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Partie 2 : Techniques expérimentales

2.4. Obtention et préservation des équilibres thermodynamiques

2.4.6. Approche directe et ségrégation des liquides

2.4.6.1. Techniques d’extraction

Les changements de composition liés à la trempe sont particulièrement importants dans le cas des expériences de fusion partielle, pour lesquelles les proportions de liquide sont faibles. C’est pour pallier ces problèmes qu'ont été développées différentes techniques de ségrégation : agrégats de diamants (Johnson et Kushiro 1992, Hirose et Kushiro 1993, Baker et Stolper 1994), capsules AuPd déformées (Hirose et Kawamoto 1995), microfissures dans des containers en graphite (Laporte et al. 2004). Ces techniques permettent une séparation physique du liquide et des cristaux : lors de la trempe, les plages de liquide ne sont pas en contact avec les minéraux résiduels et ne sont donc pas affectées par la diffusion. Les critiques apportées à ces techniques portent sur l’équilibre entre le liquide et les phases résiduelles (ex. Falloon et al. 1996, Baker et al. 1996, Wasylenki et al. 1996, Falloon et al. 1997). Par exemple, dans le cas de la technique des agrégats de diamants, la capsule est remplie par la charge dans laquelle on place également un copeau de diamant fritté. Les diamants résistent à la pression et maintiennent au début de l’expérience un très fort gradient de pression qui permet au liquide d’être "pompé" dans les pores entre les grains de diamant, même aux très faibles taux de fusion. Le liquide obtenu au début de l’expérience est en déséquilibre à cause du gradient de pression et il va se rééquilibrer progressivement. L’utilisation de techniques de ségrégation nécessite de démontrer que l’équilibre thermodynamique est bien atteint.

2.4.6.2. Utilisation de sphères de carbone vitreux.

Des études récentes (Wasylenki 1999, Pickering-Witter et Johnston 2000, Schwab et Johnston 2001) ont montré l'intérêt du carbone vitreux comme alternative au diamant pour l’extraction des liquides. Le polissage des charges contenant des agrégats de diamant est en

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effet très difficile (ex. Clemente 1994, Médard 2000) ; beaucoup moins dur que le diamant, le carbone vitreux est facile à polir, bien qu'il faille imprégner suffisamment l'échantillon pour éviter son arrachement.

Dans cette étude, j’ai utilisé une combinaison gradients thermiques / sphères de carbone vitreux afin de séparer les liquides. La présence dans toutes les charges de la série wh d’un faible gradient thermique (5 à 10 °C.mm-1) permet la migration du liquide vers la base de la charge (fig. 2.15a, 2.20e). Cette technique a déjà été utilisée dans les expériences à haute pression (ex. Longhi 2002) ; elle introduit un léger déséquilibre au sein de la charge, mais des séries d’analyses réalisées en différents points montrent que le liquide est homogène et que seules les compositions des phases résiduelles montrent de faibles variations en fonction de la position dans la charge. Malheureusement cette technique n’est efficace qu’à très fort taux de fusion (> 60%), et pour les taux de fusion plus faibles, j’ai ajouté des sphères de carbone vitreux, placées au point chaud de la capsule (fig. 2.20a), pour favoriser la ségrégation des liquides. Les sphères de carbone vitreux utilisées sont plus petites (20-50 µm) que dans les études précédentes (80-100 µm, Robinson et al. 1998, Pickering-Witter et Johnston 2000, Schwab et Johnston 2001, Wasylenki et al. 2003, Pertermann et Hirschmann 2003). La ségrégation n’est pas due à une différence de pression, en effet les sphères de carbone vitreux ne sont généralement pas en contact et très peu déformées (fig. 2.20b). En plus du gradient thermique, les énergies interfaciales peuvent jouer un rôle dans la ségrégation (ex. Wasylenki 1999, Pickering-Witter et Johnston 2000), car les liquides silicatés mouillent très bien les sphères de carbone vitreux ; de plus, la petite taille des sphères utilisées augmente l’intensité des tensions d’interface. La plupart des expériences montrent des plages de verre entre les sphères de carbone vitreux suffisamment grandes pour permettre une analyse défocalisée à la microsonde électronique (fig. 2.20b, 2.20f). Dans le cas des expériences présentant à la fois des plages de liquides analysables hors des sphères de carbone vitreux et entre les sphères (fig. 2.20e), les analyses de liquides dans les deux configurations sont indiscernables : les forts taux de fusion et la connectivité importante entre les sphères de carbone vitreux (fig. 2.20b, 2.20c) favorisent une atteinte rapide de l’équilibre chimique. Pour les cations modificateurs du réseau (Ca, Mg, Fe, tableau 2.4), la longueur de diffusion est de 1 mm pour une durée expérimentale de 24 heures, l'épaisseur de la couche de sphères de carbone vitreux étant inférieure à 500 µm.

