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I. Chapitre I/ Etat de l’art

3. Apport des moyens de caractérisations à la compréhension et à la quantification de l’alliage Li x S

3.2. A l’échelle de la particule

• Lithiation anisotropique du silicium cristallin

Comme mentionné précédemment, la lithiation/délithiation entraine de forts changements volumiques. Il convient de comprendre ainsi la nature de cette expansion. De nombreuses études par TEM l’ont suivie sur des structures individuelles (nanoparticules, nanofils, films minces…). Les récents travaux de Lee et al. ont examiné les changements de formes et de volumes sur des nanocolonnes cristallines avec

différentes orientations cristallographiques.112 Ces nanocolonnes de trois différentes orientations axiales (<100>, <110>, et <111>) ont été fabriquées à base de wafers de silicium comme le montre la Figure-I-21. Le procédé de fabrication n’implique pas de défauts de type macle comme lors de la croissance de nanofils par CVD ou VLS car il s’agit de gravure chimique sur des wafers de différentes orientations. Lors de la lithiation in situ de ces nanocolonnes, une anisotropie d’expansion volumique est mise en valeur comme le dévoile les différentes formes des nanocolonnes de la Figure-I-21 b). La coupe transversale étudiée par Goldman et al., avant et après lithiation électrochimique (image c), confirme et montre une direction préférentielle <110> de lithiation par une observation ex situ par SEM.113 Cette tendance a été aussi confirmée sur des nanofils par l’équipe de Huang.114

Figure-I-21 : Expériences mettant en évidence l’expansion volumique anisotropique du silicium cristallin a) et b) Images SEM montrant l’expansion anisotropique de nanocolonnes selon trois différentes orientations axiales (<100>, <110>, et <111>) avant et après lithiation respectivement.112 c) Image d’une coupe d’un wafer de silicium

avant lithiation et après lithiation.115 d) et e) Images TEM in situ d’un gonflement anisotropique d’un nanofils de Si avant et après lithiation.114 Ces études montrent que la direction préférentielle de lithiation est selon <110>.

Ces résultats convergent vers un mécanisme de type réduction du cœur en silicium et formation d’un alliage LixSi en coquille par une diffusion préférentielle suivant les directions <110> comme le montre également la Figure I-22 .116

Figure I-22 : Images TEM de la lithiation électrochimique in situ d’une particule conduisant à une réduction du cœur cristallin et à la formation de facette suivant les plans {110}. L’annotation TB signifie « Twin

Boundary ».116

Récemment, Liu et al. ont observé ce mécanisme à l’échelle atomique.117 Ils ont montré que l’anisotropie du mécanisme était due à une différence de mobilité interfaciale des différents plans cristallographiques. Lors de la lithiation, il est cinétiquement plus facile pour les atomes de lithium de pénétrer et de rompre les liaisons suivant les directions <110> et <112> plutôt que selon les directions <111>. L’interface a été observée de façon in situ en TEM et pour ces auteurs les plans {111} sont retirés couche par couche. Ce mécanisme limite la cinétique de la réaction comme le montre la Figure I-23. La diffusion du lithium au

travers des plans denses {111} n’a jamais été observée ; à la place ces plans s’« effeuillent » et se rompent

en atomes de silicium individuels. Le lithium diffuse donc préférentiellement entre les plans denses {111} suivant la direction <110> comme le montre la Figure I-24.

Figure I-23 : Image en TEM haute résolution du front de réaction LixSi/Si lors de la lithiation in situ d’un nanofils cristallin de silicium suivant la famille de plans orientés {112}. L’interface amorphe/cristalline est composée de quelques couches atomiques seulement. Comme le montre le schéma la structure du silicium cristallin est rompue par la pénétration des atomes de Li entre les plans {111} ; cette interface contrôle la

Figure I-24 : Mécanisme de lithiation observé de façon in situ en HRTEM. a) nanofils de silicium avant lithiation, les plans {111} sont parallèles à la surface, b) après lithiation le lithium provient du côté droit de l’image et s’insère entre les plans {111} suivant la direction [1-10] appartenant à <110>.117 Les annotations ont été réécrites pour plus de clarté sur les images extraites de la référence [29].

L’ensemble de ces remarquables observations a établi que l’anisotropie de la lithiation et de l’expansion volumique des particules est principalement due à la différence de mobilités des atomes de lithium dans les différents plans cristallographiques. Le front de réaction est caractérisé par une interface silicium cristallin/LixSi amorphe crée par un mécanisme « d’amorphisation à l’état solide ». Ainsi, en supposant que la diffusion du lithium dans un alliage LixSi amorphe est rapide, la limitation cinétique proviendrait du déplacement de ce front. Ces conclusions ont été modélisées par éléments finis et par DFT et également vérifiées par des mesures électrochimiques.118,119,120,121

