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I. Les gènes précoces immédiats (IEGs)

1. Définition des gènes précoces immédiats

Les gènes précoces immédiats (immediate-early response genes, IEGs) sont des gènes transcrits de manière rapide et transitoire, en réponse à des stimuli extracellulaires. Leur induction est indépendante de la néo-synthèse de protéines. Certains gènes précoces codent des facteurs de transcription, régulant la transcription d’une deuxième vague de gènes exprimés plus tardivement. Ainsi, les gènes précoces représentent des intermédiaires entre une stimulation brève de la cellule et son adaptation à long terme en réponse à cette stimulation.

2. Historique et terminologie

Les IEGs ont été caractérisés pour la première fois dans les années 80, lors d’études visant à identifier des gènes répondant à des facteurs de croissance pouvant contrôler la reprise du cycle cellulaire de cellules quiescentes (Cochran et al., 1983). Ces travaux ont permis d’isoler des gènes dont la transcription s’élève dans les minutes qui suivent l’addition de facteurs de croissance même en présence d’inhibiteurs de la synthèse protéique (tels que le cycloheximide). L’appellation IEG a été empruntée à la virologie, ce terme faisant référence à des gènes viraux qui sont exprimés de manière précoce au début de l’infection virale (avant la réplication du virus), et immédiate (indépendamment de la synthèse de protéines). fos et c-myc, homologues cellulaires d’oncogènes rétroviraux furent parmi les premiers IEGs découverts (Kelly et al., 1983; Greenberg et Ziff, 1984). Il s’agit de proto-oncogènes; c’est à dire de gènes qui peuvent, lorsqu’ils sont mutés ou que leur expression est dérégulée, devenir oncogènes et induire la formation de tumeurs (Bishop, 1985). En plus de son implication dans le cancer, l’expression des IEGs a pu être associée à de nombreux autres phénomènes biologiques tels que la mémorisation et le développement embryonnaire.

A l’exemple de c-fos et c-myc, beaucoup d’IEGs découverts par la suite codent majoritairement des facteurs de transcription (NUR77, JUN, EGR, MYB, NGFI-C, SRF). D’autres codent des protéines sécrétées telles que des cytokines et des chimioattractants (JE, N51/KC, Fic) ou encore des enzymes cytoplasmiques (phosphatases 3CH134/MKP-1/Erp et

48 cyclooxygénase Cox-2) (Herdegen et al., 1993). Pour notre part, nous nous sommes intéressés particulièrement à l’expression de gènes de la famille EGR.

II. Les gènes de la famille EGR

Parmi l’ensemble des gènes précoces immédiats, le gène EGR1 (Early Growth Response gene 1) est le principal membre d’une famille de gènes à réponse précoce, comprenant aussi EGR2, EGR3 et EGR4. EGR1 (ou Zif268/NGFI-A/24/TIS8/ZENK/ pAT225), EGR2 (ou Krox-20/ pAT591) et EGR3 (ou PILOT), codent des facteurs de transcription, alors qu’EGR4 (ou NGFI-C/pAT133) code un répresseur transcriptionnel (Zipfel et al., 1997). WT1 (Wilm’s Tumor 1) est un membre apparenté à cette famille, essentiel au développement normal du système urogénital et muté chez les patients développant des tumeurs de Wilms (néphroblastomes).

1. Le gène EGR1

Le gène EGR1 humain est localisé sur le chromosome 5 au locus q23-31 (Sukhatme et al., 1988), région très souvent délétée chez les patients atteints de leucémies myéloïdes (del(5q)). Le gène EGR1 a été découvert en tant que gène induit, soit par des agents mitogènes (d’où son nom) (Sukhatme et al., 1987), soit par l’ester de phorbol TPA (12-O-tétradécanoyl-phorbol-13-acétate), un activateur de la PKC. Il a été nommé dans ce cas TIS8 (TPA Inducible Sequence 8) (Lim et al., 1987). Le facteur de différentiation cellulaire NGF induit également sa transcription dans les cellules PC12 de rat, d’où l’appellation NGFI-A (Nerve Growth Factor Induced Gene A) (Milbrandt, 1987). Un rôle dans la neurogénèse post-natale lui a valu le nom de Krox-24 (boîte de Krüppel) (Lemaire et al., 1988). Il est nommé également Zif268 (zinc finger cDNA) car il a été découvert en tant que protéine possédant des motifs en doigt de zinc (Christy et al., 1988). Enfin, le nom de ZENK (acronyme de l’orthologue aviaire des gènes de mammifères Zif-268, Egr1, Ngfi-a et Krox-24) lui a été attribué pour son rôle dans le chant des oiseaux (Mello et al., 1992).