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Figure 2.20. Extraction des liquides à l’aide de sphères de carbone vitreux. (a) vue générale d’une charge expérimentale ; la couche de sphères de carbone représente environ ¼ de la charge (b) détail de la zone contenant les sphères de carbone ; elles isolent le liquide (entre les sphères) des cristaux (en haut à gauche) (c) l’ensemble sphères + verre se désagrège facilement, probablement à cause de la rétraction thermique du liquide lors de la trempe (d) vue générale d'une autre charge dans laquelle les sphères de carbone vitreux ont été légèrement déplacées lors de la préparation, ce qui permet d'observer les effets du gradient thermique et des sphères de carbone vitreux dans l'extraction des liquides (e) détail de l'expérience précédente, le gradient thermique est ici suffisant pour extraire les liquides sans l'aide des sphères de carbone (f) début de dévitrification des sphères, avec formation de quelques aiguilles de graphite ; les plages de liquides sont encore suffisamment grandes pour l’analyse (g) dévitrification plus avancée, avec formation d’une couronne de graphite en bordure des sphères, le liquide rentre entre la couronne et le reste de la sphère (h) portion d’une zone avec des sphères totalement dévitrifiées ; cette image est approximativement couverte par 4 zones d’analyse en balayage. Toutes les images sont des images MEB en électrons rétrodiffusés, à l’exception de l’image c, en électrons secondaires.

2.4.6.3. Transformation carbone vitreux - graphite

L'utilisation de sphères de carbone vitreux n’est pas forcément compatible avec les expériences hydratées (comme c'est le cas dans nos expériences de fusion) : en effet, le carbone vitreux est réputé absorber l'eau présente dans le matériau de départ (Wasylenki 1999). De plus, dans certaines conditions de température et de pression, l'eau sert de catalyseur pour la transformation du carbone vitreux, métastable, en graphite (fig. 2.20 f-h). Lorsque la réaction est terminée, l'analyse des liquides est impossible, car l’abondance de graphite favorise la nucléation lors de la trempe. Ce phénomène de dévitrification a été observé pour les expériences de longue durée et à forte teneur en eau (donc à faible taux de fusion) à 1 GPa. A 0,5 GPa, les sphères sont toujours stables, même en présence d’eau.

Figure 2.21. Comparaison des analyses de trempe avec les corrélations oxydes vs oxydes observées pour les analyses de verres. Exemple de la corrélation Al2O3 vs MgO pour toutes les expériences à 1 GPa.

Dans quelques expériences présentant une dévitrification importante des sphères de carbone vitreux, une analyse défocalisée (sur un rectangle d’environ 50 x 40 µm) de

8,0 9,0 10,0 11,0 12,0 13,0 14,0 15,0 16,0 17,0 18,0 6,0 7,0 8,0 9,0 10,0 11,0 12,0 13,0 14,0 MgO (wt%) Al 2 O3 (wt%) verres trempe

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l’ensemble graphite + cristallisations de trempe permet d’obtenir une approximation de la composition des liquides. L’analyse d’une grande zone permet de moyenner l’ensemble de la trempe et les analyses obtenues sont remarquablement homogènes une fois normalisées à 100%. Environ 10% des analyses qui s’écartent de façon importante de la valeur moyenne sont éliminées, mais cela change très peu cette valeur. Les analyses obtenues sont dans la continuité des corrélations oxydes vs oxydes déterminées pour les autres expériences (fig. 2.21) et les Kd olivine / trempe mesurés ont des valeurs cohérentes (0,27-0,30) avec les valeurs attendues (proches de 0,3, voir § 2.4.1).

2.5. Analyse des charges expérimentales.