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Partie 2 : Techniques expérimentales

2.4. Obtention et préservation des équilibres thermodynamiques

2.4.4. Croissance hors équilibre

Pour préserver les équilibres de haute température, il faudrait en théorie une trempe instantanée, ce qui est loin d'être le cas dans les dispositifs expérimentaux utilisés (tableau 2.5). Plusieurs mesures de vitesses de trempe ont été réalisées au cours de cette thèse. Dans le cas des pistons-cylindres, les mesures ont été réalisées en reliant le thermocouple à une table traçante qui enregistre la variation de la d.d.p. au cours du temps pendant la durée de la trempe. La pente de la droite de trempe, en mV/s, est convertie en °C/s en utilisant la table d'étalonnage du thermocouple. Pour l'autoclave, la lecture de la température en fonction du temps se fait directement grâce à un programme informatique. Il ressort de ces mesures que le piston-cylindre 12,7 mm est de très loin la meilleure machine pour l'étude des systèmes magmatiques basiques. Par contre, l'autoclave à chauffage interne du L.M.V. est un instrument inadapté pour de telles études.

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régime transitoire appareil de mesures nombre de trempe vitesse incertitude durée (s) vitesse de trempe four trempe rapide 0 1000 °C/s

Autoclave 3 2-4 °C/s - - piston-cylindre 19,1 mm 4 50 °C/s 5 °C/s 2-4 ~30 °C/s piston-cylindre 12,7 mm (four mince) 1 145 °C/s - piston-cylindre 12,7 mm (four épais) 5 175 °C/s 10 °C/s 0,5 ~90 °C/s

Tableau 2.5. Vitesses de trempe des appareils expérimentaux utilisés au LMV. Pour le four à trempe rapide, les valeurs sont celles estimées par Donaldson 1979 sur un appareil similaire.

Il faut noter que tous les appareils montrent un régime transitoire (figure 2.16) pendant lequel la vitesse de trempe augmente rapidement avant d'atteindre la vitesse maximale. Ce régime est interprété comme correspondant au temps nécessaire à l'arrivée du front de refroidissement (par conduction) au niveau du thermocouple. Presque négligeable pour le piston-cylindre 12,7 mm, ce régime est particulièrement long dans le cas du piston-cylindre 19,1 mm et les premières secondes de trempe ont lieu à une vitesse plus proche de 25-30 °C/s que des 50 °C/s mesurés.

Figure 2.16. Variation de la d.d.p. (en mV) en fonction du temps (en seconde) lors de la trempe d'une expérience piston-cylindre 19,1 mm. La vitesse en fin de trempe est d'environ 50 °C/s, mais la vitesse initiale est nettement plus faible, de l'ordre de 25-30 °C/s au tout début de la trempe.

De telles vitesses ne sont pas suffisantes pour des charges contenant des liquides basiques, car certains minéraux, et tout particulièrement le clinopyroxène, peuvent avoir des vitesses de croissance très importantes. Dans un liquide à composition de diopside (ce qui n'est pas très éloigné des compositions étudiées), Kirkpatrick et al. (1976) ont mesuré des vitesses de l'ordre de 100-200 µm/s. Pour des compositions hydratées, la croissance des dendrites est encore plus rapide, car l'eau diminue la viscosité des liquides. Toutes les expériences réalisées dans le champ de stabilité du clinopyroxène montrent la présence de

1375 °C 1250 °C 1350 °C 1300 °C 1 s 1 mV 50 °C/s 1200 °C arrêt du chauffage

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surcroissances et de cristaux dendritiques (fig 2.17) ; cette morphologie est caractéristique des vitesses de trempe utilisées (>10 °C/h, Fleet 1975). Même dans le piston-cylindre 12,7 mm, les dendrites ainsi formées peuvent atteindre jusqu'à 50 µm. Pour les vitesses de trempe lentes (autoclave, piston-cylindre 19,1 mm en présence d'eau), la charge peut être entièrement remplie de dendrites pendant la trempe, ce qui empêche l'analyse du liquide. Les dendrites de clinopyroxène nucléent sur les cristaux de clinopyroxène préexistants, sur les parois des capsules ou à partir d'impuretés (graphite, AuPd,...). Leur croissance est favorisée par la composition des liquides étudiés, qui est très proche de compositions de clinopyroxènes. Les cristaux obtenus par ces croissances ultrarapides sont en déséquilibre avec le liquide à partir duquel ils se développent (coefficients de partage tendant vers 1 pour les éléments majeurs, Gamble et Taylor 1980).

Figure 2.17. Cristaux formés par croissance rapide lors de la trempe (a) dendrites de clinopyroxènes en surcroissance sur des cristaux automorphes (b) grosse dendrite isolée de clinopyroxène "en sapin" ; remarquer également les surcroissances dendritiques sur les cristaux d'olivine (c) charge entièrement cristallisée lors de la trempe en autoclave ; seuls quelques cœurs de clinopyroxènes se sont formés à l'équilibre (d) importante cristallisation de clinopyroxènes dendritiques dans une charge hydratée très proche du liquidus.

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Dans les expériences cristallisées à partir d’un verre (série bt), les cristaux de clinopyroxène sont de très petite taille (généralement < 5 µm) et les analyses microsonde sont souvent à cheval sur la zone cristallisée pendant la trempe. L’ensemble des analyses réalisées sur cette série d’expériences est présenté en figure 2.18. Les analyses représentent un "mélange" entre un pôle pauvre en aluminium (proche du diopside) et un pôle très riche en aluminium (jusqu'à 16% d'Al2O3, soit près de 30% de molécule de Tschermack). Pour chaque expérience, seules les analyses les plus pauvres en aluminium ont été conservées, en tolérant une variation arbitraire de +- 0,5% d'Al2O3, soit environ 3-4 analyses par expérience. A une exception près, les moyennes de ces analyses sont regroupées dans un intervalle de composition très restreint, ce qui montre que la composition des clinopyroxènes au liquidus varie peu avec la pression. Une variation similaire des compositions de clinopyroxènes, quoique moins importante, a été observée dans les expériences de fusion (série wh) ; le même traitement a été appliqué aux analyses.

Figure 2.18. Composition des clinopyroxènes des expériences de la série bt. Pour chaque expérience (exemples bt03 et bt35), seules les 3-4 analyses les plus pauvres en Al2O3 ont été sélectionnées.

Dans les expériences renfermant beaucoup d'olivine, des cristaux d'olivine dendritiques ou des surcroissances dendritiques se développent sur les arêtes des cristaux (figure 2.17b) mais ils sont généralement peu développés, les vitesses de croissances étant nettement plus faibles que pour les clinopyroxènes.