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3. Méthodes d’évaluation des systèmes de surveillance

3.2 Méthodes d’évaluation quantitative

Les méthodes d’évaluation qualitative et semi-quantitative permettent un diagnostic des problèmes d’organisation et de fonctionnement d’un système de surveillance et sont indispensables pour pouvoir améliorer la surveillance. Elles portent sur de nombreux aspects du système de surveillance, dont la sensibilité, mais elles ne permettent pas une évaluation quantitative de celle-ci. La sensibilité est un paramètre essentiel des systèmes de surveillance. Elle peut être définie de deux manières. Il peut s’agir de la capacité à détecter une maladie (c’est-à-dire au moins un cas) dès lors qu’elle est présente sur un territoire, ou bien de l’aptitude à détecter tous les cas de la maladie présents sur un territoire (CDC, 2001). L’estimation de la sensibilité par les méthodes quantitatives présentées ci-après est une démarche complémentaire de l’évaluation plus large permise par les approches qualitatives et semi-quantitatives.

L’estimation de la sensibilité d’un système de surveillance peut s’avérer complexe, pour des raisons liées à la maladie et à l’hôte (par exemple faible prévalence, variabilité de la réponse immunitaire) ou au système de surveillance, telles que la détection non-aléatoire des cas et l’absence d’examen de laboratoire parfait. En effet, il est parfois techniquement impossible de mettre en place des procédures de surveillance permettant une détection équiprobable des cas. Un tel objectif peut aussi être écarté car jugé trop coûteux ou inopportun. Ainsi, de nombreux systèmes mettent à présent en place une surveillance ciblée sur les populations les plus à risque pour améliorer leur rapport coûts-bénéfices, (Ribeiro-Lima et al., 2016; Rodríguez-Prieto et al., 2015; Stärk et al., 2006). Il s’agit habituellement des individus ayant le plus de risque d’être infectés. Le choix peut aussi se porter sur les animaux pour lesquels l’infection aurait le plus fort impact économique (animaux de haute valeur ou destinés aux échanges commerciaux par exemple) ou ceux ayant le plus fort potentiel de diffusion

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(animaux reproducteurs pour une maladie à transmission vénérienne, chevaux de course ou de sport participant à des compétitions internationales). Par ailleurs, les méthodes diagnostiques permettent rarement une détection parfaite des cas et/ou l’obtention de résultats systématiquement négatifs pour les individus non infectés (Joseph et al., 1995; Praud et al., 2012; Toma et al., 2010). On parle alors respectivement de défaut de sensibilité et/ou de spécificité des tests, dont le niveau n’est pas toujours connu en pratique. Cette méconnaissance a pour conséquence la difficulté à estimer le nombre réels de cas dans la population et donc à évaluer précisément la sensibilité du système de surveillance (Martin et al., 2007a).

Les deux principales méthodes quantitatives employées en santé animale pour évaluer la sensibilité d’un système de surveillance sont les méthodes de capture-recapture et les arbres de scénarios. Les premières permettent d’estimer la sensibilité en termes d’aptitude à détecter l’ensemble des cas présents sur un territoire donné, tandis que les secondes se concentrent plutôt sur la capacité du système à mettre en évidence la maladie si elle est effectivement présente sur le territoire.

3.2.1 Les méthodes de capture-recapture

Les méthodes de capture-recapture permettent d’estimer le nombre total de cas d’une maladie sur un territoire donné, que ces cas aient été détectés ou non. Elles se servent pour cela du nombre de cas détectés par le système de surveillance. Ces méthodes permettent alors de mesurer la sensibilité du système, en faisant le rapport entre le nombre de cas détectés et le nombre total estimé de cas. Selon les données disponibles et le type d’approche employée, l’unité épidémiologique étudiée n’est pas toujours le cas, mais peut être un regroupement de cas, à l’échelle de l’élevage, de la commune, du district, etc.

Les méthodes de capture-recapture ont initialement été développées dans les domaines de la démographie puis de l’écologie pour estimer la taille de populations sauvages et les paramètres de dynamique de ces populations (Cormack, 1964; Laplace, 1786; Lebreton et al., 1992; Lincoln, 1930; Petersen, 1896). Elles ont ensuite été transposées à la santé humaine pour estimer le nombre de personnes atteintes par une maladie, essentiellement depuis une vingtaine d’années (Hook et Regal, 1995; IWGDMF, 1995a, b). Les premières publications en santé animale pour estimer l’incidence et la sensibilité de la surveillance datent d’une dizaine d’années (Böhning et Del Rio Vilas, 2008; Del Rio Vilas et Böhning, 2008; Del Rio Vilas et al., 2005).

Deux grandes catégories de méthodes de capture-recapture peuvent être distinguées, appelées

multilistes et unilistes. L’approche multiliste est la plus communément utilisée pour estimer des

tailles de populations infectées. Elle se fonde sur plusieurs sources, ou listes, de cas détectés. Ces listes de cas sont produites par des activités de surveillance différentes. Elles peuvent par exemple

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provenir de registres d’hôpitaux, de laboratoires, de cabinets médicaux, de déclarations spontanées ou de dispositifs de surveillance programmée (El Adssi et al., 2013; Vong et al., 2012). Ces listes sont par nature incomplètes et le nombre de cas non détectés (i.e. recensés par aucune liste) n’est pas connu. En repérant les détections croisées, c’est-à-dire les cas communs aux différentes listes, il est possible, sous certaines conditions, d’estimer le nombre de cas non détectés. Ce dernier nombre permet ensuite d’estimer le nombre total de cas et la sensibilité de chaque source de données (IWGDMF, 1995a).

