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Dans la réponse du métabolisme énergétique à l’exposition aiguë à la chaleur, deux composantes peuvent être distinguées : la stimulation catécholaminergique et l’effet direct de la température sur le muscle.

a. Mécanisme catécholaminergique

L’adrénaline stimule la glycogénolyse musculaire. L’exercice est connu pour induire une

augmentation de la concentration sanguine en adrénaline. Cette sécrétion d’adrénaline à l’exercice est augmentée par la chaleur (Galbo, Houston et al. 1979, Febbraio, Snow et al. 1994, Febbraio, Snow et al. 1996, Hargreaves, Angus et al. 1996, Hargreaves, Dillo et al. 1996, Gonzalez-Alonso, Calbet et al. 1999, Parkin, Carey et al. 1999) et la déshydratation (Hargreaves, Dillo et al. 1996). Or l’un des effets de l’activation des récepteurs β-adrénergiques est de stimuler la glycogène phosphorylase. L’augmentation de l’adrénaline circulante induite par la chaleur devrait médier l’augmentation de l’utilisation des réserves musculaires en glycogène. Plusieurs études (Febbraio, Snow et al. 1994, Febbraio, Snow et al. 1996, Hargreaves, Dillo et al. 1996, Gonzalez-Alonso, Mora-Rodriguez et al. 1997) ont permis de constater une concordance de réponse entre l’augmentation de la concentration d’adrénaline et celle de la glycogénolyse. Nous disposons de quelques études ayant montré l’effet de l’adrénaline sur le métabolisme des substrats, notamment chez l’animal. Ces études ont montré via l’injection d’adrénaline (Richter, Sonne et al. 1981, Richter, Ruderman et al. 1982, Issekutz 1985) ou la neutralisation de son action par ablation des surrénales (Hashimoto, Knudson et al.

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1982) ou utilisation de β-bloquants (Issekutz 1984), qu’elle permettait de stimuler la glycogénolyse. Néanmoins, la corrélation entre adrénaline et glycogénolyse n’est pas toujours retrouvée (Nielsen, Savard et al. 1990). La complexité des effets de l’adrénaline explique des observations controversées chez l’Homme. Si à doses supra-physiologiques, a été mis en évidence un effet de l’adrénaline sur la glycogénolyse (Jansson, Hjemdahl et al. 1986, Spriet, Ren et al. 1988), d’autres études n’ont pas montré d’augmentation de la glycogénolyse à la suite de l’administration de concentrations physiologiques d’adrénaline (Chesley, Hultman et al. 1995, Wendling, Peters et al. 1996). L’effet de l’adrénaline a été étudié au cours d’un exercice sous-maximal à la chaleur. L’adrénaline a été administrée lors d’un exercice en normothermie (20°C) pour atteindre la concentration observée lors d’un exercice à la chaleur (40°C), c’est-à-dire environ 2 fois la concentration d’adrénaline. Il a ainsi été observé une augmentation de la glycolyse, de l’utilisation du glycogène et de l’oxydation des CHO, mimant la réponse observée pour un même exercice réellement accompli à 40°C. Ainsi, la glycogénolyse musculaire à

l’exercice réalisé à la chaleur parait bien médiée par l’adrénaline (Febbraio, Lambert et al.

1998).

L’adrénaline stimule la glycogénolyse hépatique. De plus, l’adrénaline serait également

impliquée dans la production hépatique de glucose à l’exercice et à la chaleur. Chez l’animal, des observations suggèrent que l’adrénaline stimule la production hépatique de glucose (Richter, Sonne et al. 1981, Sonne, Mikines et al. 1985). De plus, l’injection d’adrénaline a permis d’augmenter cette production de glucose chez des individus entraînés en endurance ou surrénalectomisés (Howlett, Febbraio et al. 1999, Howlett, Galbo et al. 1999). Ainsi, les études in vivo suggèrent une augmentation de la production hépatique de glucose et de l’utilisation musculaire au moins en partie médiée par la réponse circulante adrénergique.

