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CHAPITRE 1 CORROSION DU GARNISSAGE RÉFRACTAIRE DES CUVES

1.2 Garnissage réfractaire de la cuve d’électrolyse

1.2.2 Garnissage réfractaire de fond de cuve

Le garnissage réfractaire du fond de la cuve doit contrairement aux blocs de côté remplir plusieurs fonctions qu’un seul matériau peut difficilement satisfaire. Afin de résoudre cette problématique, le garnissage réfractaire est composé de plusieurs éléments qui remplissent une fonction particulière. Ces différentes composantes sont disposées en couches successives sous la cathode suivant un ordre dicté par la fonction de chaque couche.

La couche isolante thermique est disposée directement sur le fond de la cuve et est

constituée de matériaux isolants d’un point de vue thermique pour que le caisson ne soit pas soumis à des températures de service trop élevées et nécessite un acier avec des propriétés thermomécaniques exceptionnelles. Mais surtout, il ne faut pas qu’un flux de chaleur important s’établisse dans cette direction. La surface du fond est bien plus grande que celle des côtés; l’absence d’isolation thermique impliquerait d’importantes pertes de chaleur et il ne serait pas possible de maintenir le profil de gelée sur les côtés de la cuve. La seule source de chaleur dans une cuve d’électrolyse est l’énergie produite par effet Joule; il est donc difficile de contrôler l’équilibre thermique de la cuve. Une perte thermique vers le fond de la cuve peut entraîner une baisse de température du bain (donc une baisse de la solubilité en alumine synonyme de formation de boue sur la cathode) ou une diminution du transfert latéral donc une réduction de l’épaisseur de la gelée.

Le concept de la cuve ainsi que le choix des matériaux pour la barrière isolante sont donc très importants pour le bon fonctionnement et la tenue en service d’une cuve d’électrolyse. La couche de réfractaire isolant est disposée dans le fond de la cuve de façon à avoir une température d’environ 100°C (cf. Figure 1-2) au niveau du caisson métallique.

a. b.

Figure 1-2 : Isothermes à l'intérieur d’une cuve d’électrolyse : a. (Dupuis, 2002), b. (Dell, 1971) Les matériaux réfractaires isolants utilisés dans les cuves d’électrolyses sont caractérisés par un taux de porosité élevé (>40%) qui leur confère une très mauvaise conduction thermique, qui est ce que l’on désire. En revanche, il est primordial qu’il n’y ait pas de liquide qui pénètre aussi loin dans le garnissage réfractaire, car la diffusion d’un liquide dans ces réfractaires poreux serait très rapide et provoquerait une importante corrosion des réfractaires, modifiant leurs propriétés thermiques. Lorsque le bain d’électrolyse pénètre aussi loin et atteint le caisson de la cuve, ce dernier se dissout et force l’arrêt de la cuve. Lorsque l’aluminium produit pénètre dans les réfractaires, il les corrode. De plus lorsque l’aluminium se solidifie lorsque la température dans le garnissage réfractaire est inférieure à sa température de fusion, cela crée des veines très conductrices de chaleur qui deviennent des points chauds sous le caisson métallique et perturbent l’équilibre thermique.

Les principaux matériaux utilisés pour cette couche isolante sont à base de vermiculite (mica) ou de silicates de calcium hydratés. La nature laminaire de la vermiculite lui permet de s’exfolier lorsque soumise à de hautes températures. Cette exfoliation lui confère une certaine porosité et donc de bonnes propriétés d’isolation thermique. De plus ce matériau a une certaine résistance chimique en présence de cryolithe. Pour les silicates de calcium hydratés c’est la déshydratation sous l’effet de la chaleur qui va en faire un matériau laminaire présentant les propriétés requises pour en faire un isolant thermique. Ces matériaux ont généralement une

conductivité thermique plus faible que les matériaux à base de vermiculite. Cependant leur résistance chimique face à la cryolithe est faible.

