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CHAPITRE 1 : REVUE DE LA LITTÉRATURE

1.9 ÉTUDES DU MINISTÈRE DU TRAVAIL ET ÉTUDES DE CAS

1.9.2 ÉTUDES DE CAS

Cinq études de cas sur l’utilisation de la médiation préventive auprès d’entreprises québécoises syndiquées sont rendues publiques. Voici une présentation de celles-ci par ordre chronologique. Il y a le cas de l’entreprise Gaz Métropolitain qui est présenté par Bourque et Thériault ainsi que Lalande (Bourque et Thériault, 1999, p. 85-92; Lalande, 1986, dans Perron, p. 554 et 555). Celle-ci est la première organisation à avoir utilisé la méthode préventive au Québec. Il y a les cas « pétrole » et « caoutchouc » dont les vrais noms d’entreprises sont restés confidentiels. Ces cas ont été réalisés dans le cadre d’une thèse réalisée par Perron sur la transférabilité de la médiation préventive québécoise dans les organisations en France. Enfin, il y a le cas de l’Hôtel Wyndham qui a été effectué par Maschino et Turcot et celui de Lavo inc. par Maschino. Ceux-ci ont été réalisés dans le cadre d’expériences vécues en matière de concertation patronale-syndicale et pour le compte du ministère du Travail (Maschino et Turcot, 2003, dans Boivin et coll., p. 5-7; Maschino, 2003a, dans Boivin et coll., p. 8-11). Il est à remarquer une similitude dans les thèmes qui sont abordés dans les cinq cas tels que le style de gestion et les problèmes non réglés du quotidien.

a)

Cas Gaz Métropolitain

La société québécoise en commandite Gaz Métropolitain exploite un système intégré d’emmagasinage ainsi que de distribution de gaz naturel par voie de canalisations souterraines et fournit 95 % du gaz naturel consommé au Québec (Bourque et Thériault, 1999, p. 85 et 86). Celle-ci est un acteur économique de premier plan au Québec avec un actif évalué à 1749 millions de dollars et avec 1466 salariés en 1996, dont plusieurs sont syndiqués (Bourque et Thériault, 1999, p. 85 et 86). L’entreprise a connu plusieurs difficultés depuis ses débuts. Suite à une longue grève de 117 jours en 1982, un climat d’affrontement constant entre Gaz Métropolitain et le Syndicat des cols bleus affiliés à la CSN (Confédération des syndicats nationaux) ainsi qu’un contexte de changement organisationnel, les parties décident, avec l’encouragement du ministère du Travail, de s’impliquer activement dans la médiation préventive en 1983 (Bourque et Thériault, 1999, p. 87 et 88).

Lalande, directeur des relations industrielles de l’entreprise Gaz Métropolitain, mentionne que la démarche préventive a permis de conclure que les relations du travail conflictuelles étaient d’abord et avant tout la conséquence d’un style de gestion qui ne permettait pas de résoudre une multitude de problèmes à la base (Lalande, 1986, dans Perron, p. 554 et 555). Après de nombreuses rencontres entre le médiateur, la direction, le syndicat et les employés, l’intervention de médiation préventive a proposé « d’accorder une place prioritaire à la communication, à la consultation ainsi qu’à la considération de chaque employé, de faciliter la prise de décision à la base, d’assurer une continuité dans l’interprétation et l’application de la convention collective et, enfin, favoriser une meilleure coordination entre régions, services et départements de Gaz Métropolitain » (Bourque et Thériault, 1999, p. 88). Il est à souligner que deux autres interventions de médiation préventive ont été prodiguées par la suite, dont une en 1986 pour faciliter la mise en place de chefs de groupe dans le Service des appareils, et une en 1993 pour faire le bilan dix ans après la première intervention (Bourque et Thériault, 1999, p. 89; Ministère du Travail, 1993, dans Perron, p. 555).

b)

Cas « pétrole »

