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PARTIE I : Le cancer du sein

II. Le cancer du sein

1. Mécanisme de déclenchement tumoral

II. Le cancer du sein

1. Mécanisme de déclenchement tumoral

Le cancer du sein, comme tous les cancers, résulte d'altérations génétiques et épigénétiques affectant des cellules normales. Par la suite, ces changements touchent non seulement les cellules malignes mais peuvent également atteindre les cellules qui interagissent avec la tumeur telles que les cellules immunitaires, vasculaires et stromales (Osborne et al., 2004). La plupart des modifications génétiques sont acquises, et ne sont présentes que dans les cellules malignes, on parle alors de cancers du sein sporadiques. Dans seulement 10 % des cas, ces altérations génétiques sont héritées et prédisposent les individus à développer ce type de

Figure 3 : Différenciation de l’épithélium mammaire normal et tumoral. A. Le pool de

cellules souches de l’épithélium mammaire normal (CSN) est globalement dans un état quiescent. Une CSN peut se diviser de façon asymétrique afin de donner naissance à une cellule souche identique à la cellule d’origine grâce à la propriété d’auto-renouvellement, et une cellule progénitrice engagée dans la voie de la différenciation. B. Lors de l’oncogenèse, les cellules ciblées par la transformation maligne pourront être soit les cellules souches, soit les progéniteurs de l’épithélium normal. Les cellules souches cancéreuses (CSC) garderont les propriétés des cellules souches de l’épithélium normal, c’est-à-dire l’auto-renouvellement pour guider la tumorigénicité et la capacité à se différencier. Lorsque les CSC ont comme cellule d’origine un progéniteur, elles réacquièrent la propriété d’auto-renouvellement lors de la transformation maligne (d’après Ginestier et al., 2007).

Oncogènes Gènes suppresseurs de tumeur

HER-2 Ras PI3K Akt EIF-4E Cyclin D1 Cyclin E C-myc C-fos p53 p27 BRCA-1 BRCA-2 CHK2 ATM PTEN Rb

Tableau 1 : Oncogènes et gènes suppresseurs de tumeur impliqués dans les cancers du sein

3 cancer. Dans tous les cas, ces évènements permettent aux cellules d'acquérir un certain nombre de caractéristiques : autonomie vis-à-vis des signaux de croissance cellulaire, insensibilité aux signaux inhibiteurs de croissance cellulaire, évasion du système de mort cellulaire programmée (apoptose), capacité à maintenir l'angiogénèse, potentiel de réplication illimité et capacité d'invasion tissulaire (potentiel métastatique) (Hanahan et Weinberg, 2000). De très nombreuses données tendent à prouver l’existence d’une hiérarchie cellulaire dans les tumeurs solides, dirigée par des cellules cancéreuses ayant des propriétés de cellules souches : les cellules souches cancéreuses (CSC). L’existence de cellules souches normales (CSN) dans le sein à l’état adulte est très probable au regard même de la biologie de la glande. Les CSN épithéliales organisent le fonctionnement de la glande mammaire grâce à des propriétés intrinsèques spécifiques. Ces propriétés associent une longue durée de vie et une capacité à s’auto-renouveler et à produire des cellules filles capables de se différencier. La capacité d’auto-renouvellement permet de préserver et de réguler le pool de CSN dans la glande mammaire. Dans le cancer du sein, les CSC proviendraient directement des CSN adultes de l’épithélium mammaire qui seraient seules le siège des altérations génétiques tumorales

(Figure 3) (Ginestier et al., 2007). Enfin, les données épidémiologiques montrent qu'une

grossesse précoce diminue considérablement le risque de cancer du sein et ce, parce qu'elle entraîne une différenciation terminale des cellules épithéliales mammaires (Polyak, 2001). La première étape de la cancérisation est une phase d'initiation durant laquelle une cellule normale est irréversiblement altérée, de telle sorte qu'elle ne peut terminer sa différenciation ou entrer en apoptose. Sa croissance reste cependant contrôlée par son environnement cellulaire notamment via les jonctions serrées. Dans un second temps, la division de ces cellules pré-malignes va être stimulée, c'est la phase de promotion. Les cellules filles sont immortelles. La présence de nombreux facteurs endogènes (hormones, facteurs de croissance, cytokines) et exogènes (composés promoteurs de tumeurs), le maintien de leur prolifération et l'absence d'apoptose, vont favoriser leur accumulation. Par ailleurs elles acquièrent une indépendance vis-à-vis des facteurs de croissance et perdent leur capacité de communication intercellulaire. Après de multiples divisions, d'autres altérations génétiques et épigénétiques apparaissent. Celles-ci génèrent de nouveaux phénotypes, stables et totalement indépendants des facteurs externes grâce notamment à l'activation d'oncogènes ou à l'inactivation de gènes suppresseurs de tumeurs (anti-oncogènes) : c'est la phase de progression (Trosko, 2005). Les oncogènes et les anti-oncogènes jouent un rôle prépondérant dans la carcinogénèse mammaire (Tableau 1). Les oncogènes sont des gènes qui, activés ou surexprimés, induisent des signaux de prolifération cellulaire. Les anti-oncogènes ou gènes suppresseurs de tumeurs,

Figure 4 : Schéma simplifié du cycle cellulaire et de quelques régulateurs. Chaque phase du

cycle cellulaire est régulée par un ou plusieurs complexes cdk/cycline. La protéine du rétinoblastome (Rb) à l’état hypophosphorylé bloque le cycle cellulaire en phase G1 via la séquestration du facteur de transcription E2F. Sous l’influence de facteurs mitogènes, la protéine Rb perd son état hypophosphorylé et le cycle cellulaire progresse. Le facteur de transcription E2F peut alors initier la transcription de gènes codant des enzymes de réplication de l’ADN. La cellule entre alors en phase S du cycle cellulaire. Lorsque l’ADN est endommagé, la protéine p53 se trouve phosphorylée et induit la production de la protéine p21. Celle-ci se lie aux complexes cycline/cdk de la phase G1 inhibant ainsi leur activité kinase pour Rb, le cycle cellulaire est alors arrêté.