Figure 1-3 : Couche de réfractaires isolants disposés au fond d’une cuve d’électrolyse (Promat- HTI, 2012)

Une autre possibilité pour les réfractaires isolants est le Moler ou Kieselguhr, qui provient de sédiments marins et contient des coquilles de microorganismes appelés diatomées (constitués de silice diatomite). Les briques à base de Moler sont faites en mélangeant ce sédiment avec une argile (silicates de calcium hydratés précédemment mentionnés). Le sédiment est naturellement poreux car il est formé de ces petites coquilles vides, et la déshydratation de l’argile pour en faire un matériau laminaire, va conférer de très bonnes propriétés isolantes à ces briques.

Par ailleurs il est possible de disposer une couche de laine de roche isolante sous la couche de réfractaires isolants afin de garantir une température de service la plus basse possible pour le caisson métallique.

Un autre problème auquel sont confrontés ces matériaux, est la sollicitation thermomécanique à laquelle ils sont soumis pendant que la cuve est en service. Ces réfractaires sont en compression dans la cuve (Allaire, 1992), et de par leur structure laminaire, ils ont tendance à se contracter, affectant ainsi leurs propriétés thermiques. Il est donc nécessaire de s’assurer que la température maximale à laquelle ils sont exposés (partie supérieure en contact avec les réfractaires denses) est inférieure à 700°C (Tabereaux, 1992). En plus de la résistance chimique face aux espèces corrosives, le comportement thermomécanique de ces matériaux doit être pris en compte dans le choix du matériau pour cette couche isolante.

La couche de réfractaires denses, située au-dessus de la couche isolante thermique, a

pour but de fournir une barrière à la diffusion du bain d’électrolyse ou de l’aluminium produit plus en profondeur dans la cuve, mais aussi de servir de support aux blocs de carbone constituant la cathode. C’est pourquoi ces matériaux doivent être le plus dense possible pour avoir de bonnes propriétés thermomécaniques, et surtout pour retarder la percolation des liquides qui pénètrent. Ils doivent en plus être le plus possible inertes chimiquement face aux agents de corrosion avec lesquels ils seront en contact : espèces gazeuses, aluminium liquide ou bain cryolithique.

Le contrôle de la position des isothermes à l’intérieur de la couche de réfractaires denses est essentiel afin de garantir la plus longue durée de service à la cuve. La température au niveau de la partie supérieure des réfractaires est fixée par la température d’opération de la cuve d’électrolyse car le carbone composant la cathode étant très conducteur, cette température avoisine les 920°C. En revanche en fonction des propriétés des réfractaires utilisés ainsi que de la conception de la cuve, il est possible de contrôler dans une certaine mesure le profil de température dans la couche de réfractaires denses. L’isotherme 850°C est très importante, car en dessous de cette température (Rutlin & Grande, 1997; Tabereaux & Bonadia, 2004) il n’y a pas de liquide oxyfluoré stable dans les conditions les plus courantes de corrosion (un bain cryolithique riche en NaF réagissant avec un matériau réfractaire aluminosilicate), comme semblent le confirmer les analyses de réfractaires corrodés (Allaire, 1992; Siljan et al., 2001a; Tschope et al., 2009). Il est donc important de s’assurer que cette isotherme est située à l’intérieur de la couche de réfractaires denses. Mais il est nécessaire de s’assurer que cette isotherme, en-dessous de laquelle aucun liquide n’est stable, est correctement positionnée afin de ne pas avoir une sur- ou sous-isolation (Tabereaux & Bonadia, 2004). Si l’isolation est insuffisante, alors les liquides corrosifs peuvent pénétrer plus profondément dans le garnissage réfractaire et compromettre la durée de vie de la cuve. De plus la couche isolante serait soumise à des températures plus élevées, compromettant son intégrité. Si l’isolation est trop importante alors les liquides solidifient rapidement sous la cathode et vont être soumis à des cycles fonte/cristallisation, induisant des contraintes mécaniques dans les blocs de la cathode. Ces contraintes vont contribuer à détériorer la cathode provoquant des fissures, et causant ainsi une diffusion plus importante de liquides vers le garnissage réfractaire.