Le cas « pétrole » (le nom de l’organisation demeure confidentiel) est cité par Perron (Perron, 1998, p. 86 et 531-537). Il est question d’une raffinerie de pétrole située à Montréal qui emploie 365 salariés, dont 250 « cols bleus ». Celle-ci fait partie d’un groupe canadien spécialisé dans le

raffinage. Elle est l’une des dernières raffineries montréalaises, elle est la moins compétitive du groupe et l’hypothèse d’une fermeture prochaine est à envisager. Le service de médiation préventive, incluant le diagnostic des relations du travail (anciennement appelé « médiation préventive ») et le séminaire en relations du travail (portant aussi le nom de « séminaire en relations patronales-syndicales »), a été employé pour faire face à une détérioration du climat avec la direction, le syndicat et le personnel de l’organisation. Le service s’est déroulé entre mars 1993 et juin 1994 et il a porté fruit. En effet, le séminaire en relations patronales-syndicales a permis à la direction de l’entreprise de constater qu’elle pouvait travailler avec le syndicat. Il a aussi appris à la direction à écouter le syndicat et à le considérer comme un véritable interlocuteur (Perron, 1998, p. 84). La démarche de médiation préventive a de plus permis la mise en œuvre, par la direction, d’un plan de « reengineering ». Il est à noter que le syndicat a été associé étroitement à ce projet. Ce plan a touché aux opérations de raffinage et d’entretiens, mais a aussi intégré une reconfiguration des ressources humaines pour ultérieurement permettre une révision en profondeur de la convention collective.

« Le cas « pétrole » illustre magistralement les effets positifs de la restauration d’un partenariat au sein de l’entreprise. Les acteurs ont renoncé à l’affrontement pour s’inscrire dans un projet partagé. Les menaces de fermeture qui pesaient sur le site se sont estompées » (Perron, 1998, p. 86). De plus, c’est le projet de « reengineering » qui a permis de consolider les intentions puisqu’« il a constitué une opportunité pour chacun de faire la preuve de sa capacité d’ouverture et de tester la réalité des engagements de l’autre partie » (Perron, 1998, p. 86). Enfin, ce qui a engendré une amélioration du climat de travail dans cette raffinerie est la venue d’un changement. Effectivement, un nouveau paradigme, partagé par la direction et le syndicat, a été proposé au personnel de la raffinerie.

c)

Cas « caoutchouc »

Perron présente le cas de l’entreprise « caoutchouc » (le nom de l’organisation est tenu confidentiel) pour illustrer la démarche du séminaire en relations du travail qui a été effectué en 1994 (Perron, 1998, p. 538-553). 380 salariés dont 230 cols bleus ont fait partie de cette filiale américaine créée en 1908 et dont les produits sont spécifiques au sein du groupe en plus de jouir d’une autonomie en ce qui concerne les fonctions commerciales, de recherche et de développement (Perron, 1998, p. 538). Même si le climat passé de l’entreprise était bon, paternaliste et exempt de conflits, celui-ci s’est progressivement détérioré avec une

renégociation des modalités du salaire au rendement accordé sous forme de boni en 1992. Une interprétation différente des termes de l’accord par le syndicat et les cadres supérieurs a amené un risque de conflit élevé entre les parties. De plus, celles-ci devaient envisager le renouvellement de la convention collective au printemps de 1995 (Perron, 1998, p. 539). La démarche d’intervention préventive a été initiée par l’un des deux conseillers permanents de la CSD (Centrale des syndicats démocratiques) qui collabore avec le syndicat de l’établissement et qui est chargée de la négociation de la convention collective. Toutefois, l’un des hauts dirigeants de la CSD, le directeur général de l’entreprise et celui des ressources humaines restaient sceptiques. Le directeur de production s’est montré pour sa part hostile à cette intervention qui a pris six mois avant d’être finalisée totalement (Perron, 1998, p. 540).

Le séminaire a bien fonctionné pour l’entreprise « caoutchouc ». Ce dernier a fait ressortir les mécontentements réciproques de la direction et du syndicat ainsi que les valeurs fondamentales telles que la confiance, la bonne foi, l’empathie et la pérennisation de l’entreprise qui sont communes à tous (Perron, 1998, p. 542 et 543). La question des bonis a aussi été reconstituée dans ses moindres détails (Perron, 1998, p. 546). Le séminaire en relations du travail a, par la suite, permis le rétablissement de la relation entre la direction et le syndicat, une modification des perceptions des acteurs, une reconnaissance des rôles respectifs, une analyse des dysfonctionnements dans l’entreprise, mais aussi la construction d’un partenariat par la mise en place d’un plan d’action (Perron, 1998, p. 551 et 552). Enfin, le séminaire a amené le médiateur à proposer l’utilisation du diagnostic des relations du travail. Cette démarche devait permettre de consolider les résultats acquis à l’issue du séminaire, mais aussi d’approfondir le diagnostic des dysfonctionnements (Perron, 1998, p. 553).

d)

