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PARTIE IV : Stress du réticulum et cancer

II. La réponse au stress du réticulum ou réponse UPR

3. Voies de signalisation UPR

3.1. La voie traductionnelle : activation de PERK

La dissociation de BiP favorise l’homodimérisation de PERK et l’activité kinase de son domaine cytosolique (Ma et al., 2002) (figure 30). Les domaines d’homodimérisation et de liaison à BiP ne se chevauchent pas du côté luminal de la protéine PERK (Ma et al., 2002). Il est donc suggéré que la liaison de BiP à PERK induirait une conformation inhibitrice de l’oligomérisation. L’activation de la fonction kinase contenue dans le domaine cytosolique de PERK a deux conséquences majeures : la phosphorylation de la sous-unité alpha du facteur d’initiation de la traduction eIF2α (eukaryotic translation initiation factor 2) sur la Sérineen

position 51 (Ser51) et la phosphorylation du facteur de transcription bZIP Cap ‘n’ Collar Nrf2

Conditions normales: taux élevé de eIF2-GTP-Met-ARNt (complexe ternaire)

Conditions de stress: faible taux de eIF2-GTP-Met-ARNt (complexe ternaire)

eIF2-GTP-Met-ARNt Sous-unité ribosomique 40S Sous-unité ribosomique 60S

Figure 31 : Régulation de la traduction de l’ARNm ATF4 en réponse au stress (Jackson et al.,

79 transfert sur la sous-unité 40S du ribosome. Il s’agit d’un hétérotrimère composé de trois

sous-unités α, β et γ, associé au GDP à l’état basal. L’intervention du facteur eIF2B catalyse

l’échange du GDP contre un GTP au niveau de la sous-unité α d’eIF2, et permet le

recrutement de l’ARN de transfert. Or la phosphorylation de eIF2α par de nombreuses kinases

bloque l’échange GDP/GTP (figure 31), empêche la formation du complexe de pré-initiation de la traduction et donc l’interaction des ARNm avec la sous-unité 40S du ribosome (Harding

et al., 1999). En effet, des cellules de mammifères déficientes en PERK (PERK-/-) montrent

une sensibilité accrue aux stress du RE et voient leur sensibilité partiellement restaurée par l’ajout d’inhibiteurs de la traduction comme la cycloheximide (Scheuner et al., 2001; Harding et al., 2000). Curieusement, malgré le blocage de la synthèse protéique, la traduction de

certains ARNm est augmentée lors de l’activation de la voie PERK/eIF2α. D’une part,

certains ARNm peuvent initier leur traduction de manière indépendante de la coiffe grâce à la présence de structures particulières dans leur région 5’UTR nommées IRES (Internal Ribosome Entry Site) qui recrutent directement les ribosomes. Ces éléments, initialement décrits chez les picornavirus, sont fréquents dans les ARN viraux mais se retrouvent également dans certains ARNm eucaryotes (3 à 5% des ARNm chez les vertébrés) (Johannes et al., 1999). C’est une longue séquence organisée en nombreuses structures secondaires avec une courte région pyrimidique située à une trentaine de bases avant le codon d’initiation. La présence d’IRES est défavorable à la traduction dépendante de la coiffe dans des conditions normales de croissance. Cependant, en réponse à un stress ou dans des conditions particulières, ces structures permettent à certains ARNm d’échapper à une inhibition globale de la traduction. La plupart de ces transcrits possédant des IRES codent des protéines impliquées dans la croissance, la différenciation mais aussi la réponse au stress. D’autre part,

le niveau de phosphorylation du facteur eIF2α influence également la traduction de certains

gènes via l’activation de la traduction de petits cadres de lecture en amont de certains ORFs codant (uORFs, upstream open reading frame) (Kozak, 2002) dans leur partie 5’ non traduite. Cela leur permet d’être exprimé lors d’une inhibition de la synthèse protéique (Harding et al., 2000). Ce mécanisme de contrôle a été observé chez les levures et chez les mammifères bien qu’aucun homologue de PERK n’ait été identifié à ce jour chez les levures. Les ARNm régulés de cette manière identifiés jusqu’à maintenant sont GCN4 chez la levure S. cerevisiae et ATF4 et Cat-1 (cationic amino acid transporter-1 gene) chez les mammifères (Harding et al., 2000; Scheuner et al., 2001). GCN4 est un facteur de transcription clé impliqué entre autre dans la régulation de la réponse cellulaire associée au métabolisme des acides aminés (Hinnebusch, 2005). L’homologue de GCN4 chez les mammifères, ATF4, est de plus