Figure 1-4 : Pénétration du bain cryolithique en fonction de la porosité des réfractaires (redessiné d'après (Tabereaux & Bonadia, 2004))

La porosité est aussi une propriété qui a beaucoup d’influence sur la résistance des réfractaires face à la pénétration de phases liquides. Il existe trois types de porosité, la porosité ouverte, la porosité connectée et la porosité fermée (cf. Figure 1-4). Dans le cas de la porosité ouverte, les pores sont présents à la surface du matériau et une certaine quantité de liquide peut pénétrer et va stagner dans les pores et réagir avec le réfractaire. Cette porosité favorise donc la corrosion. Ce phénomène est encore plus prononcé lorsque la porosité est connectée, car dans ce cas la phase liquide pénètre dans le réfractaire et peut diffuser de pore en pore plus profondément. Si la porosité est fermée en revanche alors la pénétration du liquide n’est pas permise et seule la surface extérieure du réfractaire est exposée aux espèces corrosives.

Le choix des matériaux se fait donc en essayant d’avoir le meilleur compromis entre la résistance à la corrosion, les propriétés thermomécaniques, le coût des matériaux et la facilité d’installation dans la cuve. La plupart des réfractaires sont à base de corindon (α-Al2O3), de

mullite (Al6Si2O13) et contiennent généralement de la silice libre (SiO2) sous différentes formes

minéralogiques ou sous forme de phase vitreuse. Les réfractaires contiennent généralement une petite quantité d’autres oxydes : CaO, MgO et Fe2O3 (< 5-8%), ainsi que d’autres impuretés

(Allaire, 1992; Bonadia et al., 2005).

Il existe deux possibilités d’envisager la protection des réfractaires face aux espèces corrosives qui pénètrent sous la cathode (Pelletier et al., 2001). L’une consiste à favoriser la formation, entre les réfractaires et le bain cryolithique, d’un liquide avec une viscosité élevée :

Bain cryolithique Bain cryolithique Bain cryolithique

plus la viscosité est élevée (haute teneur en silice) moins le liquide progresse dans les réfractaires et plus les cinétiques de réaction sont lentes. L’autre consiste à favoriser la formation de produits de corrosion solides afin d’empêcher la présence d’un liquide dans les réfractaires denses (Pelletier et al., 2001). La teneur en silice libre du réfractaire est donc un élément important lors du choix du type de matériaux pour le garnissage réfractaire.

Les réfractaires les plus répandus dans l’industrie sont les briques à base d’argile (aluminosilicate) et dont les constituants minéralogiques sont principalement : la mullite, la silice libre et des phases vitreuses. La composition chimique en Al2O3 varie entre 20 et 40 % pds

(Tabereaux & Bonadia, 2004). Leur utilisation est liée principalement au faible coût, car leur résistance chimique face à la cryolithe est relativement limitée notamment à cause de la présence de silice libre, qui a une solubilité assez élevée dans la cryolithe lorsque de l’alumine y est dissoute (Siljan, 1990). Cela permet cependant de favoriser la formation d’une phase liquide oxyfluorée avec une viscosité d’autant plus élevée que la teneur en silice est haute. Les joints entre ces briques sont un point faible face à la pénétration du bain ou de l’aluminium. Pour combler ces joints, un mortier réfractaire est généralement utilisé pour rendre cette couche du revêtement la plus « étanche » possible.

