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CHAPITRE 1 : REVUE DE LA LITTÉRATURE

1.4 MÉDIATION

1.4.1 Définition et objet de la médiation

La médiation ne date pas d’hier et a su traverser l’histoire humaine. Il est à noter que son utilisation s’est propagée rapidement depuis plusieurs années dans les pays développés et il est même possible de parler d’un réel phénomène (Perron, 1998, p. 4). « Selon Guillaume Hofnung (1995), l’origine du mouvement se situe en Amérique du Nord dans les années 70 et a atteint l’Europe, dans les années 80 » (Perron, 1998, p. 4). Pour Perron, le champ global de la médiation n’a pas de limites, puisqu’il comprend tous les secteurs de l’activité humaine, depuis les problèmes privés jusqu’aux affaires publiques (Perron, 1998, p. 4). Celui-ci mentionne que la médiation s’impose dans toutes les sphères de la vie sociale (famille, entreprise, relations État/usagers et relations diplomatiques) tout en se glissant dans les relations entre la justice et les justiciables (Perron, 1998, p. 4). Perron ajoute que « la publication d’ouvrages sur la

question, la multiplication des colloques et conférences sont autant d’indices révélateurs de l’engouement que la médiation suscite » (Perron, 1998, p. 4).

Il existe plusieurs définitions à la médiation. La médiation est pour Carrière « un processus d’intervention entre deux parties adverses de la part d’un intermédiaire neutre qui les aide à développer un terrain d’entente satisfaisant » (Carrière, 1992, dans Tessier et Tellier, p. 399). Pour Six, « la médiation est une action accomplie par un tiers entre des personnes et des groupes qui y consentent librement, y participent et auxquels appartiendra la décision finale, destinée soit à faire naître ou renaître entre eux des relations nouvelles, soit à parvenir ou guérir entre eux des relations perturbées » (Six, 1990, p. 51). Selon Schmitt, « la médiation associe directement les parties à la résolution de leur litige, dans la mesure où le médiateur ne dispose d’aucun pouvoir pour trancher le différend ou imposer la décision aux parties » (Schmitt, 1992, p. 191). Veilleux et Trudeau décrivent celle-ci « comme étant un mode de règlement volontaire, à l’amiable et confidentiel des différends » qui vise à amener les parties « à identifier elles-mêmes leurs problèmes et les solutions propres à les régler de façon durable et concrète » (Veilleux et Trudeau, 2007b, dans Petit, p. 232).

Perron mentionne que la médiation est généralement associée au conflit et se propose de faciliter sa résolution (Perron, 1998, p. 32). Celle-ci fonctionne par des ajustements mutuels et par la recherche de compromis (Perron, 1998, p. 35 et 36). De plus, la médiation n’intervient pas sur le contenu des débats et c’est la relation qui constitue son objet spécifique (Perron, 1998, p. 175 et 518). Perron précise aussi que la médiation est davantage un acte de parole ainsi qu’une procédure orale en plus de s’adresser à deux parties de force à peu près équilibrées (Perron, 1998, p. 144 et 525). Boulle et Kelly ont, de leur côté, indiqué que la définition de la médiation posait des problèmes et qu’il y avait une diversité dans la pratique de celle-ci. Ils ont de plus effectué une distinction entre quatre modèles de médiation (celle visant le règlement, celle axée vers la facilitation, celle transformatrice et celle basée sur l’évaluation) tout en définissant ces derniers selon leur objectif principal, leurs points forts, leurs lacunes ainsi que leurs domaines d’application (voir tableau II, p. 18) (Boulle et Kelly, 1998, p. 31-33).

