III. SYNDROMES D’APNEES DU SOMMEIL (SAOS) III.8. Physiopathologie du SAOS III.8.2. Mécanismes des apnées obstructives et mixtes La caractéristique fondamentale du SAOS est la survenue d’un arrêt de la respiration à l’occasion de l’endormissement. La reprise respiratoire s’accompagne d’un éveil ou d’un allégement du sommeil. Ces arrêts de la respiration se répètent plusieurs dizaines à plusieurs centaines de fois au cours d’une même nuit. La régulation normale de la ventilation réalise les conditions d’une instabilité, qui se révèle au cours du sommeil, et qui peut s’associer à une obstruction partielle ou totale des voies aériennes supérieures (VAS). La question qui se pose dès lors est de savoir quels sont au cours du sommeil les facteurs qui augmentent la probabilité d’une occlusion des voies aériennes supérieures. L’accent a été mis sur des facteurs anatomiques statiques, sur la base de la constatation d’anomalies morphologiques des voies aériennes supérieures (micrognathie, rétrognathie, hypertrophie de la base de la langue) fréquemment associées au SAOS. En dehors de telles anomalies caractérisées, on a également insisté sur les dimensions des voies aériennes témoins indiquant que les patients peuvent avoir des voies aériennes supérieures rétrécies ou non ;257-259 certaines études ne trouvent pas de différences dans les dimensions pharyngées entre les sujets sains, ronfleurs non apnéiques, et apnéiques ;260 l’interprétation de ce résultat surprenant serait qu’un hypopharynx étroit amortirait les pressions thoraciques négatives et les empêcherait de remonter à l’oropharynx.260 Inversement des sujets dont les voies aériennes supérieures sont rétrécies, ne développent pas nécessairement un SAOS. De plus, il ne faut pas perdre de vue que les modifications des tissus mous observées peuvent être consécutives aux microtraumatismes répétés que représentent le ronflement et les pressions intra-thoraciques inspiratoires durant les efforts de lutte contre l’obstacle, interprétation soutenue par l’absence de corrélation entre les dimensions des voies aériennes supérieures et la sévérité du SAOS.261 De ce fait, au delà des dimensions statiques, l’occlusion des voies aériennes supérieures dépend essentiellement de leur compliance, c’est-à-dire leur faculté à modifier leur volume lorsqu’elles sont soumises à des gradients de pression. Cette compliance est plus élevée au cours du sommeil dans les SAOS que chez les ronfleurs et chez des témoins, rendant compte de la plus grande « collapsibilité » des voies aériennes supérieures.262,263 Il reste à préciser si cette grande compliance est due à des modifications anatomiques (liées aux dépôts de graisse, ou à une altération des tissus musculaires ou conjonctifs) ou à une modification fonctionnelle de l’état d’activation des muscles qui les constituent. Cette dernière conception fait intervenir un trouble de la commande des muscles des voies aériennes supérieures qui deviendraient anormalement hypotoniques au cours du sommeil. La démonstration d’une incapacité des malades ayant un SAOS à augmenter l’activité des muscles pharyngés en réponse à une occlusion expérimentale de leurs voies aériennes supérieures au cours du sommeil apporte un puissant argument dans ce sens.262,263 Le rôle d’une défaillance de mécanismes « protecteurs » est également suggéré par la facilitation de l’obstruction des voies aériennes supérieures par l’anesthésie oropharyngée.264 Enfin, il est possible que les modifications de l’ultra-structure des muscles des VAS jouent un rôle.265 Le rôle du « timing » de cette activation a aussi été souligné ; il est en effet nécessaire que les muscles des VAS soient déjà sous tension lorsqu’ils sont soumis aux pressions négatives inspiratoires ; un retard d’activation des muscles des VAS pourrait aussi contribuer à leur collapsus.266,267 Des facteurs extrinsèques au contrôle de la ventilation interviennent également. Parmi ceux-ci on peut citer la prise d’alcool ou de benzodiazépines268 qui ont en commun d’une part de majorer l’hypotonie musculaire, d’une part de diminuer le seuil d’éveil autorisant la reprise respiratoire et ainsi de le retarder ;269 cet effet des benzodiazépines n’a pas été retrouvé pour toutes les benzodiazépines. Un autre facteur de variabilité est la position du dormeur : le décubitus dorsal aggrave la situation par rapport au décubitus latéral dans la mesure où la pesanteur agissant sur le massif lingual tend à rapprocher la paroi antérieure de la paroi postérieure du pharynx. Dès les premières études sur le syndrome « de Pickwick », un rôle primordial dans la genèse des anomalies du SAOS avait été attribué à l’obésité.270 La discussion reste ouverte de savoir si l’obésité est un facteur causal (comme le suggère la guérison de quelques rares SAOS après réduction pondérale) ou seulement un facteur aggravant, comme le suggère l’existence de SAOS chez des patients non obèses, et l’absence de guérison des apnées du sommeil après réduction pondérale dans la majorité des cas. On peut aussi noter que le SAOS est loin d’être toujours présent (41 %) dans un groupe d’obèses morbides (IMC moyen 50 kg/m2), plus fréquent chez les hommes que chez les femmes (77 versus 7 %). Si les facteurs causaux restent discutés, le déroulement de l’occlusion a été bien décrit grâce à une analyse cinéradiographique : le début de l’obstruction est toujours oropharyngé, le plus souvent associé à un déplacement postérieur de la langue, puis une aspiration du voile vers le bas, et l’extension à l’hypopharynx (le pharynx rétro-basi-lingual) dans deux tiers des cas, et au pharyngolarynx dans un tiers des cas.271 Tout bien considéré, le syndrome d’apnées du sommeil peut être interprété comme une incapacité à faire face à l’augmentation de la résistance des VAS associée normalement au sommeil à cause d’une réponse inadéquate des muscles des VAS et / ou du diaphragme, résultant d’autant plus volontiers en une occlusion des VAS que celles-ci sont étroites et compliantes. Les conséquences physiologiques de l’apnée obstructive tendent à maintenir les patients dans une condition auto-entretenue d’instabilité du sommeil et d’instabilité de la ventilation. possibilité de facteurs génétiques. Les déterminants génétiques ne semblent pas liés exclusivement à des modifications anatomiques.272 La forte prédominance masculine jusqu’à la cinquantaine, et la possible induction du SAOS par les hormones mâles suggèrent274 le rôle des facteurs hormonaux. Dans le document Syndrome métabolique chez le sujet âgé : relations avec la dysrégulation du système nerveux autonome, l'inflammation et le syndrome d'apnées du sommeil. (Page 113-116)