grands Parleurs, c’eftde réfléchirfouvent aux malheurs, aux dangers, à l’infamie
même
à laquelle l’inconfidération aexpofé tantd’indifcrets.Laleconde méthode que devroientfeprelcrirelesbabillards, cft,à lavérité,pluspénible,maisauflid'un plus infaillible fuccès: c’eft des’exercerau fi-lence, d’apprendre à écouterlesautres, de n’interrompre perfonne>&
, dans le mo-mentmême
ou leurlangue entrera en con-vullîon,de fouger,avantd’ouvrir la bou-che, àlabeauté, àlagrandeur, àla ma-jeftéraême,&
àlafainterédufîlence: en-fin,den’oublierjamais qu’on eftime,qu’onaime
&
qu’on relpe&ebeaucouppluslesper-fonnnes qui parlent à propos, fans détour,
&
laconiquement,quecescaufeurs impi-toyables,quibabillentfanscelle. Platon avoit raifon decomparerlespremiers à ces foldats adroits
&
vigoureux,qui lancent avec autant de roideurquedejuftefle,lent dard aumilieudel’objet qu’ilsfefontpro^polés de frapper, fansdonneraiàdroite*
SS
Mélangés.
Intéressans.m^ ni àgauche, ni au-deffus, ni au-deflous.
TelsécoientlesLacédémoniens, fans ver-biage, fansfuperfluitéjcarLicnrgue avoir ' ex preffémentordonnéqu'onexcrçâ&les Spar-tiates,desleur plustendreenfance,àne parlerque peu,
&
toujours d’unemanière foite,véhémente,énergique,&
àgarder unrigide filence,toutes les fois qu'ilsne pourroient pas s’exprimer avecprécifionou d'unemanière toutefententieufe.Ceferoit encore un excellent remède contreledefirtropprefTantdeparler,que de s’accoutumer
, quand on eftdansune afïemblée,à garderlefilence,jufqu’àce quel’onvoiela taciturnitégagner de proche enproche,tous ceux quicompofentlecercle,
&
furtout,d’avoir foindene répondre àaucune des queftions que l’on adreflcà quelqu’autrequefoi. Iln’eneftpoint,en ef-fet,delaconverfation,
comme
desjeuxdu Cirque,où celuiqui devance lesautres,
gagneleprixdela courfe. C’eftaucontraire, dJune manièretouteoppoféequel’on doit fe conduire dansla fociété où, lorfquequcb.
I
Mélangés
Intérsssans.. 87 qu’una parlé,ilfuffit «l’approuverfes ré-flexionsouTesrécits.Rienneme
paroîc, fur-tourplusincivil&
plus grofiîer, quede prendrelaparole pour quelqu’autre qu'on interroge:fuivantmoi, c’eft faire injure àdeuxen
même
teins5à celui quidoit ré-pondre,&
qu’on paroîtregardercomme
un
homme
ignorant&
incapable deparlerj&
à celui qu’on interroge,&
auquelonparoîtreprocherfamal-adrefle,de ne fa-voirfeulement pasoùilpourra trouverce qu’ilcherche. Cetteprécipitationà répon-dre
,quand onn’eftpoint interrogé, décèle beaucoup d’arrogance: c’eft,à-peu-près»
comme
fil’ondi foieà celuiqui interroge:vous vousadreilezmal:vousn’aurez au-cunéclairciflementde ceux àquivous pro-pofezvos doutes:oùjeluis, onne doit fairedesdemandesqu’àmoi, parcequeje fuislefculenétatde décidertoutes fortes dequeftions. Il eftune autre oblervation qu’il importe beaucoupauxbabillardsde faire5c’eftquelaplupartde ceux quileur font des queftions,n’ont
communément
$8
Mélangés
Intéressans.d’autrebutqueceluideprovoquerleur ba-vardage. Ainlîlefîgnedelaréfîpifcence pro-chaine d’un grand Parleur,eftlorfqu’ilpeut prendre fur foi delaiflerunintervallede filence entrelademande
&
laréponfe:unfymptôme
plusinfaillibleencorecft, lorf-quefaréponfecflprécife,laconique,fans détours,fansambiguité. Dès-lors,ilnefaut plus douter delaconverfiondubabillard:cefut ainfiqueSocrates’habitua à dornter des befoins beaucoup pluspreflansque ne peutl’être ledcfirde parler]car on fait qu’ilétoitparvenujufqu’àfoumettreàf em-piredela raifon
&
lafoif&
lafaim:quand, aprèss’êtrelong-tems échaufféàlalutteou àlacourfe, ilfe fentoitbrûlant&
dévoré defoif, ilnefepermettoitdeboire, qu’a-près avoir répandu le premiervafe d’eau qu’il avoir lentement puifé dans la ri-vière.