Tableau II : Modèles de médiation (Objectif, points forts, lacunes et domaines d’application)

Médiation visant le règlement

Médiation axée vers la facilitation

Médiation transformatrice

Médiation basée sur l’évaluation Connue

également en tant que :

Médiation axée sur les résultats ou de compromis

Médiation basée sur les intérêts ou de résolution de problèmes

Médiation relationnelle ou de réconciliation

Médiation axée sur les droits, médiation managériale Objectif principal : Encourager la négociation progressive vers un compromis, un point mitoyen entre les demandes (positions) des parties

Éviter les prises de position et encourager les parties à négocier en termes de leurs besoins sous-jacents et de leurs intérêts au lieu de citer leurs droits légaux

Traiter les causes sous-jacentes aux problèmes des parties dans le but d’améliorer la communication et la relation entre les parties en vue de résoudre le conflit

Arriver à un règlement selon les droits et obligations des parties à l’intérieur des limites anticipées des jugements de la cour

Points forts : Comprise par les parties, culturellement acceptable, facile à réaliser avec peu de préparation nécessaire

Peut favoriser l’utilisation optimale des opportunités créée par la négociation, processus contrôlé par les parties

Peut conduire à la résolution plutôt qu’au simple règlement du différend Utilisation importante de l’expertise du médiateur un résultat conforme aux possibles verdicts en justice

Lacunes : Néglige les besoins et intérêts des parties, peut être manipulée par les revendications initiales, difficulté à franchir le dernier écart

Peut ne pas permettre l’atteinte d’une solution, peut être de longue durée, exige une préparation et une grande implication des parties en plus d’une volonté à régler

Peut être prolongée et terminée sans l’obtention d’aucun accord; peut confondre le rôle de conseiller et celui de médiateur Distinction difficile entre la médiation et l’arbitrage, n’enseigne pas de compétences aux parties pour l’avenir, tâches et responsabilités éthiques supplémentaires pour le médiateur Domaines d’application : Milieu commercial, blessures personnelles et conflits de travail en milieu industriel

Milieu des affaires, blessures personnelles, politique publique, contexte familial, partenariat, conflits municipaux et de quartiers Relations conflictuelles de manière continue : affaires, famille, école, lieux du travail et autres organisations; aussi lorsque les contrats sont interrompus inopinément : affaires, emploi et famille

Milieux commerciaux et municipaux, blessures personnelles, pratiques de commerce, lutte contre la discrimination, conflits matrimoniaux (Boulle et Kelly, 1998, p. 31-33)

Lorsqu’il est question des modes de résolution des conflits du travail, il y a, au Québec, les procédures formelles prévues par le Code du travail. Parmi celles-ci, on retrouve la conciliation, la médiation ainsi que l’arbitrage, mais aussi la conciliation ou la médiation informelle, réalisées généralement par les inspecteurs du travail et qui constituent le mode habituel de résolution des conflits (Perron, 1998, p. 10 et 11). « Au Québec [...], plusieurs organismes offrent la possibilité aux parties à la relation de travail de régler leur différend par voie de médiation » (Veilleux et Trudeau, 2007b, dans Petit, p. 201). Il est ici question du ministère du Travail, de la Commission des relations du travail, de la Commission des normes du travail et du Conseil des services

essentiels. La médiation aide au fond « les entreprises dont les relations internes se sont détériorées à développer un climat de confiance, à implanter de nouvelles valeurs et à provoquer des changements dans l’organisation pour une meilleure efficacité économique et une amélioration de la qualité de vie au travail » (Perron, 1998, p. 41).

1.4.2 Médiation et conciliation québécoises en entreprise

Ross affirme que « la quasi-totalité des auteurs considère les termes conciliation et médiation comme des quasi-synonymes » (Ross, 1991, p. 82). Veilleux et Trudeau indiquent que « du point de vue québécois, il semble bien qu’aucune caractéristique conceptuelle ne permette de distinguer la conciliation de la médiation [...] dans le domaine salarié » (Veilleux et Trudeau, 2007a, dans Petit, p. 161). En effet, « au Québec [...] le mot médiation a un usage polysémique et est fréquemment utilisé comme synonyme de conciliation » (Perron, 1998, p. 19). Toutefois, Perron différencie les deux et affirme que « l’objet de la conciliation serait la résolution des différends, tandis que la médiation s’attacherait à restaurer une relation détériorée » (Perron, 1998, p. 30). Le même constat est appuyé par le ministère du Travail, où il est question d’une intervention de conciliation sur le contenu et une de prévention sur la relation (voir figure 2, p. 19). L’intervention de prévention, relatée dans ce cas-ci, se trouve être celle de médiation.

