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Modifications scalaires de la gravité

6.3 Mécanisme de caméléon

Le principe du “caméléon”, modèle ST proposé par J. Khoury et A. Weltman en 2004 [169,170], consiste à donner au champ scalaire une masse qui dépende de son environne- ment. Il est léger à grandes échelles et peut donc servir de champ de quintessence, tout en étant lourd à petites échelles de façon à satisfaire les contraintes du système solaire et des pulsars binaires.

Prenons l’exemple du modèle de caméléon proposé par P. Brax et al. [51], qui est tel que dans la représentation d’Einstein

V (ϕ) = M 4 M2 P +M 4+n M2 P ϕ−n , A(ϕ) = eϕ∗, (6.31)

où M a la dimension d’une masse et β est un paramètre de couplage, que l’on suppo- sera d’ordre 1. On voit que le terme constant dans le potentiel peut jouer le rôle d’une

8À ce propos, on consultera avec profit le récent article [151] de Wayne Hu qui présente clairement la

nécessité d’un mécanisme non-linéaire qui permette de retrouver la RG à courtes distances, que ce soit le mécanisme de caméléon ou le mécanisme de Vainshtein. Notons à ce titre que les deux mécanismes mènent à une phénoménologie différente en ce qui concerne la trajectoire des galaxies [155].

6.3. Mécanisme de caméléon 183

constante cosmologique, motivant ainsi l’utilisation du modèle dans un contexte cosmolo- gique ; ce terme ne joue cependant pas de rôle à petite distances, et on peut donc le négliger dans l’analyse des contraintes locales, provenant du système solaire ou des pulsars binaires. La caractéristique cruciale du caméléon est que la masse du champ ϕ dépend de la densité de matière ρm. En effet, en raison du couplage A(ϕ∗) à la matière, le champ scalaire

voit un potentiel effectif

Veff(ϕ∗) = V (ϕ∗) +

1

8MP2ρmA(ϕ∗)

4, (6.32)

où ρm est la densité de la matière dans la représentation de Jordan. Ce potentiel effectif

possède un minimum, comme on peut le voir sur la figure 6.1. De plus, la masse effective du champ m2 d 2V eff dϕ2 ∗ (ϕmin ) (6.33)

est telle qu’elle augmente lorsque la densité de la matière augmente (cf. Fig.6.1).

!

!

V

eff

"

Small

"

Large

V

eff

Fig.6.1 – Potentiel effectif Veffdu champ ϕ dans le cas où la densité de matière est élevée, et dans le cas où elle est faible. On voit que la masse effective du champ au minimum du potentiel m2 d2V

eff

dϕ2 ∗ (ϕ

min

∗ ) augmente avec la densité de matière. Figure issue de [51].

À des échelles cosmologiques, la masse du champ scalaire est faible, et le champ est libre de se propager ; le couplage β étant d’ordre 1, la gravité est très différente de la RG, et γppn = 1/2.

Au sein ou au voisinage immédiat d’environnements très denses (comme la Terre ou l’atmosphère), le champ est au contraire très lourd (sa portée est plus courte que les

échelles auxquelles on peut tester la gravité), de telle sorte qu’il ne joue aucun rôle dans ces environnements. Ceci est notamment vrai dans les chambres à vide dans lesquelles se déroulent les tests de la gravité en laboratoire : même si la densité de matière y est très faible, les dimensions des chambres à vide sont trop petites pour que le comportement du champ y diffère beaucoup de son comportement dans l’atmosphère, où il est très lourd. Le modèle de caméléon parvient ainsi à satisfaire les contraintes terrestres sur la gravité.

En revanche, le champ est très léger au sein du système solaire, où la densité est très faible. Dès lors, comment se fait-il que les tests PPN ne permettent pas d’exclure cette théorie ? Cela est dû au phénomène dit de coquille mince9. Considérons un objet massif,

de taille suffisamment importante pour que le champ soit au minimum de son potentiel au sein de l’objet (par exemple la Terre), et que le champ y soit très massif. Si l’on calcule le potentiel gravitationnel dû au champ scalaire créé à l’extérieur de la source par une coquille de rayon R et de largeur dR, il apparaît que cette contribution du scalaire est supprimée par un facteur exponentiel em(R⊙−R). On voit donc que l’intérieur de l’objet

ne contribue quasiment pas, et que le potentiel n’est créé que par une très mince couche, située au niveau de la surface de la source. La force gravitationnelle est alors extrêmement proche de son équivalent en RG.

C’est ce phénomène de coquille mince qui permet au modèle de caméléon de satisfaire aux tests PPN dans le système solaire : on peut montrer [51,169,170] qu’il est possible de choisir les paramètres du modèle de telle sorte que le mouvement des planètes autour du Soleil et de la Lune autour de la Terre ne soit pas affecté par le champ scalaire, car seule une toute petite partie des objets massifs contribue à l’interaction gravitationnelle via ce scalaire. Notons toutefois [169, 170] que des tests de la gravité qui seraient menés dans l’espace à partir de petits objets ne bénéficieraient pas du mécanisme de coquille mince, les objets étant trop petits pour cela. Il est donc possible de détecter des écarts importants à la RG de cette façon.

Notons que mécanisme de caméléon a également été utilisé dans le cadre des théories f (R) [52,61, 152], qui comme nous l’avons vu plus haut, ont besoin d’un mécanisme qui supprime les modifications de la gravité à courtes distances.

Le caméléon est donc un mécanisme intéressant pour construire des modèles de gravité qui diffèrent fortement de la RG à grandes distances, tout en étant proche de la RG à courtes distances. Cependant, nous avons décrit à la PartieIIun autre mécanisme capable de mener à une phénoménologie comparable : le mécanisme de Vainshtein. Tournons-nous à présent vers des modèles qui se basent sur ce mécanisme pour satisfaire les contraintes locales de la gravité.

6.4 Mécanisme de Vainshtein, modèles de Galiléon et théo-