Adrénaline et oxydation des glucides. L’exposition aiguë à la chaleur induirait une augmentation du QR à l’exercice, qui pourrait être médiée par l’adrénaline (Febbraio, Lambert et al. 1998). L’implication des catécholamines pose la question de leur mécanisme d’action. Cette augmentation de la concentration d’adrénaline pourrait activer la pyruvate déshydrogénase (Watt, Howlett et al. 2001).

Au regard des études précédentes, le rôle de l’adrénaline dans la réponse du métabolisme lipidique à la chaleur demeure mal connu. Si l’adrénaline est connue pour être un puissant agent lipolytique, notamment par son action sur la lipase hormonosensible, son rôle particulier dans la mobilisation des acides gras n’a jamais été étudié au cours d’un exercice à la chaleur notamment au regard des peptides natriurétiques. A ce jour, il n’est pas possible d’imputer

l’élévation des AG plasmatiques lors d’un exercice à la chaleur à la sécrétion d’adrénaline plutôt qu’à une moindre utilisation par le muscle.

b. Effet local de la température

Plusieurs expérimentations ont été réalisées afin d’étudier l’effet de l’augmentation de la température locale, en s’affranchissant de l’augmentation de la température profonde. Febbraio a comparé l’effet local de deux températures musculaires sur l’utilisation des substrats au cours d’un exercice intense (115% 𝑉̇O2max) ou sous-maximal (70% 𝑉̇O2max) (Febbraio, Carey et al. 1996, Starkie, Hargreaves et al. 1999). Pour cela, il a utilisé des manchons chauffants et refroidissants afin d’induire localement une augmentation de la température au niveau du muscle actif (quadriceps, en l’occurrence) sans modifier la température profonde. Il a pu montrer que le muscle chauffé utilisait davantage le glycogène, indépendamment d’une augmentation de la température centrale ou d’une stimulation catécholaminergique qu’une exposition générale à la chaleur aurait pu induire.

Plusieurs hypothèses sont suggérées dans la littérature : soit une accélération du métabolisme par effet Q10 ou secondaire à une augmentation de la demande en ATP liée à la fonction contractile, soit une altération rendement mitochondrial que nous avons déjà évoqué dans le chapitre sur les effets mitochondriaux de la chaleur.

Effet Q10

L’augmentation de la température intramusculaire, per se, pourrait jouer un rôle sur l’activité d’enzymes-clé du métabolisme énergétique (Kozlowski, Brzezinska et al. 1985, Young 1990). Brooks a montré dans des mitochondries isolées incubées à différentes températures que l’élévation de température (de 25 à 37°C) augmentait la vitesse de respiration en conditions non-phosphorylantes et phosphorylantes (stades 4 et 3) (Brooks, Hittelman et al. 1971). Dans une autre étude de Brooks, la chronologie de décroissance de la VO2 suivait la décroissance des températures profonde et musculaire. Ainsi, une part de la VO2 mesurée en récupération, généralement utilisée pour étudier le métabolisme anaérobie, pourrait refléter un effet Q10 sur des réactions catalysées par les enzymes du métabolisme aérobie.

Cet effet de la chaleur représente, classiquement, une augmentation de l’ordre de 2 à 3 fois l’activité enzymatique en réponse à une élévation de 10°C. Ainsi pour une augmentation de 2°C de la température musculaire, les activités enzymatiques augmentent de 20 à 30% environ. Les

preuves directes de cet effet de la température sont néanmoins peu nombreuses dans la littérature. Au cours de l’exercice modéré, l’augmentation locale de la température musculaire induit une augmentation de l’utilisation des réserves en glycogène (Starkie, Hargreaves et al. 1999). Une augmentation de l’utilisation du glycogène était observée avec l’augmentation de la température musculaire mais indépendamment de la température profonde (restée stable) ou d’une altération du pool nucléotidique. En considérant la différence maximale de température (6,9°C) et la diminution des réserves en glycogène (-76%), l’effet de la chaleur sur le muscle parait s’inscrire dans la fourchette d’un effet Q10 soit + 70% pour une augmentation de 7°C entre le groupe chaud et le groupe témoin.

