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Les effets de la chaleur sur l’utilisation des CHO interrogent sur la contribution relative d’une part des filières anaérobie et aérobie, d’autre part de la participation des deux principaux substrats énergétiques oxydés (glucides et lipides) à l’exercice, CHO et lipides, dans la fourniture en énergie. Alors que de nombreuses études se sont intéressées aux effets de la chaleur sur le métabolisme des glucides à l’exercice, d’une manière générale, peu d’études se sont réellement intéressées aux conséquences de la chaleur sur l’utilisation des lipides à l’exercice. La contribution des acides gras est généralement envisagée sous l’angle de la balance des substrats et donc par déduction. Les auteurs supposent une moindre contribution des acides gras au regard de l’utilisation accrue des CHO.

Une moindre contribution des lipides. Quelques études suggèrent néanmoins une moindre contribution des lipides dans la fourniture d’énergie à la chaleur mais ne permettent pas d’objectiver une altération de l’oxydation des acides gras à l’exercice à la chaleur. Historiquement, l’expérience de Fink observait que l’utilisation des triglycérides intra-musculaires était réduite à 41°C. Néanmoins, elle comparait deux situations cardinales, froid et chaud, sans témoin « tempéré ». D’autres études, depuis, ont également montré une moindre utilisation des lipides à la chaleur (Young, Sawka et al. 1985, Dolny and Lemon 1988, Febbraio, Snow et al. 1994, Febbraio, Snow et al. 1994, Hargreaves, Angus et al. 1996, Febbraio 2000). De plus, une étude récente suggère qu’à la chaleur la vitesse d’oxydation des lipides serait maximale pour des intensités très faibles d’exercice. Ainsi, la classique courbe en cloche représentant le débit d’oxydation des acides gras en fonction de l’intensité d’exercice ne serait pas transposable à la chaleur. Le niveau d’oxydation des lipides étant déjà quasiment maximal dès les faibles intensités, il ne ferait que diminuer avec l’intensité d’exercice (Gagnon, Perrier et al. 2019). Outre les différences de méthodologie entre ces études, l’ensemble de ces résultats sont basés sur l’interprétation métabolique du QR. Ces mesures par calorimétrie indirecte nécessitent de vérifier une parfaite stabilité ventilatoire et de pH sanguin dans les deux situations d’exercice. Or lors d’une exposition passive à la chaleur, une hyperventilation est classiquement reportée qui peut générer des biais d’interprétation importants (Pilch, Szygula et al. 2010). L’intensité d’exercice et le stress thermique différents peuvent également expliquer les divergences de résultats. Les valeurs de température profonde en fin d’exercice à la chaleur étaient de 40,7°C pour Febbraio et 39°C pour O’Hearn. De plus, l’expérience de O’Hearn se distingue par une phase d’exposition passive à la chaleur de 120 min précédent l’exercice. Cette exposition passive préalable, si elle n’induit pas d’hyperthermie importante, peut avoir modifié le métabolisme lipidique, comme le suggère l’augmentation des AG libres circulants qui s’est prolongée à l’exercice. Ainsi cette augmentation des AG circulants peut avoir modifié le niveau d’oxydation des lipides à l’exercice en augmentant la disponibilité des AG indépendamment de la température d’exercice. Ainsi, l’augmentation d’utilisation des CHO et la diminution d’oxydation des lipides classiquement suggérée en miroir dans certaines autres études ont pu être masquées par cette disponibilité accrue des AG, d’autant plus que l’intensité d’exercice était modérée, inférieure à d’autres études (50%VO2max vs 70%VO2max) (Febbraio, Snow et al. 1994, Febbraio, Snow et al. 1994). En effet, l’effet de la chaleur sur le métabolisme énergétique semble varier selon l’intensité d’exercice. Une étude récente a montré que pour des exercices d’intensité modérée (52 à 55% de la puissance maximale aérobie), il n’existait pas de différence de contribution entre les CHO et les AG) (Maunder, Plews et al. 2019).

Disponibilité en acides gras. Une autre approche que celle du QR consiste à comparer les concentrations circulantes en acides gras. Plusieurs études n’ont pas retrouvé d’effet de la chaleur sur les AG circulants (Fink, Costill et al. 1975, Nielsen, Savard et al. 1990, Yaspelkis, Scroop et al. 1993, Gonzalez-Alonso, Calbet et al. 1999). Cependant, certaines observations ont pu montrer qu’une exposition aiguë passive à la chaleur pouvait induire une augmentation des acides gras libres circulants (AG non-estérifiés AGNE)(Eddy, Sparks et al. 1976, Yamamoto, Zheng et al. 2003, O'Hearn, Tingelstad et al. 2016). Une étude récente a comparé l’effet d’une exposition passive à la chaleur (42°C) à une ambiance thermique neutre (23°C) sur les concentrations sanguines en lipides, le niveau d’utilisation en CHO et lipides en calorimétrie indirecte, au cours d’un exercice sous-maximal réalisé à 42 ou 23°C (50% VO2max) (O'Hearn, Tingelstad et al. 2016). Au repos, les auteurs observent une augmentation des AG circulants à la chaleur qui perdure à l’exercice à la chaleur, contrairement à d’autres études citées précédemment (Fink, Costill et al. 1975, Nielsen, Savard et al. 1990, Gregson, Drust et al. 2002, Jentjens, Wagenmakers et al. 2002). La disponibilité en acides gras ne semble donc pas un facteur limitant même si l’interprétation d’une concentration plasmatique doit être faite avec prudence en gardant à l’esprit qu’il s’agit d’un secteur d’équilibre entre production et utilisation des substrats. Ainsi, l’augmentation importante des AG libres circulants observée dans les conditions d’exposition à la chaleur peut être due à une augmentation de la lipolyse, stimulée par le contexte catécholaminergique (Galster, Clutter et al. 1981, Powers, Howley et al. 1982, Iguchi, Littmann et al. 2012), mais également à une moindre utilisation périphérique des lipides circulants par rapport aux triglycérides intramusculaires.

En résumé l’effet du stress thermique chaud aigu peut être considéré comme un facteur décalant le point de croisement glucido-lipidique vers une plus grande utilisation des glucides, mais sans que le métabolisme lipidique à la chaleur n’ait véritablement été exploré notamment dans ces étapes d’oxydation mitochondriales. Il existe plusieurs biais à l’interprétation des résultats disponibles et acquis par des techniques non invasives de physiologie intégrée ne permettant qu’une évaluation indirecte de l’oxydation des substrats.

Quelles que soient les discordances de données concernant le métabolisme lipidique, l’augmentation de le concentration sanguine en acides gras liée à une stimulation catécholaminergique ne semble pas s’accompagner des effets attendus sur l’oxydation des

lipides et pose la question d’une altération de leur utilisation par le muscle lors de l’exposition à la chaleur. Ainsi la chaleur pourrait exercer des effets propres sur le fonctionnement mitochondrial et altérer la phosphorylation oxydative.