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Construire une solution de la théorie complète

Solutions à symétrie sphérique de la gravité massive

5.1 Construire une solution de la théorie complète

Nous avons mis en évidence au Chapitre4l’existence de solutions à symétrie sphérique de la gravité massive dans la LD. Nous voudrions maintenant étudier la possibilité de les utiliser pour construire une solution de la théorie complète, où toutes les non-linéarités sont prises en compte. Nous avons identifié au Chapitre4deux types de solutions : les solutions de type Q, et la solution de Vainshtein. Nous allons donc les considérer successivement et voir dans quelle mesure il est possible de les généraliser au cas où toutes les non-linéarités sont prises en compte.

5.1.1 Les solutions de types Q

Les solutions de type Q sont dominées à petites distances par un mode zéro wQdu terme

non-linéaire Q (cf. Section4.1.4). Afin de ne pas compliquer inutilement la discussion, nous allons nous concentrer sur les termes de masse de BD (2.42) et de AGS (2.43). Dans ces cas, nous avons vu à l’équation (4.28) que le mode zéro de Q qui domine à petites distances est donné par

wQ∼

1 ξ2.

À la Section2.5.1, nous avions évoqué la possibilité que toute solution de la LD reste une bonne approximation d’une solution du système non-linéaire, sur tout intervalle sur lequel les non-linéarités négligées dans la LD sont effectivement négligeables. Nous avions alors montré qu’à grandes distances, la LD était valide jusqu’à R ∼ m−1. Au-delà, nous savons

de toutes façons que la solution est très bien décrite par la solution de la gravité massive linéarisée. Nous voudrions à présent déterminer l’échelle à laquelle les non-linéarités d’ordre supérieur au terme cubique (2.100) d’auto-interaction du mode scalaire commencent à jouer un rôle. Prenons l’exemple de l’interaction (∂2φ)4 :

(∂2φ)4 (∂2φ)3 ∼ ∂ 2φ ∼ 1 R2φ ∼ µ ∼ a 2w(ξ) ∼ a2 ξ2, (5.1)

où nous avons utilisé la relation (4.20) entre φ et µ dans la limite de découplage, la définition (4.6) de la fonction w et le comportement asymptotique à petites distances w ∼ wQ ∼ 1/ξ2.

5.1. Construire une solution de la théorie complète 155

Nous voyons donc que le terme quartique doit être pris en compte pour des distances plus petites que ξ ∼ a, c’est-à-dire R ∼ Rsing = (R2Sm−3)1/5. C’est précisément le rayon (3.67)

que nous avions identifié à la section 3.4.2, autour duquel l’intégration numérique du sys- tème complet atteint une singularité. On peut procéder à des calculs similaires à celui de l’équation (5.1) pour les différents termes non-linéaires au-delà de la LD ; ce calcul est fait à la section 4.1.3 de l’article [30], et permet de vérifier que le rayon Rsing est le plus grand

rayon à partir duquel la LD n’est plus une bonne approximation de la théorie.

Il semble donc possible de construire une solution de la théorie complète sur l’intervalle [Rsing, +∞[ à partir d’une solution de type Q : sur l’intervalle [RV; +∞[, la solution est

proche de la solution linéarisée (3.61), et sur l’intervalle [Rsing, m−1], la solution est bien

approchée par la solution de la LD. Notons que sur l’intervalle [RV; m−1] commun à ces

deux régimes, la solution correspond à la fois au régime linéarisé de la théorie complète et à la solution dans la limite de découplage, c’est-à-dire que w ∼ 2/(3ξ3). D’un point de

vue numérique, il est simple d’intégrer le système d’équations (3.5), (3.6) et (3.9) à partir d’un point situé à une distance ξi ≫ 1 jusqu’au voisinage de ξf ≡ Rsing/RV = a ; on peut

alors vérifier que la solution ainsi trouvée est très proche de la solution correspondante dans la LD, validant ainsi notre raisonnement analytique. Remarquons également que lorsqu’on prend la limite a → 0, l’intervalle de validité de la LD tend continûment vers R+ : on retrouve ici le fait que la LD correspond à l’ordre le plus bas du développement des équations de la théorie complète en puissances de a.

Que se passe-t-il en-deça de Rsing? La LD n’est plus valide, et notamment w 6∼ 1/ξ2.

Le problème devient alors très compliqué analytiquement et impose de se tourner vers une approche numérique. Comme nous l’avions expliqué à la section 3.4.2, nous n’avons pas réussi à trouver numériquement de solution de type Q sans singularité autour de ξsing,

confirmant ainsi les résultats de Damour et al. [85]. Notons que dans le cas du terme de masse de BD, toutes les solutions de la LD sont de type Q ; cela signifie donc qu’il ne nous a pas été possible de trouver une solution pour ce potentiel2. C’est pourquoi il nous faut

maintenant nous tourner vers la seule solution de la LD qui ne soit pas de type Q : la solution de Vainshtein.

