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III - E. coli et cancer colorectal

III.1. Implication du microbiote intestinal dans la carcinogenèse

III.1.3. c. Métabolites bactériens

Les nutriments non digérés se retrouvent dans le côlon comme d’autres composés exogènes (xénobiotiques, cellulose…) et endogènes tels que le mucus et les sels biliaires. Tous ces composants vont être alors métabolisés par le microbiote colique en divers métabolites utilisables par les cellules coliques (Louis et al., 2014a; Rowland et al., 2018). Les principales fonctions métaboliques assurées par le microbiote sont la digestion des polysaccharides et carbohydrates non digérables par son hôte, la protéolyse et fermentation des acides aminées, la dégradation des acides biliaires, le métabolisme des gaz (CO2 et H2) et des stérols, ainsi que des xénobiotiques. Les dysbioses identifiées dans le CCR peuvent donc être à l’origine de modifications de ces fonctions métaboliques (Villéger et al., 2018).

La fermentation des carbohydrates produit des acides gras à chaînes courtes (AGCC) dont les trois majoritaires sont le butyrate, l’acétate et le propionate qui sont considérés comme des composants bénéfiques pour la muqueuse colique la plupart du temps (Miller and Wolin; Ouwehand et al., 2005). Il a été montré qu’une moindre quantité de ces AGCC et en particulier de butyrate était observée dans les fèces de patients atteints de CCR comparativement aux sujets contrôles (Chen et al., 2012; Weaver et al., 1988; Weir et al., 2013). De même, les études de microbiote chez les patients CCR montrent une baisse d’abondance des bactéries capables de métaboliser ces composés telles que Ruminococcus spp et Pseudobutyvribrio ruminis (Chen et al., 2012; Weaver et al., 1988; Weir et al., 2013). Le rôle du butyrate reste complexe car il a également été montré dans le modèle murin APCMin/+ MSH2-/- que le butyrate peut favoriser le développement de polypes dans le côlon. L’effet du butyrate dépendrait de la concentration de ce composé dans le milieu colique et de sa voie d’administration, par exemple de fortes concentrations en butyrate induisent une prolifération anarchique des cellules de l’épithélium colique (Belcheva et al., 2014).

Il a été montré que les patients atteints de CCR présentent de plus grande quantité d’acides aminés dans leur fèces que les individus sains (Weir et al., 2013). Leur dégradation

70 entraine la formation de métabolites pouvant être particulièrement pro-carcinogènes tels que les phénols, les sulfures, l'ammoniaque et des composés azotés (Louis et al., 2014a; Schwabe

and Jobin, 2013). La production de composés azotés à partir d’acides aminés a notamment été

décrite pour les Bacteroidetes et Firmicutes. Ces composés favorisent la carcinogenèse via des phénomènes d’alkylation de l’ADN (Loh et al., 2011). De plus, il a été montré qu’un régime riche en protéines et pauvre en carbohydrates induit la production de métabolites toxiques et la diminution de composés protecteurs par les bactéries dont les espèces Bacteroidetes et Firmicutes (Russell et al., 2013).

Le métabolisme des acides biliaires par les bactéries coliques, peut lui aussi être relié à la carcinogenèse colique. En effet, une forte concentration fécale en acides biliaires serait associée à un risque élevé de développer un CCR (Louis et al., 2014b). Ce lien entre acides biliaires et CCR est renforcé par le fait que la consommation d’aliments à forte teneur en graisses lié à une haute sécrétion de ces acides, est corrélé à un risque élevé de développer un cancer colique (Bernstein et al., 2005). De plus, il a été montré que certaines espèces du microbiote colique telles que Bacteroides, Bifidobacterium, Clostridium et Listeria possédaient l’enzyme bactérienne 7α-dehydroxylase, qui permet la décomposition des sels biliaires en acides biliaires secondaires (acides deoxycholique et lithocholique) (Jones et al., 2007; Ocvirk and O’Keefe, 2017; Ridlon et al., 2006). Ces composés sont connus pour leur rôle dans le CCR (Bernstein et al., 2005; Louis et al., 2014b; Ocvirk and O’Keefe, 2017). Cependant les mécanismes impliqués sont encore mal connus mais l’implication des ROS, RNS et l’accumulation de dommages de l’ADN sont suggérées (Bernstein et al., 2005; Louis et al.,

2014b). De plus, l’activité de la β-glucuronidase fécale chez les patients atteints de CCR est

multipliée par 1,7 par rapport à celle des sujets sains (Kim and Jin, 2001). Cette enzyme bactérienne est capable de réactiver certains composants carcinogènes rendus inactifs dans le foie et excrétés par la bile dans le tractus digestif et ainsi serait liée à la carcinogenèse colique (Kim and Jin, 2001). Des études sur un modèle de rat prédisposé au CCR ont montré que l’inhibition de cette enzyme par l’utilisation du régime C-GAL, entrainait une diminution du développement tumoral (Takada et al., 1982).

De forts taux de sulfure d’hydrogène (H2S) ont été détectés chez les patients atteints de CCR, par rapport à des individus contrôles (Rowland, 2000). Les bactéries sulfogéniques présentes dans le côlon peuvent utiliser le sulfate et le transformer en sulfure produisant des réactions entérotoxiques. Ces sulfures sont associés au cancer colique car ils ont un effet génotoxique vial’induction d’un stress oxydant démontré in vitro (Attene-Ramos et al., 2010).

CRC‐associated bacteria Colorectal  carcinogenesis Toxins Metabolites Inflammation

Figure 23 : Pouvoir carcinogène des bactéries associé à un stress oxydant. Certaines bactéries associées au CCR peuvent promouvoir le développement de ce cancer en favorisant le stress oxydant. Elles peuvent notamment augmenter la production d’espèces réactives de l’oxygène (ROS) et/ou en parallèle diminuer les défenses anti-oxydantes. Ce stress oxydant va ainsi entrainer des dommages cellulaires et nucléaires ainsi que l’activation de voies de signalisation oncogènes, favorisantin finele développement tumoral.Source : D’après Maddocks et al., 2009 ; Maddocks et al., 2013; Irrabazal et al., 2014; Gagnière et al., 2017 et Wang et al., 2016

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Enfin, le métabolisme microbien augmente la toxicité de l’alcool en transformant l’éthanol en acétaldéhyde qui est connu pour son effet génotoxique avec l’induction de dommages à l’ADN, mais aussi l’altération des systèmes de réparations de l’ADN (Homann, 2001).

En plus de ces effets pro-carcinogènes directement induits sur les cellules épithéliales coliques, ces voies métaboliques bactériennes peuvent également jouer un rôle dans la modulation de la réponse immunitaire (Routy et al., 2018a).