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Si l’altération du métabolisme glucidique à la chaleur est connue depuis longtemps (Fink, Costill et al. 1975, Febbraio 2001), certaines observations contradictoires interrogent sur les mécanismes encore inconnus et les conséquences sur la performance.

a. La glycémie

Augmentation de la glycémie par la chaleur. Lors de l’exposition passive à la chaleur, la glycémie augmenterait (Akanji, Bruce et al. 1987, Frayn, Whyte et al. 1989, Akanji and Oputa 1991, Schmidt, Matos et al. 1994, Moses, Patterson et al. 1997). Cependant l’interprétation de cette hyperglycémie à la chaleur comme altération du métabolisme glucidique fait l’objet de controverses. L’effet d’une exposition passive à la chaleur (35 vs 23 °C) sur la glycémie veineuse a été mesuré en prenant en compte les variations du débit sanguin cutané, qui

augmente par l’ouverture de shunts artério-veineux du fait de la réponse thermorégulatrice. L’augmentation de la glycémie apparait corrélée à la vasodilatation cutanée, du fait d’une artérialisation du sang veineux (Frayn, Whyte et al. 1989). Ainsi, les auteurs concluaient à une altération apparente de la tolérance au glucose par l’exposition aiguë à la chaleur.

Stimulation de la glycogénolyse hépatique. Néanmoins, plusieurs observations plaident pour un impact spécifique de la chaleur aiguë sur le métabolisme du glucose, avec notamment une augmentation de la libération hépatique de glucose (Hargreaves, Angus et al. 1996). L’hyperglycémie à l’exercice à la chaleur serait donc, au moins en partie, le résultat d’un effet sur la régulation hépatique et non due au seul effet « mécanique » de diminution de la différence artérioveineuse en glucose consécutive à l’ouverture de shunts. D’autre part, une augmentation de l’insulinémie est également observée, au repos, à l’exposition passive à la chaleur (Akanji, Bruce et al. 1987, Frayn, Whyte et al. 1989, Akanji and Oputa 1991, Schmidt, Matos et al. 1994, Moses, Patterson et al. 1997). L’exposition à la chaleur induit une élévation de la glycémie et de l’insulinémie post-ingesta (repas ou hyperglycémie provoquée par voie orale) au repos (Faure, Charlot et al. 2016), traduisant une certaine intolérance au glucose induite par la chaleur. De plus, malgré les effets insulino-sensibilisants de l’exercice, la chaleur induit une augmentation de la glycémie post-ingesta après exercice par rapport à la situation témoin. Le stress aigu chaud apparait comme un stress métabolique puissant capable de contrecarrer les effets métaboliques propres de l’exercice.

Chaleur et charge glycémique. La possibilité d’une hyperglycémie induite par le stress thermique chaud pose la question des conditions de réalisation des tests diagnostiques de dysrégulation de la glycémie. Ainsi, une surestimation des cas d’intolérance au glucose est possible si les tests sont réalisés en ambiance chaude. Une étude a notamment retrouvé, chez certains sujets sains, une diminution de la tolérance à l’hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO) atteignant les critères d’intolérance au glucose lorsque le test était réalisé à 33°C (Akanji and Oputa 1991). Inversement, la vie sous les climats chauds pourrait accroitre le risque de pathologie de la régulation du métabolisme glucidique s’il existe bien une insulino-résistance induite par la chaleur comme le suggèrent les études citées précédemment. Il est d’ailleurs troublant de retrouver un taux d’incidence du diabète augmenté dans les populations tropicales, sans néanmoins préjuger de l’importance relative de l’habitus et des conditions environnementales.

connus. S’il semble exister une participation hépatique à ces observations (Hargreaves, Angus et al. 1996, Gerich, Meyer et al. 2001), le rôle du muscle, organe le plus consommateur de glucose par sa masse, dans cet équilibre est incontournable.

b. Utilisation du glucose par le muscle exposé à la chaleur

Il convient ici de distinguer l’origine du glucose utilisé par le muscle qui peut trouver son origine dans la circulation sanguine ou dans les stocks de glycogènes intramusculaire. Les effets de la chaleur sur l’utilisation du glucose circulant par le muscle sont très débattus. Certaines études montrent une augmentation de la consommation du glucose sanguin par le muscle (Koshinaka, Kawamoto et al. 2013) alors que d’autres attribuent l’élévation de glycémie lors d’un exercie à la chaleur à une élévation du taux d’apparition du glucose sans variation du taux de disparition et donc de captation par le muscle (Hargreaves, Angus et al. 1996, Koshinaka, Kawamoto et al. 2013)