L’expression d’EGR1 est induite rapidement et de manière transitoire en réponse à une grande variété de signaux extracellulaires : facteurs de croissance, cytokines, hormones, esters de phorbol, irradiation et stress de différentes sortes. L’expression d’EGR1 est liée à la prolifération, la différenciation et l’apoptose (Thiel et Cibelli, 2002), et sert par conséquent de lien entre les signaux extracellulaires et les réponses à long-terme en induisant la transcription

49 de gènes cibles. Le gène EGR1 peut subir des régulations à plusieurs niveaux, au niveau chromatinien et au niveau post-transcriptionnel.

1.1. Méthylation

La méthylation de l’ADN au niveau d’une séquence GC joue un rôle essentiel dans la régulation de l’expression génique dans les cellules normales et cancéreuses. Elle est impliquée dans de nombreux processus biologiques dont l’inactivation génique. Chez les vertébrés, la méthylation de l’ADN se produit au niveau du carbone en position 5 du résidu

cytosine dans le dinucléotide 5’-GC-3’ (appelé CpG, et CpG méthylé sera noté m5CpG).

Comme cela est observé pour de nombreux gènes suppresseurs de tumeurs, la méthylation pourrait être le mécanisme responsable de l’inactivation d’EGR1 dans les tissus cancéreux mammaires (Liu et al., 2007). Dans la lignée cellulaire murine B immature, les cellules WEHI 231, l’expression endogène d’EGR1 est bloquée par la méthylation de ce gène (Seyfert et al., 1990).

1.2. Polyadénylation

La polyadénylation ou l’addition d’un segment poly(A) (plus de 100 résidus adénosine) à l’extrémité 3’ de l’ARNm permet sa maturation. D’autre part la polyadénylation est impliquée dans la régulation de l’expression de certains gènes en facilitant leur passage du noyau vers le cytoplasme et/ou en augmentant leur stabilité.

EGR1 est régulé au niveau transcriptionnel par une polyadénylation alternative. Dans la rétine, deux variants d’ARNm EGR1 sont produits, dont une version longue avec 293 paires de bases supplémentaires à la fin de la région 3’UTR (Simon et al., 2004). La polyadénylation est impliquée dans la translocation d’EGR1 suite à un stimulus lumineux (Mittelbronn et al., 2009).

1.3. Eléments de réponse

Les gènes EGR1 murin (3,8 kb) et humain (3,6 kb) possèdent deux exons et un intron d’environ 700 paires de base (Sakamoto et al., 1991; Tsai-Morris et al., 1988). Le promoteur d’EGR1 est très complexe et contient des sites de fixation de nombreux facteurs de transcription (Tsai-Morris et al., 1988). Les éléments régulateurs du promoteur du gène EGR1

Figure 15 : Structure du facteur Elk-1. La A-box est le domaine de fixation à l’ADN. La

B-box est le domaine d’interaction avec SRF. La C-B-box est responsable de l’activation transcriptionnelle contenant des sites de phosphorylation par les MAPK. Les D-box et F-box sont les sites de fixation des MAPK. La R-box est un domaine de répression (d’après Buchwalter et al., 2004).

Figure 16 : Représentation schématique de la formation du complexe ternaire. Le dimère SRF

ainsi que la A-box de Elk-1 interagissent avec la séquence SRE ; la B-box interagit avec le dimère SRF (d’après Buchwalter et al., 2004).

A B R D C F Elk-1 N-ter C-ter

SRE SRE

S R F S R F A B C A B C

Complexe