinsèque d’un type de brique par rapport au bain cryolithique. Les montages b) et c) permettent de tester à la fois le mortier de scellement et la brique dans des conditions représentant des situations de mise en œuvre dans le garnissage de la cuve (assemblage entre différentes briques). Finalement, le montage d) permet de tester les barrières sèches granulaires. Dans cette étude (Oprea, 1999), Oprea propose un critère de corrosion calculé à partir de mesures effectuées sur l’échantillon après réaction avec le bain cryolithique (pénétration du bain

dans la direction gravitationnelle, surface corrodée, diamètre après corrosion à différentes hauteurs, etc.). Il est ainsi possible de comparer le comportement des différents matériaux testés sur une même échelle.

Figure 1-5 : Montages expérimentaux pour tester les interactions bain cryolithique - matériau réfractaire (redessiné d'après (Oprea, 1999))

Il est aussi possible d’effectuer des tests dans des conditions réelles d’électrolyse, tel que rapporté par Allaire (Allaire, 1992), mais la mise en œuvre est plus complexe. Dans ce cas l’échantillon de matériau réfractaire est situé dans un creuset en carbone plongé dans un bain d’électrolyse lui aussi contenu dans un creuset en carbone. Un courant d’une intensité de 30 ampères passe dans le bain; les deux creusets en carbone jouent le rôle d’électrodes. Dans ce cas, la corrosion a lieu suivant des mécanismes proches de ceux observés dans les cuves d’électrolyses, tel que la diffusion du sodium et de NaF jusqu’au matériau réfractaire à travers le

brique réfractaire (matériau testé) couvercle bain cryolithique solidifié mortier bain refondu Après mortier mortier (matériau testé) bain cryolithique solidifié cavité initiale bain refondu brique réfractaire (matériau testé) mortier mortier (matériau testé) bain cryolithique solidifié

couvercle cavité initiale

bain refondu matériau granulaire

(matériau testé) couvercle bain cryolithique solidifié mortier a. Matériau dense

c. Mortier d. Matériau granulaire

Avant Avant Après

Après Avant Après Avant b. Mortier cavité initiale brique réfractaire (matériau testé) bain refondu couvercle cavité initiale

carbone. Ce test est effectué à 950°C pendant 24 heures. L’échantillon de matériau réfractaire est ensuite analysé afin de caractériser les phases présentes dans l’échantillon après corrosion ainsi que la température de ramollissement de l’échantillon. Ce test peut aussi se conduire sans imposer de courant (Oprea, 1999; Proshkin et al., 2008) afin de simplement tester la résistance d’un matériau réfractaire face à une exposition indirecte (séparation par du carbone) à un bain cryolithique.

Finalement la résistance de matériaux réfractaires face aux vapeurs de sodium peut aussi être testée (Schoening & Grande, 2006; Siljan, 1990), notamment pour savoir comment se comportera la première couche de réfractaire sous la cathode.

1.3.2 Autopsie d’une cuve d’électrolyse

Afin d’obtenir des informations quant à la tenue des matériaux utilisés pour le garnissage réfractaire face aux espèces corrosives, les producteurs d’aluminium procèdent parfois à des autopsies sur les cuves d’électrolyses à la fin de leur vie (Jeltsch, 2009). Il s’agit d’une analyse de l’état de dégradation des composants de la cuve après que celle-ci ait été arrêtée. Grâce aux informations obtenues sur des cuves défectueuses ou sur des cuves ayant eu une importante durée de vie, il est possible pour les producteurs de développer une expertise basée sur l’observation du comportement des réfractaires dans des conditions industrielles d’électrolyse.

Figure 1-6 : Garnissage réfractaire d’une cuve d'électrolyse arrêtée après 1569 jours (Tschope et al., 2009)

Généralement une excavation transversale est effectuée de manière à pouvoir observer les couches qui se sont formées sous la cathode semblables à des strates géologiques (cf. Figure 1-6). Trois zones distinctes sont identifiables (Siljan, 1990) et peuvent être décrites de la manière suivante :

 Zone très corrodée : située directement sous la cathode, elle est constituée de bain solidifié ayant dissous le lit et la partie supérieure des réfractaires. Cette zone a une forme de lentille.

 Zone moyennement corrodée : il est possible de distinguer la forme initiale des réfractaires bien qu’ils soient corrodés et la quantité de phase liquide ayant pénétré est bien moins importante. Cette zone se situe dans la couche de réfractaires denses et s’étend parfois jusqu’à la barrière isolante.

 Zone apparemment non corrodée : il n’y a pas de signes apparents de corrosion; les réfractaires présentent uniquement des variations dues aux sollicitations thermomécaniques. Cette zone correspond généralement à la couche de réfractaires isolants.

Afin de pouvoir comprendre les mécanismes de corrosion ayant lieu dans une cuve d’électrolyse, des analyses chimiques sont réalisées à différentes hauteurs dans les couches citées précédemment. Cela permet de connaître les phases en présence en fonction de l’état de corrosion de la couche analysée.

Il existe cependant un désavantage majeur pour cette analyse de la corrosion, du fait qu’elle s’effectue après l’arrêt de la cuve mais surtout une fois que la cuve a refroidi. Cela signifie que l’équilibre de phases observées lors de l’autopsie ne correspond pas forcément à celui qui s’établit à plus haute température pendant l’utilisation de la cuve (Siljan et al., 2001a; Tschope et al., 2009; Tschope et al., 2012). Il est cependant possible d’émettre des hypothèses quant aux mécanismes de corrosion pouvant expliquer la présence des phases observées lors de l’autopsie.