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Partie 1 : Les liquides ultracalciques

1.2. Hypothèses génétiques

1.2.2. Mécanismes liés à la formation des inclusions vitreuses

Dans un grand nombre d'occurrences, les liquides ultracalciques se présentent sous forme d'inclusions magmatiques. Une inclusion magmatique primaire est un petit volume de liquide piégé lors de la croissance du cristal hôte (e.g. Schiano 2003). Les mécanismes de piégeage sont liés à des fluctuations lors de la croissance ou la recristallisation du cristal (ex. Renner et al. 2002). Les inclusions magmatiques formées lors de différents stades d'évolution d'une lave peuvent enregistrer l'évolution de la composition des liquides, qui pourra ainsi être observée au sein d'un seul échantillon. De plus, l'étude des inclusions piégées dans les cristaux les plus précoces (par exemple les olivines les plus magnésiennes) peut permettre d'accéder au magma parent. Dans le cas d'une lave résultant de la collecte et du mélange de plusieurs "lots" de magmas et de cristaux (ce qui est fréquemment le cas, voir par exemple Sobolev et Shimizu 1993), l'étude des inclusions permet de retrouver les compositions instantanées des magmas parents. Ainsi, un magma piégé dans une inclusion peut être plus proche d'un liquide ayant réellement existé qu'une lave qui peut avoir enregistré des processus de mélange, d'assimilation et d'accumulation de cristaux ; c'est pourquoi les inclusions magmatiques constituent un puissant outil d'étude des magmas primaires. Malheureusement, les petits volumes de liquides présents dans les inclusions peuvent ne représenter que des signatures d'un processus à faible échelle (micrométrique à décimétrique) et sont beaucoup plus facilement affectés par des déséquilibres ou des rééquilibrages qu'un volume plus important de lave. C'est pourquoi j'ai placé ici une discussion des processus affectant les inclusions magmatiques et pouvant modifier leurs compositions.

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1.2.2.1. Rôle de la couche limite de diffusion.

Lors de la croissance d'un cristal (par exemple d'olivine), la présence d'un défaut ou d'une sursaturation excessive peut entraîner un arrêt local de la croissance et la formation d'une inclusion. Plus la croissance est rapide, plus la probabilité de formation est élevée. Cependant, dans ce cas, le liquide environnant le cristal n'a pas le temps de se rééquilibrer par diffusion avec le reste du liquide, d'où la formation d'une couche limite de diffusion. Celle-ci a une composition différente de celle du magma hôte et si la croissance est suffisamment rapide, l'inclusion peut piéger un liquide non-représentatif de l'ensemble du magma. Au contact d'un cristal d'olivine, Al va être enrichi par rapport à Ca (Faure et al., en préparation), d'une part parce que Al diffuse moins vite que Ca dans le liquide (Al3+ est un cation constitutif du réseau comme Si4+, alors que Ca2+ est un ion libre), d'autre part Ca est légèrement incorporé dans la structure cristalline de l'olivine (ex. Libourel 1999). La détermination de profils de concentration à proximité de cristaux d'olivine ayant subi un refroidissement rapide (Faure 2001 et fig. 2.18), montre effectivement un enrichissement en Al2O3 par rapport à CaO à l'interface. Le piégeage préférentiel de la couche limite de diffusion par les inclusions magmatiques se traduira donc par des rapports CaO/Al2O3 plus faibles que ceux du liquide initial. Il n'est donc pas possible d'expliquer des rapports élevés par des mécanismes liés à la formation des inclusions (Faure et al., en préparation).

1.2.2.2. Cristallisation aux parois et homogénéisation.

La composition des inclusions magmatiques peut être modifiée par cristallisation du minéral hôte aux parois lors du refroidissement, éventuellement suivie par la cristallisation de minéraux-fils (Schiano 2003). Le développement de techniques de réhomogénéisation des inclusions, à l'aide de four ou de platines chauffantes (Sobolev et al. 1980) permet de renverser cette cristallisation et de retrouver la composition initiale. La cristallisation d'olivine sur les parois des inclusions dans l'olivine peut augmenter la teneur en calcium du liquide résiduel, et si l'homogénéisation n'est pas parfaite, il sera possible d'obtenir des liquides enrichis en CaO. Cependant ce mécanisme ne peut en aucun cas augmenter les rapports CaO/Al2O3, et donc ne peut pas expliquer les liquides ultracalciques étudiés. Le cas des inclusions dans les clinopyroxènes ou les plagioclases est plus problématique, car un chauffage légèrement trop élevé lors de l'homogénéisation peut fortement modifier les rapports CaO/Al2O3. Une augmentation de la teneur en Al2O3 peut également être observée en

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chauffant trop les spinelles. Des échanges entre le liquide et le minéral hôte (par exemple CaAl = NaSi dans le plagioclase et le cpx, Ca = Mg,Fe dans le cpx) peuvent également modifier la composition des liquides. Dans la suite du mémoire, seules seront prises en compte les inclusions dans les olivines ou les spinelles.

1.2.2.3. Diffusion post-piégeage à travers le cristal hôte.

Si des inclusions magmatiques piégées dans des olivines sont progressivement refroidies (par exemple dans une chambre magmatique), les éléments compatibles dans l'olivine (Fe, Mg, Ca) vont pouvoir se rééquilibrer avec le liquide environnant, par diffusion à travers le cristal hôte (Gaetani et Watson 2000). Il est possible d'augmenter le rapport CaO/Al2O3 de l'inclusion par diffusion de Ca, car Al, incompatible dans l'olivine, peut être considéré comme immobile. Il faut cependant que le magma hôte soit plus riche en CaO que l'inclusion. De plus, la durée caractéristique de diffusion (§ 2.4.2) de Ca dans l'olivine à 1300 °C est de 20 ans pour une olivine hôte d'1 mm de rayon Gaetani et al. 2002). Enfin, comme la diffusion de Ca dans l'olivine (Gaetani et al. 2002) est plus lente que la diffusion de Fe ou Mg (Gaetani et Watson 2000), avant d'obtenir un rééquilibrage des teneurs en CaO, il y aura d'abord rééquilibrage des teneurs en FeO et MgO. Compte tenu de la très grande variabilité des concentrations en MgO et FeO des inclusions magmatiques ultracalciques dans une lave donnée (ex. Slater et al. 2001), un rééquilibrage du CaO des inclusions est assez improbable. Pour les inclusions dans les spinelles, il est possible d'imaginer de la même manière une diffusion préférentielle de Al2O3, dans ce cas vers l'extérieur de l'inclusion.

Les compositions ultracalciques étudiées sont présentes à la fois sous forme de laves et d'inclusions magmatiques dans des minéraux variés. Certaines laves sont des cumulats, et certaines inclusions sont modifiées par des mécanismes post-piégeages, mais l'existence de liquides ultracalciques (liquides appauvris et liquides plus alcalins à néphéline normative dans les arcs) représentant de vrais magmas ne semble pas pouvoir être mise en doute.

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