Figure 32 : Régulation de la phosphorylation du facteur d’initiation de la traduction eIF2α. La phosphorylation est médiée par quatre kinases (GCN2, PERK, PKR et HRI) régulées par

divers stress cellulaires. eIF2α phosphorylé inhibe le facteur eIF2B induisant un arrêt de la

traduction. eIF2-GDP eIF2-GTP eIF2B Initiation de la traduction eIF2α(P) eIF2α GCN2 PERK PKR HRI Carence en acides aminés Stress du RE dsRNA Carence en hème eIF2-GDP eIF2-GTP eIF2B Initiation de la traduction eIF2α(P) eIF2α GCN2 PERK PKR HRI Carence en acides aminés Stress du RE dsRNA Carence en hème

80 impliqué dans la régulation de la réponse antioxydante et l’apoptose (Harding et al., 2000; Scheuner et al., 2001). ATF4 est impliqué dans l’activation de la voie apoptotique en induisant l’expression de la protéine CHOP (C/EBP homologous protein). L’ARNm Cat-1 code un transporteur des acides aminés arginine et lysine, transporteur activé également en situation de stress nutritionnel (Yaman et al., 2003). Ce mécanisme de régulation implique la capacité des ribosomes à scanner les ARNm et à ré-initier la traduction. En effet, l’ARN

messager d’ATF4 est constitué de deux micro ORF qui précèdent, dans le sens 5’3’, la

région codante pour ATF4. La première µORF est située en amont à une distance telle qu’elle permet une réinitiation de la traduction de la seconde µORF. Par contre, la distance entre la µORF2 et la région codant pour ATF4 est trop petite pour permettre une réinitiation de la traduction. Alors que la µORF1 recrute les ribosomes sur le messager, la µORF2 inhibe la traduction de la région codante pour ATF4. En effet, en conditions normales, il y a peu de

eIF2α phosphorylé, et donc une grande disponibilité du complexe ternaire et donc après avoir

traduit la µORF1, la sous-unité 40S du ribosome rescanne le messager et l’initiation s’effectue

rapidement c’est-à-dire au niveau de la µORF2. Par contre, en conditions de stress, eIF2α est

phosphorylé, il y a peu de complexes ternaires disponibles, la réinitiation prend plus de temps, ce qui permet à la sous-unité 40S ribosomale de passer la µORF2, et l’initiation se fait alors au niveau de la phase codant pour ATF4. La traduction de GCN4 est régulée par un mécanisme semblable sauf que le messager comporte quatre µORF (figure 10) (Vattem et Wek, 2004). Il est important de noter que plusieurs kinases sont capables, en réponse à des

stress cellulaires variés, de phosphoryler le facteur eIF2α et donc d’induire l’expression du

facteur de transcription ATF4. Ce sont les kinases GCN2 (General Control of Nitrogen metabolism), PKR (Protein Kinase dsRNA dependent) et HRI (Heme-Regulated Inhibitor) qui sont respectivement induites par la carence en acides aminés, lors d’une infection virale par l’ARN double brin (dsRNA), ou par la carence en hème (figure 32). L’activation de PERK induit également l’activation du facteur de transcription NRF2 (Cullinan et al., 2003). Dans le cytoplasme, NRF2 est maintenu inactif par son interaction avec Keap1 (kelch-like-Ech-associated protein 1). Lorsque survient un stress du RE, une fois PERK activée, celle-ci phosphoryle NRF2 et provoque sa dissociation de Keap1. Cela permet la translocation du facteur NRF2 dans le noyau et la transcription de gènes contenant l’élément de réponse ARE (Antioxidant Response Element) (Cullinan et al., 2003). Ce mécanisme explique le phénotype

observé chez les cellules déficientes en PERK (PERK-/-) qui accumulent des espèces réactives

de l’oxygène ROS (Reactive Oxygen Species) sous stress du RE et chez les cellules NRF2

81 (Cullinan et al., 2003; Itoh et al., 1999; He et al., 2001). L’activation de PERK en cas de stress du RE est réversible et très rapide. En effet, dans les minutes suivant un retour à la normale de l’homéostasie présente dans le RE, PERK est rapidement déphosphorylée. Le mécanisme de déphosphorylation de PERK est inconnu ainsi que les phosphatases impliquées.

