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Partie 3: Expérimentation en présence d'eau

3.1. Détermination des teneurs en eau des verres

3.1. Détermination des teneurs en eau des verres

3.1.1. Analyse de l'hydrogène par sonde ionique

3.1.1.1. Principe

La microsonde électronique est un outil très performant pour l'analyse in situ des principaux éléments chimiques, mais son utilisation est limitée au niveau des éléments légers (les éléments plus légers que le carbone ne sont pas analysables en routine). L'analyse de l'eau (de l'hydrogène) est donc impossible. La spectrométrie de masse d'ion secondaire (SIMS) est dans ce cas une bonne alternative (ex. Deloule et al. 1995, Ottolini et al. 1995, Hauri et al. 2002). Dans cette technique, l'échantillon est soumis à un faisceau d'ions primaires (ici des ions 16O-) qui éjecte les atomes des couches supérieures de l'échantillon. Durant l'éjection, certains atomes ou groupements atomiques sont ionisés : ce sont les ions secondaires. Ces ions, représentatifs de la composition de l'échantillon, sont ensuite accélérés et analysés à l'aide d'un spectromètre de masse. Pour éviter l'apparition de charges sur les échantillons, ceux-ci sont préalablement recouverts d'une fine (environ 40 nm) couche conductrice d'or. Dans le cas de l'hydrogène, plusieurs précautions sont prises afin de réduire le bruit de fond : l'échantillon est dégazé une nuit avant l'analyse pour limiter l'hydrogène adsorbé ; le faisceau d'ions primaires est filtré, afin de garder uniquement des ions 16O- ; enfin le faisceau secondaire est également filtré en énergie : les ions les moins énergétiques (dont les ions formés à partir de l'hydrogène adsorbé) sont éliminés, et seuls les ions d'énergie supérieure à environ 75 eV sont conservés.

Dix charges expérimentales, dont huit expériences de fusion, ont été analysées par Luisa Ottolini à l'aide d'une sonde ionique CAMECA IMS 4f, au Centro di Studio per la Cristallochimica e la Cristallografia de Pavie. L'intensité du faisceau d'ions primaires était dans une gamme de 2,6-3 nA, ce qui correspond à un diamètre du faisceau d'environ 10 µm.

3.1.1.2. Etalonnage - incertitudes

Les concentrations en eau sont déterminées à partir des rapports 1H+ / 30Si+, à l'aide d'un double processus d'étalonnage. Pour une composition chimique donnée, les rapports 1H+ /

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rapport (1H+ / 30Si+) / (1H / 30Si), appelé rendement d'ionisation par rapport au silicium, est déterminé à partir de l'analyse d'une composition de référence proche des compositions analysées. La référence utilisée est ici une amphibole standard dont la teneur en eau a été déterminée par la méthode de Karl Fischer (échantillon DL-5, Ottolini et al. 1995). La valeur du rendement d'ionisation par rapport au silicium a été vérifiée sur une autre amphibole de référence, Z2081. Le rapport 1H / 30Si permet ensuite de calculer la teneur en H, donc en H2O, à partir de la teneur en Si (SiO2), mesurée à la microsonde électronique, utilisée comme étalon interne. L'incertitude sur les mesures (intégrant justesse et reproductibilité) est estimée à environ 15% relatifs.

Figure 3.1. Evolution du rapport (1H+ / 30Si+) analysé par le spectromètre de masse en fonction du rapport (1H / 30Si) dans l'échantillon, pour des verres rhyolitiques, d'après Deloule et al. (1995). La pente de la droite est le rendement d'ionisation par rapport au silicium ("relative-to-Si ion yield" – IY(H)). Cette valeur est fonction de la composition de la phase analysée (ex. Ottolini et Hawthorne 2001) et des conditions analytiques. Elle doit donc être déterminée lors de chaque séance analytique, par l'analyse d'un standard dont la composition est proche de celle des échantillons analysés.

