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Mécanismes d’activation des cellules iNKT en réponse à la fumée de cigarette

Après avoir défini le rôle délétère des cellules iNKT productrices d’IL-17 dans la BPCO, nous avons tenté d’identifier les mécanismes d’activation de ces cellules mis en jeu lors de l’exposition à la fumée de cigarette. Les cellules iNKT sont capables d’être activées et de répondre très rapidement à la stimulation. Actuellement, trois mécanismes d’activation des cellules iNKT ont été décrits. Les cellules iNKT peuvent être activées classiquement à travers la reconnaissance par leur TCR d’un antigène glycolipidique (exogène ou endogène) présenté via la molécule CD1d, une molécule atypique appartenant à la famille des CMH de classe I (Burdin

et al., 1998). Un autre mécanisme d’activation implique à la fois la reconnaissance par le TCR et

l’action de cytokines. Ce type d’activation est notamment rencontré lors de la réponse à certaines bactéries. Ces dernières, probablement via la stimulation des récepteurs TLR, induisent la néo-synthèse d’antigènes lipidiques par les cellules présentatrices d’antigène qui seront présentés par la molécule CD1d qui concomitamment avec l’action de cytokines telles que l’IL-12, l’IL-1β, l’IL-23 ou encore les interférons de type I vont permettre d’activer les cellules iNKT (Paget et al., 2007 ; Kronenberg M., 2005). Enfin, dans certains contextes, les cellules iNKT sont capables d’être activées par des cytokines seules dont notamment l’IL-12 (Brigl et al., 2011). L’activation des cellules iNKT nécessite donc la présence de cellules présentatrices d’antigènes. Nous nous sommes donc intéressés aux différentes populations de cellules présentatrices d’antigène présentes au sein du poumon et notamment les macrophages alvéolaires et deux sous-populations de cellules dendritiques, les cellules CD11b+CD103- et les cellules CD11b-CD103+ qui toutes expriment le CD1d. Ces deux types cellulaires se trouvent être recrutés (bien que les macrophages alvéolaires soient déjà fortement présents en base dans le poumon) et activés, avec une augmentation de l’expression

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de la molécule CD40 et du CMH de classe II, en réponse à la fumée de cigarette. Des études avaient déjà montré que les macrophages alvéolaires étaient capables d’activer les cellules

iNKT par voie cytokinique, et notamment via la sécrétion d’IL-13 (Kim et al., 2008). Cependant,

en allant plus en avant dans l’analyse transcriptomique de ces cellules, nous nous sommes rendu compte que seule la sous-population de cellules dendritiques CD11b+ présentait une augmentation dans l’expression à la fois de l’IL-12 et de la molécule CD1d. En effet, contrairement aux cellules dendritiques CD103+ qui sont plutôt résidentes, les DC CD11b+ vont être recrutées depuis le compartiment vasculaire sur les sites d’inflammation et seraient alors spécifiquement activées et effectrices dans ce type de contexte (Condon et al., 2011). Dans notre modèle, les DC CD11b+ expriment fortement des marqueurs en relation avec l’activation des cellules iNKT et notamment l’IL12p40 et le CD1d en comparaison aux autres types cellulaires analysés. Cependant, il serait intéressant de déterminer quels signaux sont vraiment nécessaires pour l’activation des cellules iNKT. Pour étudier ce mécanisme dans le cadre du stress oxydatif, nous pourrions essayer d’isoler chaque voie afin de déterminer si l’activation des cellules iNKT est dépendante de la stimulation du TCR, des cytokines ou des deux types de signaux. Le rôle des cytokines peut être analysé à l’aide d’anticorps neutralisants ou de souris déficientes. Pour étudier le rôle de la signalisation via le TCR, nous pourrions utiliser le modèle court de stress oxydatif en administrant l’hydropéroxyde de cumène à des souris WT irradiées, dont le compartiment médullaire a été reconstitué avec de la moelle osseuse issue de souris

CD1d-/- suivi d’un transfert adoptif de cellules iNKT WT. Ce protocole ne permettrait cependant

pas de bloquer les interactions entre les cellules de structure exprimant également le CD1d et qui peuvent potentiellement intervenir dans l’activation des cellules iNKT par la fumée de cigarette. Un autre moyen d’étudier de manière individuelle la voie du TCR versus la voie des cytokines serait l’utilisation d’anticorps neutralisants anti-CD1d qui nous a permis de montrer in

vitro, une inhibition partielle de l’activation des cellules iNKT par la fumée de cigarette