Figure 2 : Contenu et relation sont intimement liés

(Ministère du Travail, 2006, p. 9)

Selon Dion, la conciliation est définie en tant que « procédure comportant l’intervention d’un tiers, qui ne possède aucun pouvoir coercitif pour rapprocher les parties dans un conflit, faciliter le dialogue entre elles et les aider à se mettre d’accord » (Dion, 1986, p. 103). La médiation est,

pour sa part, une « action de s’entremettre entre les parties opposées dans un conflit pour les rapprocher, les amener à dialoguer et, selon le cas et les lieux, leur suggérer diverses propositions en vue de conclure une entente » (Dion, 1986, p. 295).

1.4.3 Processus de médiation

La littérature sur la médiation et son processus est importante. Il est à noter que « le contenu et la démarche d’une rencontre de médiation se ressemblent d’un modèle à l’autre » (Béliveau et coll., 2000, p. 44). « Les différents spécialistes ne s’entendent toutefois pas sur le nombre idéal d’étapes que doit comporter une rencontre de médiation » (Béliveau et coll., 2000, p. 44).

Selon Poitras et Renaud, le processus de médiation permet « d’encadrer les négociations et de les diriger efficacement vers la résolution d’un conflit » (Poitras et Renaud, 1996, p. 68). Ils ajoutent que le processus de médiation publique comporte quatre grandes phases successives et aisément adaptables. Il y a la phase préparatoire et la phase d’analyse pour préparer le terrain, mais aussi définir les bases de négociation, puis celle de médiation avec enfin la phase de mise en œuvre (Poitras et Renaud, 1996, p. 76). Keltner propose le processus de médiation en sept étapes (Keltner, 1994, p. 123-128). Il y a la phase de préparation du contexte, la phase de commencement ainsi que de développement, celle d’exploration des enjeux, des intérêts et des positions, puis la phase d’identification des options. Il y a ensuite la phase d’évaluation ainsi que de négociation, celle de la prise de décision, et enfin la phase de la finalisation du processus.

Le processus de médiation est perçu en cinq étapes par De Kovachich et coll. ainsi que Béliveau et coll. (De Kovachich et coll., 1997, p. 71; Béliveau et coll., 2000, p. 43). Des communications préliminaires doivent être complétées avant les étapes du déroulement de la médiation. Certains éléments sont à prévoir par les parties tels que ramasser les documents nécessaires lors des séances, déterminer les honoraires du médiateur, le lieu de la médiation, le moment des rencontres, les règles de base et l’ordre du jour (De Kovachich et coll., 1997, p. 61-71). La première étape de la médiation est l’« introduction » (Béliveau et coll., 2000, p. 43-45) ou celle de la « validation du processus » (De Kovachich et coll., 1997, p. 62 et 72-75). « L’expression des faits et impacts » (Béliveau et coll., 2000, p. 43 et 45) ou « la recherche des faits » (De Kovachich et coll., 1997, p. 62 et 75) correspond à la deuxième étape. La troisième étape est celle de la « création d’options » (De Kovachich et coll., 1997, p. 62, 77 et 78;

Béliveau et coll., 2000, p. 43 et 48) et la quatrième étape, celle de la « prise de décision » (De Kovachich et coll., 1997, p. 62 et 79; Béliveau et coll., 2000, p. 43 et 49). La cinquième étape est celle de « la rédaction de l’entente » (De Kovachich et coll., 1997, p. 62 et 79 à 81; Béliveau et coll., 2000, p. 51 et 52), puis vient enfin une étape de suivi qui est souvent nécessaire après le processus de la médiation (Béliveau et coll., 2000, p. 52).