• Aucun résultat trouvé

I. Chapitre I/ Etat de l’art

4. Les mécanismes de dégradation

Dans cette partie, nous regarderons les différents mécanismes de dégradation inhérents aux mécanismes de lithiation/délithiation. Plusieurs échelles sont concernées : l’échelle de la particule, l’échelle de l’électrode et la surface.

4.1.

A l’échelle de la particule

En regard des études présentées précédemment, la perte des performances électrochimiques est intimement liée à l’expansion volumique extrême du silicium. Un phénomène de pulvérisation de particules a été rapporté par de nombreuses études. Les parties séparées du volume initial se retrouvent alors isolées du réseau électronique et deviennent inactives causant une perte des performances électrochimique.

• Mécanisme de fissuration

Une série d’études ont porté sur les contraintes relatives aux mécanismes lithiation/délithiation sur des films minces de silicium et ont regardé l’effet de la propagation des fissures en cyclage.132,133,134,135 Nous

ne détaillerons pas ici les analyses. De plus, d’intéressantes études ont suivi les vibrations mécaniques de particules de silicium cristallines par émission acoustique grâce à des détecteurs piézoélectriques.136,137 Les événements acoustiques correspondent aux fractures des particules lors du cyclage. Il a été constaté une activité acoustique intense lors de la première lithiation sur des particules micrométriques. Après 5 cycles, une multitude de fissures ont été remarquées par SEM ainsi que la pulvérisation des particules initiales. Un travail ex situ sur des nanocolonnes a étudié l’influence de l’orientation cristalline et de l’anisotropie de l’expansion volumique sur les mécanismes de fractures.138 Globalement il a été vu que les fractures dépendent de la taille des nanocolonnes, comme discuté précédemment, et de la cinétique de la lithiation. En effet, plus la cinétique de lithiation est rapide et plus le taux de fissures est important.138 Néanmoins d’avantages d’études permettraient de clarifier le lien entre l’évolution de ces contraintes et la cinétique de lithiation. Une autre conclusion de cette étude est que les fissures/fractures sont principalement localisées entre les plans {110} pour les trois différentes orientations axiales des nanocolonnes comme le montre la Figure I-27. Comme abordé précédemment l’expansion et la direction préférentielle de lithiation se produit suivant les plans {110}, ce qui suggère que l’expansion anisotropique conduit à l’intensification des contraintes à la surface entre les plans {110} causant ainsi les fractures. Une autre étude sur des nanofils de croissance axial <112> ont aussi montré que l’expansion anisotropique peut produire des fractures. Dans ce cas, des fissures le long de l’axe du nanofils ont été remarquées perpendiculaires à la direction préférentielle de lithiation <1-10>.114

Figure I-27 : Etude statistique de la localisation des fractures à la surface de nanocolonnes avec différentes orientations axiales. Une image SEM illustre pour chaque orientation les nanocolonnes. Les traits en gris foncés sur les schémas des nanocolonnes représentent les plans (110) où la lithiation a lieu préférentiellement, tandis que les flèches illustrent la plus forte présence de fractures. Enfin les différents diagrammes recensent le nombre de fractures en fonction de l’angle (la référence 0° est présentée sur le schéma). L’échelle sur les images SEM est de 1 µm.138

• « Frittage électrochimique »

Récemment, des observations en TEM in situ ont mis en valeur un phénomène de coalescence des particules de silicium lors de la lithiation : deux particules se touchant initialement se rassemblent pour former une seule particule lors de leur expansion volumique suivant un mécanisme de « frittage électrochimique des particules ».139 Cette agglomération de particules pourrait conduire lors des extractions du lithium suivantes à piéger des ions Li+ et serait alors responsable d’une certaine irréversibilité du mécanisme à chaque cycle.140,141

4.2.

A l’échelle de l’électrode

Classiquement une électrode est formée d’un mélange intime entre la matière active, un agent conducteur électronique et un liant polymérique assurant la cohésion mécanique, le tout répandu sur un collecteur de courant. La lithiation/délithiation amène à l’échelle de l’électrode une décohésion d’une partie de la matière active, le plus souvent formée de gros amas, et une délamination de l’électrode et du collecteur de courant. Ces deux phénomènes peuvent être à l’origine de la chute brutale de capacité. Nous détaillerons rapidement les effets relatifs de la dégradation du liant et de l’agent conducteur.