Augmentation de l’utilisation du glycogène musculaire. Quoiqu’il en soit concernant la

captation du glucose circulant, les études portants sur l’utilisation des réserves glucidiques intramusculaires lors d’exercices à la chaleur sont plus nombreuses. Il est communément admis que l’hyperthermie induit une augmentation de l’utilisation des réserves glucidiques intramusculaires lors d’exercices prolongés (Febbraio, Snow et al. 1994, Febbraio, Snow et al. 1994, Hargreaves, Angus et al. 1996, Starkie, Hargreaves et al. 1999). Plusieurs études ont montré que l’augmentation de l’utilisation du glycogène musculaire induite par la chaleur était atténuée lorsque l’augmentation de la température profonde était elle-même limitée par diverses contre-mesures telles que l’acclimatation (King, Costill et al. 1985, Young, Sawka et al. 1985, Kirwan, Costill et al. 1987, Febbraio, Snow et al. 1994), l’hydratation (Hargreaves, Dillo et al. 1996, Gonzalez-Alonso, Calbet et al. 1999), la baisse de la température ambiante (Febbraio, Snow et al. 1996, Parkin, Carey et al. 1999), ou le refroidissement (Kozlowski, Brzezinska et al. 1985, Lemmer 2000). De nombreuses études suggèrent donc que l’exposition aiguë à la chaleur a des effets sur le métabolisme glucidique musculaire dépendantes de l’augmentation de la température profonde et/ou musculaire.

Pas d’effet de la chaleur si le stress thermique est insuffisant. Néanmoins certaines études

n’ont pas retrouvé d’augmentation de l’utilisation du glycogène lors d’un exercice à la chaleur. Yaspelkis n’a pas retrouvé d’effet de la chaleur sur la glycogénolyse malgré une différence de température d’exposition de 10°C entre les deux groupes. Cependant, les sujets de cette étude étaient acclimatés à la chaleur, et l’élévation de la température profonde de seulement 0,4°C

n’excédait pas l’amplitude des variations circadiennes au repos. De plus, la température musculaire n’étant pas connue, il est difficile de dire si l’absence de différence d’effet de la chaleur sur la glycogénolyse entre les deux groupes n’était pas liée à une absence d’élévation de la température musculaire dans le groupe réalisant l’exercice à la chaleur (Yaspelkis, Scroop et al. 1993). Il semble donc qu’une augmentation suffisante de la température musculaire soit un préalable important. En effet, l’exercice physique per se est connu pour induire une élévation de la température musculaire et une hyperthermie centrale. L’étude d’un stress thermique chaud surajouté implique de pouvoir induire une élévation de température suffisante pour mettre en évidence un effet de la chaleur exogène, distincte de l’hyperthermie d’exercice.

L’intensité d’exercice peut également masquer l’effet propre de la chaleur sur l’utilisation du

glycogène à l’exercice. En effet, plus l’effort est intense, plus le métabolisme énergétique repose sur l’utilisation du glycogène (Brooks and Mercier 1994). Ainsi dans l’étude de Maxwell (Maxwell, Gardner et al. 1999), les niveaux d’effort (115% 𝑉̇O2max) ont induit un tel niveau de consommation d’énergie que l’effet surajouté de la chaleur sur les réserves en glycogène ne pouvait probablement pas être individualisé du fait d’un niveau d’utilisation déjà maximal dans la situation contrôle.

Disponibilité en glycogène. Les stocks initiaux en glycogène ont pu aussi interférer avec les effets propres de la chaleur. Ainsi, Young ne retrouvait pas d’augmentation de la consommation en glycogène entre un exercice réalisé au chaud et un exercice réalisé au froid mais les stocks en glycogène avant exercice étaient différents entre les deux groupes(Young, Sawka et al. 1995).

Utilisation des glucides à la chaleur. L’utilisation accrue des glucides pose la question de leur devenir métabolique. Les glucides étant utilisés à la fois par les métabolismes aérobie et anaérobie, l’effet de la chaleur lors d’exercices sous-maximaux peut concerner ces deux filières. Plusieurs études montrent que l’augmentation de l’utilisation des CHO au cours d’un exercice réalisé à la chaleur s’accompagne d’une augmentation de la lactatémie (Febbraio, Snow et al. 1994, Febbraio, Snow et al. 1994, Febbraio, Carey et al. 1996, Hargreaves, Dillo et al. 1996, Parkin, Carey et al. 1999), ce qui pourrait être interprété comme une augmentation de la glycolyse anaérobie pour un exercice d’intensité donnée. Dans l’étude de Febbraio de 1996, la chaleur était appliquée localement sur le muscle, lors d’un exercice supramaximal (115%𝑉̇O2max) (Febbraio, Carey et al. 1996). Le but était d’analyser le rôle du métabolisme dans la survenue de la fatigue musculaire à la chaleur, et de discriminer l’effet propre de la