J’exhorteroisauflilebabillardquidefire defecorriger
, àfuir fur touteschofesles propos quiluiplaifentleplus,
&
lesfujets fur lefquels faIanguc.s’çftaccouîumé à exer»rMélangés
Intéressans. 8* cer fa volubilité.Tels fontcesvieux Mili-taires, quirecommencent fanscelle l’en-nuyeufe narration desbataillesoùilfefont trouvés,
&
deslièges qu’ilsont foutenusj inlïpides héros del’Hiftoire Militaire de toutes lescampagnesqui ont remplileur vie.Tels font encoreces Plaideurs,qui fa-tiguent perpétuellementdu récit faftidieux deleursprocès&
detoutesleschicanesqu’ils ontelfuyéesjufqu’après l’exécutionde l'ar-rêt qu’ilsont obtenu.En
unmot,telsfonc tous cesbavards, qui préfèrent lur-toutde parlerde leur profeflion, oudesfciences qu’ilsfeflattentdepolféderlemieux.Ainfi, celuiquia palïéouperdufajeunefle à lire, parle fanscelle de faitshiftoriquesoude .littérature5 leGrammairien de fyntaxe»d’Aorifles, desrègles degrammaire; le Voyageurde nations étrangères, d’aventu-resfabuleufes, decoutumesbizarres, d’u-fagesmonftrucux.Voyezl’undeces babil-lardsentrer dans une aÛgmblée, où très-certainementonnel’attenloitpas:voyez-Ic femêler dansl’entretien,
&
,par lesré-> !
.mmmmiI mu$6 Mélangés
Intéressais.flexionslesplusabfurdes,parlesplusmal-' adroites tranficions, obligerceuxqu’il in-terrompt,d’envenir,malgré eux,aufujec fur lequelil veutabfolumcntdifferter,ou plutôt, répéter ce qu’il dit hier,ce qu’il difoitil
yadeuxjours,ce qu’il a dittoute /avie.Quelqu’unpeu curieux del’entendre, reprend-il laconverfation^ l’importun ne l’écoutepoint,
&,
parlant d’un ton plus haut, le contraint de fc taire, tout au moins,jufqu’à cequ'il aitachevélerécitde fesennuyeuxcontes.J’aiconnudansla Béo-tieunhomme
dececaractère:ignorant&
grandParleur,illuiétoit autrefois arrivéde liretroispremierslivresdel’Hiftoire d’E-phore,
&
depuis,ilne difeontinuoir point deplacer à toutpropos lesfaitsracontés • dansceslivresjenforteque, dans quelque aïlemblée&
dans quelque circonftancequ’il fe trouvât, à table, authéâtre ou aux bains, il falloit,malgréfoi,entendrede fabouchele récitjtgla bataillede Leuéâres&
des terribles fuitesqu’eût cecombat.Jevoudrais que lesbabillardsde cette
Mélangés
Întéressans. 9t efpèce s'accoutumaient,lorfqu’ils fe Ten-tenttourmentés par leur manie,à écrire unepartiedece qu’ilsauroientà dire,s'ils cédoientà leutintempérance.C’étoit ainfi qu’enufoitleftoïqueAntipajter, qui, n’o-fant pasdifputercontreCarnéade, prenoi*
lepartiderépondre parécritjmais fesré~
ponfesétoient d’unetelleprolixité,queles
volumesfemultipüoient TousTaplume,ce quiluiHtdortnerleTur-nomdeCalamoboas, ouleBabillardparécrit.Jecrois pourtant quecettehabituded’écrire,aulieude par-ler, ralentiroir peu-à-peu la pétulance de lalangue, à-peu-près
comme
leschiensqui ontépuiTé leur colère furles pierresqu’on leur a jetées, fontenfuitc plusdoux&
plustraitables.Ilferoitbon, fur-tout
,queles
grands Parleursfe fiflentuneloider.e fré-quenterquedes vieillards refpeélaLles,oules citoyensdupremierrang,parce que1’'âge
desuns
&
l’autoritédes autres,leurenim-poferoient
&
les engageroientàfetaire ,ou du moinsàneparlerqu’à propos.Cette méthodelesconduiroitauHà fe direà