Les briques à haute teneur en corindon (55-60%), le reste étant de la mullite et de la silice sous forme de cristobalite, sont des réfractaires denses et relativement résistants chimiquement face aux phases liquides qui pénètrent. Il est possible d’obtenir des briques relativement denses : porosité apparente d’environ 10 %. Ces briques sont relativement résistantes par rapport à la cryolithe ainsi qu’aux vapeurs de sodium. Le fait qu’il n’y ait pas beaucoup de silice libre permet aussi de réduire sa réactivité, notamment par rapport à l’aluminium liquide. Cependant des matériaux à haute teneur en corindon et avec un faible taux de porosité ont un coût élevé qui ne favorise pas leur utilisation dans l’industrie.

Il existe aussi des briques de mullite (Al6Si2O13) qui constituent un compromis entre les

briques à base d’argile et les briques à haute teneur en alumine, tant au niveau du coût que de la résistance chimique face aux liquides qui pénètrent. Ces briques contiennent malgré tout de la silice libre.

D’autres réfractaires denses peuvent être employés, entre autres : un mélange d’olivine, solution solide ((Mg, Fe)2SiO2), avec de la forstérite, (Mg2SiO4). Des réfractaires à base

d’anorthite (CaAl2Si2O8 ou CaO.Al2O3.2SiO2) et de gehlénite (Ca2Al2SiO7 ou 2CaO.Al2O3.SiO2)

ont aussi été développés, car lors de la corrosion par une espèce fluorée les produits de la réaction sont solides (Seltveit, 1983) (formation de MgF2 (1263°C) ou de CaF2 (1423°C) qui ont

des points de fusion plus élevés que le fluorure de sodium présent).

Un matériau granulaire est généralement employé afin de former un lit directement sous

la cathode. Cette couche sert de support à la cathode et permet d’ajuster les blocs de carbone de telle manière que l’on puisse obtenir la surface la plus plane possible pour éviter d’avoir une différence du niveau d’aluminium liquide dans les cuves en opération. C’est pour cette raison qu’un lit constitué de matériau granulaire (facile à disposer et permettant d’égaliser le niveau) est utilisé. L’industrie de l’aluminium dispose de grandes quantités d’alumine (sous forme de poudre), ce qui en fait un candidat de choix pour cette application. Il est aussi possible d’utiliser des briques réfractaires ou du carbure de silicium (bloc de côté) réduits en poudre ou encore de la pâte à brasquer. Il existe aussi des mélanges ayant des compositions optimisées afin d’agir comme première barrière de protection lors de la pénétration de bain, notamment des poudres composées d’anorthite et de gehlénite (Seltveit, 1983).

Cette couche n’a pas pour but d’empêcher la pénétration de l’aluminium, du bain ou des vapeurs. Le critère de sélection du matériau se fait donc au niveau des coûts et pas forcément en fonction de l’inertie de celui-ci face aux différents agents de corrosion. L’alumine par exemple va être dissoute par le bain.

Des barrières de pénétration peuvent aussi être intercalées entre les différentes couches

afin d’empêcher la diffusion de certaines espèces corrosives. Il faut distinguer deux types de barrières (Siljan, 1990). Les barrières physiques sont disposées dans le garnissage afin de s’opposer à la diffusion de phase liquide ou d’espèces gazeuses. Cependant ces barrières ne sont pas inertes chimiquement et vont se corroder, perdant leur utilité avec le temps. Nous pouvons entre autres citer l’utilisation de plaques d’acier jointes ensembles afin d’empêcher la percolation de liquides et la diffusion de sodium gazeux. Elles permettent aussi une distribution homogène de température car ces plaques sont thermiquement conductrices. Cependant l’acier va réagir avec toutes les espèces corrosives pénétrant dans le garnissage ainsi qu’avec le carbone de la cathode et l’air pénétrant dans la cuve. Ces barrières physiques ne sont cependant presque plus utilisées de nos jours.

Les barrières chimiques sont l’autre type possible de barrières de pénétration et leur but est de réagir avec les liquides qui pénètrent à travers la cathode afin de protéger le garnissage réfractaire. Il s’agit généralement de barrières sèches granuleuses et elles peuvent, comme nous l’avons mentionné, être employées pour former le lit sous la cathode.