(données non publiées). L’intérêt de la voie d’activation par le TCR est renforcé par la modulation de certaines glycosyltransférases impliquées dans le métabolisme des lipides des cellules présentatrices d’antigène et capable d’entraîner l’activation des cellules iNKT via la présentation de glycolipides endogènes (Paget et al., 2007 ; Hercend et al., 1984 ; Schumann et

al., 2007). Dans notre modèle, nous avons constaté que les DC CD11b+ exprimaient fortement

les gènes codant les enzymes UGCG (Céramide GlucosylTransférases) et St3Gal5 (ST3 Beta- Galactoside Alpha-2,3-Sialyltransferase 5 ou ganglioside GM3 synthase), suggérant une implication de la voie de métabolisme des glycosphingolipides dans les DC CD11b+ dans l’activation des cellules iNKT en réponse à la fumée de cigarette. En observant la cinétique d’expression de la molécule CD1d et de l’IL-12p40 dans les DC CD11b+, nous pouvons constater que le pic d’expression du CD1d se trouve au début de l’exposition alors que celui de l’IL-12p40 se trouve à dix semaines d’exposition à la fumée de cigarette. L’activation primaire des cellules

iNKT pourrait donc être induite via la reconnaissance du CD1d par leur TCR invariant puis serait

entretenue dans un second temps par la sécrétion d’IL-12p40 par les DC CD11b+. La mise en place d’une cinétique plus détaillée pourrait peut être nous permettre de mieux caractériser le mode d’activation des cellules iNKT au cours de l'exposition. De plus, des résultats préliminaires obtenus in vitro et utilisant des techniques de culture sur inserts et des anticorps neutralisants

Discussion et Perspectives

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anti-CD1d montrent que la signalisation via le TCR est primordiale et est accompagnée d’une participation complémentaire de facteurs solubles, probablement des cytokines (données non montrées). L'utilisation de DC issues de souris déficientes pour l'IL-1b, l'IL-6 et l'IL-23p19 ainsi que la caractérisation physico-chimique du lipide généré après activation par la fumée de cigarette permettront d'élucider le rôle de ces différents éléments.

Bien que les cellules issues du compartiment myéloïde soient très importantes dans l’activation des cellules iNKT, il ne faut pas négliger les cellules de structure du compartiment pulmonaire dans cette possible activation. En effet, les cellules épithéliales représentent le plus grand nombre de cellules dans le poumon et leur contact étroit avec les polluants aériens leur confère une place de choix dans la surveillance. Ces cellules expriment également le CD1d et peuvent donc potentiellement activer les cellules iNKT. Dans notre étude, l’activation in vitro de cellules épithéliales à la fois humaines et murines par des extraits de fumée de cigarette nous montre que celles-ci sont capables d’activer en retour les cellules iNKT qui produiront alors essentiellement de l’IFN-γ alors que dans ce même modèle les DC humaines (dérivées de monocytes du sang total) et murines (issues de la moelle osseuse) induisent plutôt une sécrétion d’IFN-γ et d’IL-17. Cette différence dans l’expression des cytokines des iNKT en réponse à une activation des cellules présentatrices d’antigène par la fumée de cigarette pourrait être expliquée par l’environnement cytokinique. Nous avons observé une augmentation de l’expression de l’IL-12p40 dans les DC CD11b+, sous unité qui, en dimère avec l’IL-12p35, forme la cytokine pro-Th1 IL-12 (Kobayashi et al., 1989). Or l’IL-12 est capable de stimuler l’activation des cellules iNKT sécrètant de l’IFN-γ. Cependant, l’IL-12p40 peut également former un hétérodimère avec l’IL-23p19 formant ainsi la cytokine pro-Th17 IL-23 (Oppmann et al., 2000 ; Iwakura et al., 2006). Bien que les DC CD11b+ ne montrent pas d’augmentation dans l’expression de l’IL-23p19, celle-ci est augmentée dans l’étude du poumon entier suggérant que d’autres types cellulaires induiraient la production d’IL-17 par les

iNKT via la sécrétion d’IL-23.

L’axe IL-23/IL-17 représente une cible thérapeutique intéressante dans le but de limiter l’inflammation chronique, dépendante de l'IL-17, observée dans la BPCO. Actuellement, des agents biologiques bloquant l’IL-23 et l’IL-17 sont en cours de développement, notamment, le Ustekinumab, un anticorps monoclonal ciblant la sous unité IL-12p40 de l’IL-23, a montré une certaine efficacité dans la résolution de l’inflammation chez des patients atteints de psoriasis, pathologie impliquant également l’axe IL-23/IL-17 (Toussirot E., 2012) et a reçu une autorisation de mise sur le marché.