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5. Considérations stratégiques et recommandations finales

5.3 Mécanismes de contrôle des coûts et critères décisionnels

Sur la question précise – et centrale – de la gestion des coûts, outre la nécessité d’identifier un certain nombre de coûts cachés que nous avons déjà largement évoquée, il convient d’établir un certain nombre de principes.

Aussi longtemps que des paiements individuels d’APC sont concernés, c’est-à-dire en dehors d’accords plus globaux avec les éditeurs, l’institution n’a aucun pouvoir sur la fixation des prix par les éditeurs et sur les hausses annuelles de prix supérieures au taux d’inflation qui sont actuellement observées. Dans ces conditions, il apparaît essentiel de ne pas prendre en charge totalement les frais facturés aux auteurs correspondants afin que ceux-ci conservent une sensibilité aux prix qui permette d’éviter une explosion des coûts. L’application conjointe d’un taux de remboursement limité et d’un maximum dans

le montant absolu remboursé doit donc absolument être maintenue et est de toute manière rendue nécessaire par les contraintes budgétaires de l’institution.

La faible utilisation du Fonds d’aide à la publication Open Access doit toutefois susciter des réflexions dans l’optique de pérenniser le projet. Dans le contexte de la part grandissante d’accords conclus avec des grands éditeurs, une spécialisation du fonds à l’intention des facultés et départements peu concernés par ces contrats, sur l’exemple de l’Université de Zurich, peut être une option à étudier. Il convient dans tous les cas de réfléchir à la complémentarité du fonds vis-à-vis d’accords spécifiques passés avec les éditeurs, de même que dans le système des abonnements, l’achat d’articles individuels peut venir compléter les abonnements à des revues complètes.

Dès lors que sont considérés d’éventuels accords avec les éditeurs qui incluent la prise en charge des frais de publications en Open Access, plusieurs éléments doivent être considérés. Tout d’abord, à nombre de publications égal, des accords prévoyant une hausse annuelle et des prix au-delà du taux d’inflation doivent absolument être évités dans la mesure que le permet le déroulement des négociations. En outre, l’engagement à payer en avance des frais liés à un hypothétique volume de publication futur doit être assorti de garanties concernant l’adéquation entre lesdits frais et lesdites prestations attendues. Les risques de prépaiements trop importants et non remboursés en cas de volume de publication plus faible, ou, au contraire, de frais consentis entre les deux parties ne permettant pas de satisfaire la demande en matière de publication en Open Access se doivent d’être anticipés et évités, notamment par une pleine compréhension des formulations contractuelles et de leurs implications.

De plus, il convient de trouver un équilibre entre des abonnements conclus pour un an qui ne permettent pas d’entrevoir le potentiel de transformation des accords et des périodes contractuelles trop longue engendrant le risque de s’engager dans des conditions qui pourraient être jugées rétrospectivement peu favorables, en fonction des évolutions de ces prochaines années. L’horizon 2024 fixé par la stratégie nationale ainsi que l’échéance des contrats des plus grands éditeurs, qui fixent souvent les précédents et les conditions minimales qu’il est raisonnable d’espérer de la part des éditeurs moins importants, constituent certainement des jalons sur la base desquels il est possible d’ajuster les différentes périodes contractuelles.

En matière d’accords transformants, de nouveaux outils de comparaison se doivent d’être définis. Un indicateur simple est par exemple le « coût par article » des accords Read&Publish (per article PAR fee), obtenu en divisant le coût annuel d’un tel contrat par le nombre d’articles inclus pour la publication. Dans le cas de l’accord national conclu

avec Elsevier (CSAL et Elsevier BV 2020), ce coût s’élève à 4842 EUR pour 2021, 4692 EUR pour 2022 et 4558 EUR pour 2023. De tels indicateurs ont toutefois leurs limites, le portfolio de chaque éditeur ne se valant pas ; par ailleurs, la notion de coût par article disponible n’est pas employée dans le cadre des abonnements classiques.

Il convient de reconnaître qu’il n’existe guère de solution miracle pour s’assurer d’une juste répartition des coûts :

« Between OA2020 and Plan S, the promise of a robust scholarly communication ecosystem that provides open access to researchers regardless of their affiliation has never been closer, but there is still no clarity about which paths will ultimately create an OA ecosystem where costs are fairly and sustainably shared among libraries, authors, and publishers. »

(Bosch et al. 2020, p. 41)

Dans ce contexte, l’historique des relations contractuelles entre éditeurs et bibliothèques doit amener à envisager les offres incluant l’Open Access avec la plus grande prudence et à considérer non seulement les frais, mais aussi l’exhaustivité des prestations obtenues. Le diable peut se cacher dans de nombreux « détails », comme un nombre d’articles limité par année, l’inclusion ou non de toutes les revues de l’éditeur dans l’accord ou des flux de travail facilités ou non (Pinhasi et al. 2018). Ces critères se doivent d’être considérés comme des facteurs importants dans le contrôle des coûts, car toute prestation non couverte par l’accord est susceptible d’être au final payée par des budgets institutionnels supplémentaires. Comme le notait déjà un rapport du Conseil suisse de la science et de l’innovation (CSSI) en 2015 et comme le montre le cas récent de Springer Nature, il est probable que seule une négociation dure, avec de possibles périodes de ruptures de contrats, soit susceptible de déboucher sur des conditions satisfaisantes (CSSI et al. 2015).

D’autre part, face à l’émergence de nouveaux partenaires commerciaux potentiels – les éditeurs entièrement Open Access – et l’impossibilité financière de conclure des contrats avec tous ces acteurs, il est important d’avoir pleine conscience que des accords de type « Pure Publish » sont des contrats de pure prestation de services. A ce titre, la qualité du service devient l’enjeu essentiel et les critères décisionnels doivent considérer la qualité de cette prestation tant d’un point de vue externe (qualité du travail éditorial, valeur ajoutée en matière d’édition électronique, réputation de l’éditeur) que du point de vue interne (facilitation des processus de travail, automatisation et fiabilité).

Enfin, de manière générale, tout accord conclu avec un éditeur engendrant des frais de publication en Open Access différents du prix « catalogue » des APC se doit de garantir une transparence totale des frais, laquelle constitue pleinement un mécanisme de contrôle des coûts.