• Fissurations et diamètres critiques

En plus d’une mise en valeur de la lithiation anisotropique du silicium cristallin, il a été constaté la présence de fissures et de pulvérisation des particules lors de la lithiation. Phénomènes bien connus de la dégradation des performances électrochimiques du silicium, un diamètre critique a pu être observé expérimentalement. L’équipe de Huang a observé dans un TEM des particules sphériques lithiées électrochimiquement de façon in situ. Ces auteurs montrent que la pulvérisation des particules débute par la formation de fissures à la surface des particules comme l’illustre la Figure I-25. Ces fissures sont issues de contraintes tangentielles par rapport au front de lithiation. A partir de ces données expérimentales, ils ont déterminé un diamètre critique de ~150 nm au-dessus duquel l’intégrité des particules n’est plus conservée.116 D’autres équipes dont celle de Cui confirmèrent cette taille critique de particules.122

Figure I-25 : Images TEM montrant l’évolution d’une particule de silicium lors de la lithiation. Le début des fractures apparaissant à la surface se forme rapidement.116

• Rôle de l’oxyde natif

Le silicium est recouvert d’une couche d’oxyde dont l’épaisseur et la composition varient suivant les matériaux étudiés mais qui est typiquement de l’ordre du nanomètre. Elle est constituée le plus souvent de SiO2. Le rôle de cette couche native n’est pas simple et a fait l’objet d’études lors de la réaction avec le lithium. Pour Saint et al., l’enthalpie libre de la réaction avec le lithium suivant l’équation :

SiO2 + 4 Li 2 Li2O + Si,

est égale à -72 kJ.mol-1 de SiO2 correspondant à un potentiel de réduction de 0,19 V vs. Li+/Li.123 D’après les auteurs, il est nécessaire d’ajouter une différence de potentiel de 1 V pour engendrer ce genre de réaction de conversion. Les chances de réduction de la silice sont donc limitées pour eux. Cependant Lee et al. ont montré par des mesures de spectroscopie d’impédance une réaction électrochimique entre la silice et le lithium lors de la première lithiation.124 Peu de temps après Guo et al. ont observé par XPS et TEM la présence de cette phase réduite LixSiOy.125 Philippe et al. par une étude utilisant différentes sources de rayons X (synchrotron) identifièrent cette phase comme étant Li4SiO4 se formant en parallèle avec la phase irréversible, Li2O, suivant les réactions :

SiO2 + 4 Li 2 Li2O + Si (1) 2 SiO2 + 4 Li Li4SiO4 +Si (2)

Le schéma de la Figure I-26 résume cette étude par XPS.126 Notons que la couche de silice n’a pas totalement réagi et est encore observée lors des cycles suivants. De plus, en présence d’un sel d’électrolyte comme LiPF6, cette couche peut réagir et former un composé fluoré SiOxFy lors du vieillissement de l’électrode. Ce dernier peut être nuisible à l’interaction entre la surface de la matière active et le liant polymérique, de type CMC, et peut être à l’origine des pertes des performances électrochimiques de l’électrode.127

Figure I-26 : Schéma du mécanisme de la première lithiation d’une nanoparticule de silicium avec la formation de composés irréversibles, Li2O et Li4SiO4, issus de la silice.126

• Quantification de l’alliage localement

Peu de travaux ont étudié la composition de l’alliage amorphe LixSi. Récemment, l’équipe de Huang a calculé la composition de l’alliage à l’aide de mesures volumiques et de simulations mécaniques et chimiques.128 Ces mesures ont été réalisées de façon in situ sur des disques de silicium amorphe. Selon ces auteurs la première étape mène à la formation d’un alliage Li2,5Si amorphe, suivant un mécanisme biphasique, puis un état intermédiaire est formé conduisant à l’alliage Li3,75Si amorphe.

Plus localement, Radvanyi et al. par spectroscopie Auger et abrasions à l’aide d’un canon ionique ont récemment quantifié l’alliage LixSi, dans la coquille riche en lithium, sur des particules de silicium micrométrique.129 Les auteurs trouvèrent une valeur proche de celle de Li et al.103 acquise par DRX in situ, avec x=3,1. Précédemment, de façon également locale, Danet et al., ont mis en valeur un mécanisme biphasique Si cristallin/LixSi amorphe avec x=2,9 sur des particules également micrométriques par TEM couplé à l’EELS.130 Pour quantifier la composition de l’alliage créé par voie électrochimique, ils se sont basés sur la spectroscopie des pertes faibles des électrons et ont construit une base de données à l’aide d’alliages de référence synthétisés par voie solide. La spectroscopie des pertes faibles dans un TEM, typiquement sous 50 eV, s’appuie sur l’oscillation collective des électrons de valence d’un matériau sous le rayonnement excitateur des électrons incidents. En outre, il existe un déplacement chimique pour les alliages métalliques suivant la densité des électrons de valence (théorie de Drude). Pour les alliages LixSi le déplacement est lié à la teneur en lithium contenu dans les alliages : plus l’alliage contient du lithium, plus les pertes énergétiques issues de l’oscillation des électrons de valence sont faibles. Utilisant les bases de Danet et Moreau sur les plasmons, Gauthier et al. ont mis en valeur une hétérogénéité de la composition de l’alliage à l’échelle nanométrique lors de la délithiation.131 Ils observèrent des particules de silicium cristallines non touchées par la première lithiation et à une distance d’une centaine de nanomètres des particules amorphes lithiées. Ils confirmèrent le modèle biphasique de Li et al.103 lors de la délithiation entre la phase Li15Si4 et un alliage LiySi avec y=2, précédant un mécanisme de solution solide pour le reste de la délithiation.