température. Les auteurs ont ainsi montré une augmentation de la lactatémie en parallèle de la diminution du glycogène dans le muscle localement chauffé. Cependant la lactatémie est la résultante d’une part de la production et de l’élimination musculaires du lactate, et d’autre part de son prélèvement par d’autres tissus. La constatation d’une lactatémie augmentée à la chaleur ne signifie pas formellement que le muscle actif est le lieu d’un métabolisme anaérobie augmenté. La preuve que le métabolisme anaérobie a davantage été mis à contribution ne peut être apportée que si l’augmentation de production locale de lactate est mise en évidence. Un argument en faveur de cette hypothèse s’appuie sur le dosage des adénosine phosphates (AdN = ATP+ADP+AMP encore appelé pool nucléotidique) et de la phosphocréatine (PCr). Or une diminution du pool nucléotidique était observée lors de l’exercice, qu’il soit sous-maximal (Febbraio, Snow et al. 1994) ou intense (Febbraio, Carey et al. 1996). De manière concordante, cette dégradation accrue des phosphates à haute énergie, associée à l’augmentation de la glycogénolyse et de la lactatémie forment un faisceau d’arguments en faveur d’une augmentation du métabolisme anaérobie, et de la glycolyse lors d’un exercice à la chaleur.

Augmentation de la lactatémie controversée. L’effet de la chaleur sur l’augmentation de la glycogénolyse musculaire et l’activation du métabolisme anaérobie lors de l’exercice à la chaleur demeurent néanmoins controversés, certaines études ne retrouvant pas un tel effet (Young, Sawka et al. 1985, Nielsen, Savard et al. 1990, Yaspelkis, Scroop et al. 1993, Young, Sawka et al. 1995, Maxwell, Gardner et al. 1999). Ainsi, une accumulation intramusculaire de lactates est mise en évidence de façon plus importante chez des sujets ayant réalisé un exercice sous-maximal à la chaleur, mais en l’absence d’augmentation de la glycogénolyse musculaire (Young, Sawka et al. 1985), tandis que l’augmentation de la lactatémie n’est pas systématiquement retrouvée au niveau du muscle actif (Nielsen, Savard et al. 1990). Plusieurs hypothèses peuvent être discutées concernant les discordances de résultats de lactatémie. La balance circulatoire à l’exercice à la chaleur et la redistribution d’une partie du débit sanguin vers la peau a pu modifier la capacité d’élimination des lactates avec notamment une possible diminution du débit circulatoire splanchnique et surtout la capacité d’efflux du muscle secondaire à la diminution du débit sanguin musculaire.

Malgré les controverses, l’analyse de la littérature suggère que l’exposition aiguë à la chaleur augmente la dépendance du métabolisme énergétique aux CHO et notamment aux dépens des stocks glycogéniques intramusculaire et que celle-ci repose au moins en partie sur une augmentation de la contribution de la glycolyse à l’exercice. De plus, malgré cette dépendance accrue aux CHO, la vitesse de disparition dans le sang du glucose marqué demeure stable. Le muscle n’augmente donc pas sa vitesse d’absorption du glucose sanguin par rapport à l’exercice en neutralité thermique. Dans le contexte d’hyperglycémie induite par la chaleur évoquée précédemment, ce résultat est cohérent avec l’hypothèse de l’augmentation de la production hépatique de glucose avancée par certains auteurs.

Indépendamment de ces effets sur le métabolisme anaérobie, plusieurs études ont montré une augmentation du quotient respiratoire (QR) à l’exercice à la chaleur suggérant que les glucides pourraient être davantage oxydés lors d’un exercice réalisé à la chaleur plutôt qu’en ambiance thermique neutre (Young, Sawka et al. 1985, Dolny and Lemon 1988, Febbraio, Snow et al. 1994, Febbraio, Snow et al. 1994, Hargreaves, Angus et al. 1996). En couplant la méthode de mesures des échanges gazeux à celle du glucose marqué, Hargreaves montre que l’augmentation du QR observée reflète une augmentation de l’oxydation des glucides de 33 µmol.kg-1.min-1 (234 ± 12 vs 201± 8 µmol.kg-1.min-1) lorsque l’exercice est réalisé à la chaleur (40°C) comparativement à un exercice de même intensité réalisé à 20°C (Hargreaves, Angus et al. 1996).