G0 G2 M G1 S CDK4-6 Cycline D CDK1 Cycline A CDK2 Cycline A CDK2 Cycline E CDK1 Cycline B E2F Rb RbP E2F p21 p53 Dommages à l’ADN G0 G2 M G1 S CDK4-6 Cycline D CDK1 Cycline A CDK2 Cycline A CDK2 Cycline E CDK1 Cycline B E2F Rb RbP E2F p21 p53 Dommages à l’ADN

4 freinent la prolifération cellulaire. Lorsqu'ils sont inactivés par une mutation, par exemple, ils n'exercent plus leur rôle de régulation négative. Schématiquement, à l'état normal, il existe un équilibre entre l'expression des oncogènes et des gènes suppresseurs de tumeurs. Des mutations successives de ces gènes rompent cet équilibre, entraînant une prolifération excessive des cellules tumorales. Les mutations des oncogènes sont souvent des mutations qui rendent ces gènes hyperactifs.

Plus d'une centaine d'oncogènes ont été identifiés. Certains sont connus pour causer des cancers mammaires lorsqu'ils sont surexprimés dans des modèles de souris transgéniques. L'oncogène HER2 (Human Epidermal growth factor Receptor 2), connu également sous le nom de erbB2, est surexprimé dans 20 à 30 % des cancers du sein invasifs. Il code un récepteur membranaire dont l'activation peut se faire de manière autonome si le nombre de récepteurs présents dans la membrane cellulaire est suffisant. L'activation de ce récepteur entraîne la stimulation de nombreuses voies de signalisation dont celles des MAPK (Mitogen Activated Protein Kinase) et de la PI3K/Akt (Phosphoinositol-3-Kinase/Akt). Cela favorise la prolifération cellulaire, l'angiogénèse, l'altération des contacts cellulaires, la résistance à l'apoptose et la migration cellulaire. L'oncogène c-myc est surexprimé dans 15 à 25% des tumeurs mammaires. Il s'agit d'un facteur de transcription qui forme un dimère avec la protéine Max et induit la prolifération cellulaire (Osborne et al., 2004; Wazer et Band, 1999). Deux anti-oncogènes majeurs interviennent dans la régulation du cycle cellulaire : la protéine du rétinoblastome (pRb) et le produit du gène p53. La protéine Rb, en fonction de son état de phosphorylation, régule la transition du cycle cellulaire de la phase G1 à la phase S. pRb présente de nombreux sites de phosphorylation qui correspondent pour la plupart à des sérines ou des thréonines. Ces résidus sont la cible de certaines cdk (cyclin dependent kinase). En début de phase G1, pRb n’est pas phosphorylée puis subit une phosphorylation partielle. Dans ces 2 états, pRb inhibe le facteur de transcription E2F en interagissant avec lui. A la fin de la phase G1, pRb est complétement phosphorylée et ne peut plus interagir avec E2F. Ce dernier est alors libéré et permet la transcription des gènes nécessaire à la réalisation de la phase S. La phosphorylation de pRb suit l’apparition des complexes cycline/cdk. Dans un premier temps, seule cdk4 associée à la cycline D phosphoryle pRb. Cette phosphorylation induit le changement de conformation de pRb et permet ainsi le recrutement du complexe cycline E/cdk2 qui phosphoryle pRb sur des sites différents de ceux utilisés par cdk4. Les complexes cyclineA/cdk2 et cycline B/cdk1 permettraient de maintenir pRb dans un état phosphorylé

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Le stade hypophosphorylé de pRb est notamment maintenu par le TGF-β (Tumor Growth

Factor-β), qui bloque en même temps l'expression de c-myc. Une mutation ou une perte de

fonctionnalité du TGF-β ou de son récepteur provoque de manière concomitante la

phosphorylation de pRb et donc une avancée des cellules dans le cycle cellulaire, et l'expression de c-myc, favorisant la prolifération cellulaire. Le gène p53 code une phosphoprotéine de 53 KDa. Deux rôles particuliers sont dévolus à cette protéine : soit l'arrêt du cycle cellulaire entre la phase G1 et la phase S, soit la mort cellulaire par un phénomène d'apoptose. La protéine p53 se fixe sur une séquence spécifique d'ADN aboutissant à la transcription du gène WAF1 / Cip1, (Wild type p53-activated fragment/cdk2 inhibiting

protein). La protéine p21waf1 se lie à la kinase cdk2, et inhibe son activité. La cellule s'arrête

alors avant la synthèse de l’ADN et peut réparer d'éventuels dommages (Figure 4). Lors d'une agression cellulaire, la concentration et la demi-vie de p53 s'accroissent par une diminution de sa dégradation physiologique. Il a été montré expérimentalement qu’une simple lésion double brin suffisait à induire une augmentation du taux de p53. Un autre mécanisme déclenchant est constitué par un mésappariement de bases ou une insertion/délétion de bases. En présence de p53 mutée, l'ADN n'est plus réparé, il en résulte une instabilité génomique associée à une accumulation de mutations provoquant une croissance incontrôlée (Wazer et Band, 1999). Les gènes BRCA1 et BRCA2 sont également des anti-oncogènes, codant des protéines impliquées dans la réparation des altérations de l’ADN qui, avec p53, sont à l'origine de la plupart des cancers du sein héréditaires.