L’approche uniliste ne s’intéresse pas aux détections croisées mais aux fréquences de détection, c’est-à-dire au nombre de fois qu’un cas (ou toute autre unité épidémiologique) est détecté. Cette approche permet de contourner les problèmes d’application des méthodes multilistes lorsqu’une seule source de données existe ou lorsque les individus ne peuvent pas être identifiés par plusieurs sources (Vergne et al., 2015). Ces situations sont fréquentes pour les systèmes de surveillance en santé animale. Par exemple, certains animaux ne font l’objet d’un dépistage qu’au moment de leur abattage, rendant impossible leur détection ultérieure. C’est également le cas lorsque, pour certaines maladies, la réglementation prévoit que tout individu détecté infecté soit isolé puis euthanasié dans un délai bref, de l’ordre de quelques jours à quelques semaines. Pour observer des détections multiples, il faut alors changer d’échelle, ne plus considérer la détection de l’individu infecté, mais la détection d’une unité épidémiologique élargie qui peut être l’élevage, ou tout autre périmètre regroupant des sujets réceptifs. La fréquence de détection qui sera alors modélisée est le nombre de détections de l’élevage, c’est-à-dire le nombre d’animaux infectés appartenant à cet élevage qui auront été détectés par le système de surveillance. Le nombre d’unités infectées non détectées n’est pas connu et son estimation est le but des méthodes unilistes (Vergne, 2012).

Deux types de modèles unilistes sont utilisables selon les données disponibles, les modèles tronqués

en zéro et les modèles enflés en zéro. Les modèles tronqués en zéro sont employés lorsque les

données ne portent que sur les unités infectées ayant été détectées au moins une fois. Les unités infectées non détectées (ayant zéro détection) sont absentes du jeu de données et doivent alors être estimées (Böhning et Del Rio Vilas, 2008; Del Rio Vilas et Böhning, 2008; Vergne et al., 2012). Au contraire, lorsque le jeu de données porte sur la population totale, les unités ayant zéro détection sont surreprésentées : il peut s’agir d’unités soit non infectées, soit infectées mais dont l’infection n’a pas été détectée. Les modèles dits enflés en zéro sont alors utilisés, afin d’estimer la part d’unités infectées non détectées parmi l’ensemble des unités à zéro détection (Bronner et al., 2013; Vergne

et al., 2014). Les modèles enflés en zéro modélisent le nombre de détections de chaque unité, alors

que ceux tronqués en zéro modélisent le nombre de détections de chaque unité infectée uniquement (Vergne et al., 2015).

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3.2.2 Les arbres de scénarios

Les arbres de scénarios permettent d’estimer l’aptitude d’un système de surveillance à détecter une maladie sachant qu’elle est présente à un taux de prévalence limite donné, dénommé P*, c’est-à-dire sa capacité à détecter au moins un cas de la maladie. Ils sont aussi utilisés pour calculer la probabilité que cette maladie soit absente sachant qu’elle n’a jamais été détectée (Martin et al., 2007a).

Le principe de la méthode est d’estimer la sensibilité de la surveillance pour chaque sous-groupe de la population surveillée. Ces sous-groupes sont définis de manière à ce qu’en leur sein chaque individu ait la même probabilité d’être infecté par la maladie et d’être testé dans le cadre du système de surveillance, sachant que la population générale est infectée à un taux de prévalence P*. Pour arriver à distinguer chaque sous-groupe, la population étudiée est représentée sous la forme d’un arbre, qui « pousse » habituellement vers le bas. Le tronc correspond à l’ensemble de la population et se subdivise en branches successives. Chaque subdivision correspond à une différence de probabilité d’infection selon les groupes d’individus (premières ramifications) ou à une différence de probabilité de détection (dernières ramifications). Les probabilités associées à chaque ramification doivent être préalablement connues ou estimées, par exemple à partir de données historiques ou publiées ou à dire d’experts. Elles permettent le calcul de la probabilité d’occurrence de l’évènement survenant au bout de chaque branche : détection ou non détection. A chaque nœud, la somme des probabilités des différentes ramifications est égale à 1 (Hood et al., 2009; Martin et al., 2007a).

Introduite dans le domaine de la surveillance des maladies animales il y a une dizaine d’années par Martin et coll. (2007a; 2007b), cette méthode est de plus en plus utilisée pour évaluer la sensibilité de la surveillance mais aussi pour mettre en évidence qu’un territoire est indemne d’une maladie donnée (Christensen et Vallières, 2016; Foddai et al., 2016; Rivière et al., 2015; Welby et al., 2012). Pour atteindre ce dernier objectif il est nécessaire, après avoir calculé la sensibilité globale pour un taux de prévalence limite P* donné, de déterminer une probabilité a priori que le territoire soit infecté avant toute action de surveillance (prior). Dans l’hypothèse où la spécificité de la surveillance est parfaite, la sensibilité globale et le prior permettent alors de calculer la probabilité que le territoire soit indemne sachant qu’aucun cas n’a été identifié dans le cadre de la surveillance. Cette probabilité peut aussi être appelée valeur prédictive négative (VPN) du système de surveillance (Martin et al., 2007a).

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