3.1.2. Etalonnage des analyses par microsonde électronique

3.1.2.1. Corrélation teneur en eau / somme des oxydes

Plusieurs auteurs (ex. Devine et al. 1995, King et al. 2002, Pichavant et al. 2002) ont déterminé les teneurs en eau des liquides silicatés à partir de la différence à 100 des sommes des oxydes des analyses microsonde. En effet, si H est le seul élément léger présent, la différence à 100 devrait être égale à la teneur en H2O. Cependant, la somme des oxydes d'une analyse microsonde dépend de nombreux paramètres, tels que l'état de surface de l'échantillon, la qualité de la métallisation et du vide, l'analyse des étalons,… De plus, l'ensemble des incertitudes sur les différents oxydes est accumulé sur la somme. Afin de tester cette méthode, j'ai analysé à l'aide de la microsonde électronique 11 échantillons expérimentaux préalablement analysés par sonde ionique : 8 échantillons analysés à Pavie (§ 3.1.1), 2 échantillons analysés au CRPG à Nancy (Laporte et al. 2004) et un verre anhydre synthétisé à 1 atm. A l'exception de ce dernier, tous les échantillons sont des verres hydratés produits en piston-cylindre dans des capsules Pt / graphite. Ils ont été métallisés en même

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temps et analysés pendant la même session EM30, à raison de 5 analyses de verre par échantillon ; les résultats sont présentés sur la figure 3.2.

Figure 3.2. Corrélation entre les teneurs en H2O des verres (déterminées par sonde ionique) et les sommes des oxydes analysés par microsonde électronique. Tous les verres ont été analysés dans des conditions identiques, pendant la même session, avec un courant de 8 nA et un faisceau défocalisé à 5 µm. Les barres d'erreur correspondent à une dispersion à 1σ en abscisse et à l'écart maximum en ordonnée. Sont également représentées les corrélations obtenues sur 4-5 échantillons lors de 2 autres séances analytiques (lignes pointillées) et les résultats des analyses sur l'expérience bth16.

La différence à 100 est systématiquement plus élevée que la teneur en eau mesurée par sonde ionique. Cependant, bien que la pente ne soit pas égale à 1, il existe une bonne corrélation (coefficient de corrélation 0,93) entre les teneurs en eau des verres et les sommes des analyses microsonde. Deux explications sont possibles : la présence de CO2 ou des effets liés à l'analyse. Les expériences ayant toutes été réalisées dans des conditions similaires en capsules graphite, le reste de la différence à 100 peut représenter d'autres éléments volatils, par exemple du CO2 ; dans ce cas le CO2 constituerait un peu moins de 40% des fluides dissous. Cette première hypothèse sera discutée dans le paragraphe 3.4. Une deuxième hypothèse est de considérer que la présence d'eau a un effet sur l'émission des rayons X ; elle peut par exemple se traduire par une absorption plus importante, à cause des atomes d'oxygènes présents dans H2O. Dans ce cas, la correction des effets de matrice (PAP) n'est pas correctement effectuée, car il y a plus d'atomes d'oxygène que calculé (cf. Annexe 1). Dans l'expérience bth16, réalisée en capsule AuPd donc sans CO2, avec une durée de 30 min et une teneur initiale en eau de 2,5 %, les analyses de verres ont une somme de 96,0 ± 0,6 (1σ). Cette valeur est très en dessous de 100 – 2,5 = 97,5 et exactement dans la corrélation de la figure 3.2, ce qui semble favoriser l'hypothèse d'effets analytiques.

0,00 0,50 1,00 1,50 2,00 2,50 3,00 95,0 96,0 97,0 98,0 99,0 100,0 total microsonde (wt%) H2 O sonde ionique (% masse) droite 1:1 bth16

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3.1.2.2. Estimation des teneurs en eau des verres