Cas Hôtel Wyndham

L’Hôtel Wyndham de Montréal appartenait à une société dont le siège social était situé aux États-Unis (Maschino et Turcot, 2003, dans Boivin et coll., p. 5-7). L’entreprise montréalaise comptait 300 employés permanents syndiqués, dont 50 occasionnels. Le Syndicat des travailleuses et travailleurs de l’Hôtel Méridien de Montréal (CSN) était celui en poste. Avec, entre autres, une communication inexistante entre les parties patronale et syndicale, une accumulation de griefs ainsi qu’un recours impossible à la médiation pré-arbitrale de griefs, l’amélioration des relations du travail était devenue une nécessité pour tous les membres de l’hôtel (Maschino et Turcot, 2003, dans Boivin et coll., p. 5 et 6). Avec l’initiative de la direction,

les parties assistèrent au séminaire en relations du travail du ministère en janvier 2001. Les perceptions et contraintes de chacun ont été exposées. Un plan de travail a été élaboré par la suite pour tenter de modifier les attitudes et les comportements, établir des relations humaines plus harmonieuses, clarifier les rôles ainsi que les responsabilités de chacun, instaurer des moyens pour faciliter la résolution de problèmes, mais aussi améliorer la circulation de l’information à l’interne (Maschino et Turcot, 2003, dans Boivin et coll., p. 6).

Un bilan a été réalisé en juin 2001 avec l’aide du médiateur. Cet exercice a permis de constater l‘amélioration des relations du travail et certains objectifs initiaux en voie de réalisation tels que la cohérence et l’ouverture réciproques, la reconnaissance du droit à l’erreur, l’explication des problèmes, mais aussi la compréhension mutuelle ainsi que la qualité de l’information échangée (Maschino et Turcot, 2003, dans Boivin et coll., p. 6). Pour renforcer les communications, les parties ont toutefois décidé de tenir plus régulièrement des réunions mensuelles du comité des relations du travail en plus de rencontres hebdomadaires pour favoriser la circulation de l’information. Enfin, les parties ont dressé un bilan semi-annuel pour évaluer la situation tout en s’occupant de l’équité salariale et de la médiation pré-arbitrale de griefs (Maschino et Turcot, 2003, dans Boivin et coll., p. 6). Cette dernière s’est effectuée avec succès en mars 2003 (Maschino et Turcot, 2003, dans Boivin et coll., p. 5).

e)

Cas Lavo inc.

Lavo inc., avec ses 122 employés d’usine syndiqués, est une entreprise montréalaise dont les relations étaient difficiles entre la direction et le Syndicat des travailleuses et travailleurs de Lavo ltée (CSN) (Maschino, 2003a, dans Boivin et coll., p. 8 et 11). Après le déménagement de l’usine en 2001, les parties ont demandé les services du ministère, puis ont entamé en février 2002 un séminaire en relations du travail pour contrer, entre autres, le manque de confiance et de respect mutuel, les divergences fréquentes dans l’interprétation des clauses de la convention collective, l’accumulation de problèmes non réglés en plus des tensions entre des employés et des contremaîtres (Maschino, 2003a, dans Boivin et coll., p. 8). Ils ont abouti à un plan d’amélioration de leurs rapports de travail. En septembre 2002, lors d’un bilan de l’évolution de leurs relations, ils ont demandé au médiateur de bien vouloir les assister dans quelques réunions du comité des relations du travail pour ne pas revenir à une logique de contestation et à consolider leur approche. À cette même date, « les superviseurs ont reçu une formation sur la

tenue de réunions et sur l’évolution de leur rôle vers celui de conseiller et de coordonnateur » (Maschino, 2003a, dans Boivin et coll., p. 11).

En résumé, le séminaire a non seulement permis aux parties de retrouver un dialogue satisfaisant, mais a aussi favorisé la mise en place d’un comité en relation du travail et la formation d’un comité d’interprétation de la convention collective pour développer une compréhension commune de certains termes et en clarifier d’autres (Maschino, 2003a, dans Boivin et coll., p. 10). Un point était encore à réaliser et portait sur le fait de devoir renforcer le suivi des décisions prises dans le comité de relations du travail. Puisque la progression du dialogue entre les parties était devenue bonne, au printemps 2003, les parties envisageaient la préparation d’un plan pour accroître le travail d’équipe, renforcer l’utilisation des bonnes méthodes de travail et faciliter les liens entre les équipes (Maschino, 2003a, dans Boivin et coll., p. 11).