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II - Rôle du système immunitaire dans la carcinogenèse colique II.1- Cellules immunitaires impliquées dans le CCR

II.1.1. d. Les LT régulateurs

Les LT régulateurs (Tregs ; CD4+FoxP3+ et/ou CD25+) coliques, ont la fonction première de réguler la réponse immunitaire au sein de la muqueuse colique et de permettre ainsi son homéostasie en empêchant les phénomènes pro-inflammatoires. Ils ont aussi la capacité d’inhiber l’activation et la prolifération des LT. Les LT naïfs se différencient en LT régulateurs en présence notamment de la cytokine immunosuppressive TGF-β. Cette différenciation peut avoir lieu aussi bien dans le thymus que dans les tissus périphériques ou des zones plus localisées (par exemple muqueuse et tumeurs), générant plusieurs sous-types de Tregs qui seront décrits plus bas. Ces cellules produisent ensuite à leur tour des cytokines

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immunosuppressives et en particulier l’IL-10 et le TFG-β (Shevach and Thornton, 2014). Les LT régulateurs peuvent avoir des rôles antagonistes dans le CCR (Fletcher et al., 2018; Fridman et al., 2012). En effet, ils peuvent inhiber la réponse immunitaire anti-tumorale et donc être pro-tumoraux ; ceci est confirmé par des études sur les patients atteints de CCR qui montrent qu’un infiltrat riche en LT régulateurs est associé à une diminution de la survie des patients (Yaqub et al., 2008; Zhuo et al., 2014). L’une de ces études montre notamment que les LT régulateurs isolés de patients atteints de CCR ont sur les LT CD8+ anti-tumoraux un effet inhibiteur dépendant de l’activation de l’enzyme COX-2, décrite précédemment (Yaqub et al., 2008). À l’inverse d’autres études montrent qu’un fort infiltrat en LT régulateurs est associé à une augmentation de la survie des patients, suggérant un effet bénéfique de ces populations (Ling et al., 2014; Salama et al., 2009). Cette observation serait en partie expliquée par une diminution de l’inflammation induite par les LT régulateurs, notamment par leur rôle suppresseur sur les LT Th17. En effet, des études ex vivo ont permis de montrer que les Tregs isolés du sang des patients atteints de CCR inhibent la prolifération des LT Th17 (Crome et al., 2010). De plus, un effet anti-tumoral de ces cellules a été observé dans des modèles murins de CCR (Erdman et al., 2005; Geis et al., 2015). Notamment le transfert adoptif de LT régulateurs (CD4+CD25+) de souris WT (C57BL/6) à des souris APCMin/+ induit une régression des tumeurs coliques et intestinales de ce modèle. Cet effet est dépendant de la sécrétion de la cytokine anti-inflammatoire IL-10 (Erdman et al., 2005).

Il est à noter que parmi les Tregs il existe des sous-populations qui sont difficilement distinguables d’un point de vue phénotypique mais aux rôles bien distincts. En particulier concernant le micro-environnement colique on peut distinguer les LT régulateurs naturels (nTregs ou tTregs : « thymic derived Tregs ») et les LT régulateurs inductibles (iTregs ou pTregs : « peripheric inducible Tregs ») (Zhang et al., 2015a). Les nTregs sont différenciés au niveau du thymus et migrent ensuite dans les tissus de l’organisme, ils sont responsables de l’homéostasie des tissus et favorisent la tolérance immunitaire en inhibant les LT auto-réactifs (Sakaguchi et al., 1995). Les iTregs se différencient localement dans les tissus et au contact d’un environnement fortement inflammatoire (Singer et al., 2014; Whiteside, 2012; Zou, 2006). Cette sous-population de Tregs est particulièrement présente dans le micro-environnement tumoral du CCR et est responsable de l’inhibition de la réponse anti-tumorale T (Syed Khaja et al., 2017; Zhang et al., 2015a). Bien qu’une étude récente décrive l’augmentation des iTregs dans les tumeurs de patients atteints de CCR par rapport à leur muqueuse saine et leur association avec un micro-environnement immunosuppresseur pro-tumoral (expression de

33 checkpoints immunologiques notamment) (Syed Khaja et al., 2017), des études complémentaires sont nécessaires pour savoir si la distinction des iTregs et nTregs permet d’expliquer le rôle antagoniste de la population des LT régulateurs dans le CCR.

Néanmoins, il est fortement suggéré que le rôle de ces cellules régulatrices serait étroitement lié à la nature de l’infiltrat des tumeurs CCR. En effet si cet infiltrat est composé en majorité de cellules pro-inflammatoires (neutrophiles, macrophages, LT Th17…) les LT régulateurs permettraient de diminuer l’inflammation associée au cancer et seraient donc de bon pronostic pour les patients. À l’inverse si l’infiltrat intra-tumoral est composé en majorité de LT anti-tumoraux, dans ce cas les Tregs seraient de mauvais pronostic pour les patients (Betts et al., 2012).

Enfin, il a été décrit dans les tumeurs de patients atteints de CCR une population de LT régulateurs particuliers, caractérisés par leur capacité à produire de l’IL-17. Ces Tregs IL-17+ seraient fortement pro-tumoraux car ils participeraient à l’amplification d’un microenvironnement pro-inflammatoire, mais aussi à l’inhibition des LT anti-tumoraux (Kryczek et al., 2011).

Ainsi les LT régulateurs peuvent avoir un effet pro-ou anti-tumoral ; bien que leur implication dans le CCR restent mal connue, il semblerait que leur état d’activation, leur profil cytokinique, leur localisation, mais également la nature de l’infiltrat immunitaire auquel ils appartiennent (pro-inflammatoire ou riche en LT anti-tumoraux) soient importants pour déterminer leur rôle dans la carcinogenèse colique (Erdman et al., 2005; Fletcher et al., 2018; Norton et al., 2015).

II.1.1.e. Les LB

Les LB sont les effecteurs de la réponse humorale notamment contre les pathogènes extracellulaires. Ils se différencient dans la moelle osseuse et sont activés dans les organes lymphoïdes secondaires tels que le GALT, de manière dépendante de la reconnaissance d’antigène par leur BCR («B cell receptor »). Les LB activés peuvent présenter des peptides antigéniques via leur CMH de classe II (Moens and Tangye, 2014). Une interaction des LB avec les LT auxiliaires, notamment les LT Th2 dans la voie d’activation dite T-dépendante permet la différenciation des LB en plasmocytes sécréteurs d’anticorps (Hoffman et al., 2016). Le rôle de ces cellules dans la carcinogenèse colique n’est pas encore bien élucidé, cependant chez les patients atteints de CCR à des temps tardifs de la tumorigenèse elles s’accumulent dans

34 l’infiltrat tumoral et dans le sang par rapport à des individus sains (Shimabukuro-Vornhagen et al., 2014). Cette accumulation de LB serait associée à un bon pronostic pour les patients, suggérant un rôle plutôt anti-tumoral (Berntsson et al., 2016). Mais il a également été mis en évidence la présence de LB régulateurs capables de diminuer la réponse anti-tumorale chez les patients atteints de CCR à des stades avancés et métastatiques (Berntsson et al., 2016).

II.1.2) Rôles des cellules myéloïdes dans le CCR