Une formulation à base de nanotubes et de fibres de carbone a été proposée par Lestriez et al. pour maintenir la cohésion de l’électrode lors de l’expansion volumique durant la lithiation.142 Les nanotubes permettent de maintenir électroniquement connectées les particules sollicitées et les fibres de carbones assurent une cohésion globale de l’ensemble de l’électrode afin d’en améliorer les performances électrochimiques. Cependant des études sur des électrodes en ex situ,143,144 confirmées par TEM in situ,145 ont montré une dégradation des nanotubes à simple et multiples parois par fracturation cassante lors de leurs lithiations réduisant alors leurs tailles. Concernant les nanofibres de carbone, il a été montré leur faible réactivité face au lithium,146,147 néanmoins après cyclage certaines images SEM129,148 montrent une réduction de la taille de ces fibres ; ce qui peut suggérer une rupture cassante de celles-ci lors de l’expansion volumique des particules de silicium.

Le rôle du liant dans une électrode de silicium a un impact fondamental puisqu’il maintient la cohésion de l’ensemble de l’électrode. Jusqu’en 2007, le liant usuel était le fluorure de polyvinylidène (PVdF) proposé notamment par Chen et al.149 L’équipe de Dahn proposa ensuite un autre polymère, la carboxyméthylcellulose (CMC).150 Ce polymère rigide et cassant, contrairement au PVdF bien plus élastique (50 % d’élongation avant rupture), offre dans les mêmes conditions de meilleures performances comparées au PVdF. Cette étude relative au liant montre que l’amélioration de la cyclabilité ne peut venir a priori que d’un meilleur comportement du polymère lors de (de)lithiation. Au rapide raccourci de l’accommodation de l’expansion volumique uniquement par un polymère élastique se cache des phénomènes interfaciaux plus complexes. Selon Bridel et al.,151 une interaction particulière existe entre la CMC et la matière active. Selon ces mêmes, auteurs des liaisons hydrogène se formeraient et seraient susceptibles de se reformer en permanence améliorant ainsi la cohésion du liant et du silicium. Munao et al. partagent ce point de vue.152 D’autres équipes voient la formation de liaisons covalentes entre le polymère et le matériau.153,154 Plus précisément une réaction d’estérification aurait lieu lors de la

formulation de l’encre entre les fonctions carboxyliques de la CMC et les fonctions silanols à la surface du silicium. Notons que cette réaction peut être favorisée à pH acide, ph=3, améliorant ainsi la cyclabilité.155

4.3.

La Solid Electrolyte Interface (SEI)

La formation d’une fine couche a été mise en évidence dans les années 1970 lorsqu’un métal alcalin était trempé dans une solution non aqueuse.156 En 1979, Peled et al.157 ont montré que ce film de passivation a les mêmes propriétés qu’un électrolyte solide, i.e. isolant électronique mais conducteur ionique et la nomme alors SEI, Solid Electrolyte Interface. A titre général, elle est constituée des produits de réduction/oxydation de l’électrolyte et donc sa composition et son comportement dépendent de ce dernier. La SEI du silicium est proche de celle du graphite qui a fait l’objet de nombreuses publications depuis une vingtaine d’années. La couche de passivation du graphite joue un rôle clé dans les performances électrochimiques de ce matériau.158,159,160 Il a été mis en évidence une dynamique de cette SEI impliquant une consommation irréversible d’électrons et d’ion Li+.161 Néanmoins, malgré cette relative dynamique, une certaine stabilité est remarquable assurant l’une des clefs de la cyclabilité impressionnante de ce matériau sur plusieurs milliers de cycles.

Cyclée avec un même électrolyte (communément LiPF6 dissout dans un mélange de carbonate) la SEI du silicium sera proche de celle du graphite et essentiellement composée de produits issus de la dégradation du sel LiPF6 typiquement LiF, PF3 et de produits organiques réduits issus des solvants carbonatés comme CH2=CH2, ROCO2Li, Li2CO3.

162,126

Contrairement au graphite l’électrode de silicium subit d’important changement morphologie entrainant des mouvements continuels de la surface du matériau. L’expansion volumique conduit à un renouvellement perpétuel de la SEI ; spécifiquement elle se fracture et se reforme constamment impliquant une consommation irréversible d’ions Li+. Les performances électrochimiques en pâtissent et cela se traduit par un rendement coulombique très inférieur à 1 limitant ainsi l’usage du silicium pour l’instant dans des accumulateurs Li-ion commerciaux. Bridel et al.163 ainsi que Mazouzi et al.164 remarquèrent une expansion de l’électrode lors de la première lithiation. De plus, la formation de la SEI entraine une prise de masse importante et l’électrode après 70 cycles a pris 4 fois en masse ce qui soulève l’exceptionnelle dégradation de l’électrolyte avec le silicium.164 Ainsi Oumellal et al. ont supposé que la SEI serait à l’origine de l’obturation des pores de l’électrode et engendrerait une baisse de conductivité électronique et surtout ionique et une augmentation de la polarisation de l’électrode.148 La polarisation amène prématurément la cellule électrochimique aux potentiels de coupure causant l’écroulement des performances de l’accumulateur.