Environ un tiers des gènes dont l’expression est induite par la réponse UPR requièrent la

phosphorylation du facteur eIF2α, suggérant que la voie de signalisation dépendante de PERK

intervient également à un niveau transcriptionnel dans la réponse au stress du RE (Scheuner et al., 2001). La traduction préférentielle du facteur de transcription ATF4, à travers la

phosphorylation de eIF2α par PERK, aboutit à la transcription des gènes CHOP (C/EBP

homologous protein) et ATF3 (Harding et al., 2000; Scheuner et al., 2001).

L’expression de CHOP est bloquée dans des cellules PERK-/- ou des cellules dont le facteur

eIF2α n’est pas fonctionnel. Cependant, la surexpression d’ATF4 dans des cellules PERK-/- ne

suffit pas pour restaurer l’expression de CHOP, ce qui suggère qu’ATF4 est nécessaire mais

non suffisant pour l’induction de ce gène. Une autre cible de la voie PERK/eIF2α pourrait

donc être nécessaire pour réguler l'expression de CHOP (Ma et al., 2002). Cette expression peut également être induite par les facteurs de transcription ATF6 et XBP1 à travers la présence d’une séquence ERSE (ER stress-response element) comme motif minimum CCAAT(N9)CCACG au sein du promoteur de CHOP (Ma et al., 2002). CHOP est phosphorylée par la kinase de stress p38 ce qui a pour effet d’augmenter son activité (Wang et Ron, 1996).

ATF3 est un facteur de transcription faiblement exprimé dans des cellules en condition normale et rapidement induit en réponse à divers stress cellulaires. Les transcrits multiples de ce facteur résultent d’un épissage alternatif (Pan et al., 2003). Les effets de ces différentes formes peuvent être antagonistes ou synergiques avec ceux d’ATF4. ATF3 induit avec ATF4 l’expression de gènes comme GADD34 (Growth Arrest DNA Damage 34) ou l’asparagine synthase (AS) en réponse à un stress du RE (Jiang et al., 2003). ATF3 a également été décrit comme étant, avec ATF4, nécessaire à l’induction de CHOP lors d’une carence en acides aminés (Jiang et al., 2004).

Le facteur de transcription sensible à l’oxydoréduction NF-κB est également activé par la voie

PERK/eIF2 en réponse à un stress du RE (Pahl et Baeuerle, 1995; Jiang et al., 2003). L’activation d’ATF4 n’est pas suffisante pour induire l’expression de gènes spécifiques de

Figure 33 : La voie transcriptionnelle IRE1 (adapté de Zhang et Kaufman, 2004).

XBP1S : X-Box Binding Protein spliced; XBP1U: X-Box Binding Protein unspliced; ERSE:

ER stress-response element.

Figure 34 : Représentation schématique des formes épissée et non épissée de l’ARNm XBP1

chez l’Homme (adapté de Back et al., 2005).

IRE1

BiP

RE

BiP

Protéines mal conformées

Noyau

Gènes UPR ARNm XBP1 U ARNm XBP1 S ERSE XBP1 épissé XBP1 non épissé Délétion 26 bases Protéine XBP1 376 aa Protéine XBP1 260 aa

82 l’UPR et d’autres facteurs induits en condition de stress du RE doivent intervenir et agir avec ATF4 (Harding et al., 2000).

La réponse UPR nécessite un système de contrôle permettant d’éviter qu’elle ne devienne hyperactive. Il existe deux boucles de rétrocontrôle de l’inhibition traductionnelle liée à la réponse UPR. D’une part, la protéine GADD34 (Growth Arrest DNA Damage 34) se fixe sur la sous-unité catalytique de la protéine phosphatase 1 (PP1) et induit la déphosphorylation de

eIF2α. Les ARNm de GADD34 sont très faiblement exprimés dans les cellules non stressées

mais leur expression est fortement induite lors de stress du RE, grâce à la présence d’uORFs comme au niveau d’ATF4. La surexpression de GADD34 bloque à la fois les voies de

signalisation traductionnelle et transcriptionnelle induites par PERK/eIF2α (Schroder et

Kaufman, 2005). D’autre part, PERK est inhibé par la fixation sur son domaine kinase de la

protéine P58IPK, dont l’expression est sous la dépendance de IRE1 (Yan et al., 2002).