2

La présence des ces singularités systématiques, dont l’origine est clairement reliée aux non-linéarités de la théorie complète qui ne sont pas prises en compte dans la LD, ne constitue pas, bien sûr, une preuve définitive de la non-existence de solutions de type Q en gravité massive : la résolution numérique étant difficile, il est envisageable qu’un ajustement extrêmement fin des conditions aux bords permette de trouver une solution régulière.

5.1.2 La solution de Vainshtein

La solution de Vainshtein wV de la LD pour le terme de masse d’AGS (2.43) est telle

que wV(ξ) ∼ 2 3ξ3 + 4 3ξ8 + ... pour ξ ≫ 1 wV(ξ) ∼ r 8 9 ξ + B0 ξ −5 4+3 √ 5 4 + ... pour ξ ⊙.ξ ≪ 1 wV(ξ) ∼ A0+ 3A0ξ3 − 2 20A0ξ3 ξ2+ ... pour ξ . ξ (5.2)

où l’on a rappelé les premiers termes des développements (4.24), (4.26) et (4.30). Les fonctions u et v ont quant à elles le comportement asymptotique suivant :

uV(ξ) ∼ 2 3ξ − 2 3ξ6 + ... pour ξ ≫ 1 uV(ξ) ∼ 1 ξ − √ 2 3 ξ 3/2+ ... pour ξ ⊙.ξ ≪ 1 uV(ξ) ∼  −A20 + 1 ξ3 ⊙  ξ2+ ... pour ξ . ξ (5.3) et vV(ξ) ∼ − 4 3ξ − 1 9ξ6 + ... pour ξ ≫ 1 vV(ξ) ∼ −1 ξ + 2√2 9 ξ 3/2+ ... pour ξ ⊙ .ξ ≪ 1 vV(ξ) ∼ D0+ A0 4 + 1 2ξ3 ⊙  ξ2+ ... pour ξ . ξ (5.4)

On peut faire un calcul similaire à celui de l’équation (5.1) dans le cas de la solution de Vainshtein (∂2φ)4 (∂2φ)3 ∼ ∂ 2 φ ∼ R12φ ∼ µ ∼ a 2w V(ξ) ∼ a 2 √ ξ, (5.5)

qui permet de se rendre compte que le terme quartique ne devient important qu’à partir de ξ ∼ a4, c’est-à-dire R ∼ R

S. Il est possible de faire un calcul similaire pour les autres termes

qui ne sont pas pris en compte par la LD : on peut alors vérifier qu’aucun d’entre eux ne devient important avant R ∼ RS. La LD est donc valide jusqu’au rayon de Schwarzschild !

Remarquons que le calcul ci-dessous n’est valable qu’à l’extérieur de la source. À l’intérieur de la source, on obtient (∂2φ)4 (∂2φ)3 ∼ ∂ 2 φ ∼ R12φ ∼ µ ∼ a 2w V(ξ) ∼ a2, (5.6)

Le terme quartique (et c’est en fait le cas pour tous les autres termes non-linéaires autres que le terme cubique de la LD) est toujours sous-dominant, car nous avons supposé que a ≪ 1.

5.2. Preuve de l’existence d’une solution à symétrie sphérique de la gravité massive 157

Dans le cas d’un trou noir, ou d’une source compacte telle que R∼ RS, nous voyons

que la LD cesse d’être valable au voisinage du rayon de Schwarzschild. Pour des distances plus petites, d’autres non-linéarités commencent à jouer un rôle (et en premier lieu celles de la RG), et il n’est pas possible de prédire par de simples considérations analytiques le comportement de la solution dans ces régimes de champ fort. L’intégration numérique des équations du mouvement semblent indiquer la présence d’une singularité au voisinage du rayon de Schwarzschild ; cependant, nous n’avons pas mené d’étude numérique suffisam- ment détaillée dans le cas d’objets compacts3 pour pouvoir conclure d’une façon ferme, et

nous laissons donc cette question ouverte pour l’instant.

En revanche, dans le cas d’une source étendue, c’est-à-dire telle que R ≫ RS (en

pratique, il faut R & 5RS), la solution de Vainshtein à l’intérieur de la source garantit

que la LD est une bonne approximation de la théorie complète jusqu’au centre de la source. Or nous savons, grâce à l’étude de la LD que nous avons présentée au Chapitre 4, que la solution de Vainshtein dans la LD existe jusqu’à l’origine. Nous avons donc toutes les raisons d’espérer qu’une solution de la théorie complète existe. Cette solution serait très proche de la solution de Vainshtein dans la LD entre R = 0 et R ∼ m−1, puis adopterait

le comportement exponentiellement décroissant de la solution linéaire (3.61). Bien sûr, il ne s’agit pour l’instant que d’une conjecture, dont nous allons maintenant présenter la confirmation numérique.

5.2 Preuve de l’existence d’une solution à symétrie sphérique