Effets de la chaleur sur les propriétés contractiles

Augmentation de la force maximale musculaire. Malgré quelques études contradictoires (Dotan and Bar-Or 1980, Yaicharoen, Wallman et al. 2012, Yaicharoen, Wallman et al. 2012), il semble que les performances de sprint unique (Sargeant 1987, Linnane, Bracken et al. 2004), répété (Falk, Radom-Isaac et al. 1998, Girard, Bishop et al. 2013) ou intermittent (Maxwell, Aitchison et al. 1996, Morris, Nevill et al. 2000, Morris, Nevill et al. 2005, Sunderland and Nevill 2005, Hayes, Castle et al. 2014) soient améliorées par la chaleur. Notamment lors d’un exercice unique au cours duquel le muscle est localement chauffé, peut être observée une augmentation de la puissance et de la force maximales. Une exposition passive à la chaleur améliore la puissance développée (11%) lors d’un exercice de pédalage isocinétique (Sargeant 1987).

Accélération du tunr-over en ATP. Parmi les mécanismes potentiels de l’effet de la chaleur locale, certains reposent sur la fonction contractile et d’autres sur la fonction métabolique du muscle (Febbraio 2001). La chaleur augmenterait la vitesse d’utilisation de la phosphocréatine (PCr) (Gray, De Vito et al. 2006). Cette hypothèse suppose une contribution plus importante des fibres rapides glycolytiques dont la vitesse de dégradation de la PCr est la plus rapide. Or certains auteurs ont suggéré une activation préférentielle des fibres de type II par la chaleur (Young, Sawka et al. 1985). Ainsi, pour une intensité donnée, la fourniture en énergie pour un exercice réalisé à la chaleur reposerait davantage sur le métabolisme anaérobie.

Couplage excitation-contraction à la chaleur. Des modifications du couplage électromécanique pourraient aussi être impliquées dans les effets de la chaleur locale sur la performance. Selon les études, la chaleur pourrait causer une séquestration plus rapide du Ca2+, un décalage de la relation force-Ca2+ vers la droite ou la modification de l’activité ATPase (Bottinelli, Canepari et al. 1996, De Ruiter and De Haan 2000, MacIntosh 2003). Une

accélération des cycles des ponts actine-myosine a été décrite à la chaleur (Edwards, Harris et al. 1972). Ces modifications des propriétés contractiles musculaires par les conséquences sur la vitesse de dégradation de l’ATP qu’elles occasionnent, impliquent des adaptations du métabolisme énergétique et ainsi la chaleur pourrait augmenter le turn-over de l’ATP.

Concernant les mécanismes possibles mis en jeu par la chaleur et expliquant les altérations métaboliques observées, l’ambiance adrénergique majorée lors d’un exercice à la chaleur participe probablement à la facilitation de la glycogénolyse. Un effet propre de la température sur le muscle avec un effet Q 10 est communément retrouvé in situ mais son rôle in vivo reste discuté. Indépendamment de modification métaboliques, il existe des altérations de la chaleur sur le couplage excitation-contraction qui pourraient secondairement modifier les besoins en énergie et le turn-over en ATP. Il reste à ce jour difficile d’expliquer les mécanismes qui concourent au déplacement du point de croisement glucido-lipidique lors d’un exercice à la chaleur. S’il est établi que les perturbations systémiques hormonales ne peuvent en rendent compte, les effets locaux de la chaleur sur les enzymes des voies métaboliques glucidiques et lipidiques n’ont jamais été comparés.

5. Influence de l’exposition aiguë à la chaleur selon le type