Quels que soient les phénomènes responsables de l'écart entre teneur en eau et différence à 100 mesurée à la microsonde, la corrélation de la figure 3.2 permet d'estimer les teneurs en eau des verres à l'aide des totaux microsonde. Cinq échantillons de verre ont été sélectionnés pour servir d'étalons selon les critères suivants : présence de grandes plages de verre sans inclusions de minéraux ni de graphite, homogénéité des analyses d'eau à la sonde ionique, répartition régulière des concentrations en H2O sur tout le spectre étudié. Ces échantillons ont été réanalysés lors d'une autre séance (EM41), en même temps que les expériences de fusion pour lesquelles aucune analyse par sonde ionique n'était disponible. Les droites d'étalonnage pour les deux sessions sont reportées sur la figure 3.3 (coefficients de corrélation 0,986 pour la séance EM30 et 0,976 pour la séance EM41) et les résultats dans le tableau 3.1. Lors d'une troisième séance (EM45), seul l'échantillon le plus riche en eau (wh21-Rev2) a été analysé comme étalon, avec certaines expériences de cristallisation hydratées. Un maximum de précautions a été pris afin d'assurer des conditions identiques, notamment un polissage et une métallisation de tous les échantillons et étalons avant chaque séance. La précision sur la détermination des teneurs en eau est estimée à 25% relatifs (tableau 3.1), en accord avec les observations de Pichavant et al. (2002).

Figure 3.3. Droites d'étalonnage pour la détermination des teneurs en eau des verres à la microsonde, pour les séances EM30 et EM41. La droite en pointillés représente la corrélation obtenue avec toutes les données de la séance EM30 (fig. 3.2).

0,00 0,50 1,00 1,50 2,00 2,50 3,00 95,0 96,0 97,0 98,0 99,0 100,0 total microsonde (wt%) H2 O sonde ionique (% masse)

Séance d'analyse EM30

100,0

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sonde microsonde électronique

ionique EM30 EM41 EM45

H2O( 1 H2O(% 1 H2O(% 2 éca H2O( éca H2O( H2Oi( %) BAT anhydre 0,01 -0,07 -0,15 0,00 Rev2-2g 1,13 0,02 1,35 1,39 23 1,80 Rev2-8b 0,28 0,02 0,31 0,27 4 % 0,35 26 0,00 wh31 1,22 0,01 1,33 1,37 13 1,21 1 % 1,26 wh17 0,75 0,02 0,80 0,79 6 % 0,94 25 1,27 wh18 1,01 0,13 0,98 0,99 2 % 1,48 wh33 1,26 0,06 1,42 1,47 17 1,54 wh20 0,72 0,06 0,59 0,56 22 1,73 wh19 0,95 2,10 wh21Re 2,22 0,02 2,00 2,10 5 % 2,12 5 % 2,17 2,50 wh24 2,11 2,23 wh27 1,65 2,42 wh08 0,05 0,01 2,78 wh40 1,13 0,02 0,92 0,92 18 1,28 wh14 0,23 0,18 1,90 wh26 1,10 1,12 2,16 wh12 0,57 2,42 wh28 0,84 5,08 wh15 0,76 4,03 wh44 1,01 4,00 wh36 1,24 5,38 akh21 0,70 0,02 2,50 akh33 0,83 2,50 bth01 3,01 2,50 bth16 2,32 2,50

Tableau 3.1. Détermination des teneurs en eau des verres à la microsonde et à la sonde ionique : comparaison des différentes sessions analytiques. Les verres utilisés comme standards sont indiqués en gras. L'incertitude sur les analyses par sonde ionique est de 10% relatifs, celle sur les déterminations par microsonde électronique de 25% relatifs. Pour la séance EM30, la colonne 1 donne les valeurs calculées en prenant en compte l'ensemble de la corrélation de la figure 3.2, la colonne 2 les valeurs calculées en ne prenant en compte que les 5 étalons (corrélation de la figure 3.3). Pour la séance EM45, j'ai utilisé la corrélation de la séance EM30. Les colonnes "écart" donnent la différence entre la teneur en eau mesurée à la sonde ionique et la teneur en eau estimée à l'aide de la microsonde, exprimée en pourcentage. L'analyse de ces colonnes permet de proposer une incertitude d'environ 25% pour la détermination des teneurs en eau à l'aide de la microsonde électronique. H2Oi est la teneur en eau attendue en l'absence de diffusion à travers la capsule, calculée à partir du taux de fusion et de la teneur en eau du matériau de départ.