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a.1. En absence de sonde :

Les IUAS en l’absence de sonde ont le même mode de survenue que les infections urinaires (IU) communautaires. En effet, ces dernières sont de mécanisme « ascendant », à partir de la flore urétrale, pouvant envahir la vessie, le rein et la prostate chez l’homme ; excepté les rares pyélonéphrites d’origine hématogène (40).

Or, l’arbre urinaire n’est pas sans défenses contre les IU.

Ainsi, l’urètre lui-même fait obstacle à l’inoculation intra-vésicale (41) de par sa longueur, protégeant ainsi l’homme plus que la femme. La croissance des germes de l’urètre dans le milieu vésical est rendue difficile grâce aux caractéristiques physicochimiques de l’urine normale : osmolarité, Potentiel Hydrogène (pH), teneur en acide organique (42).

En cas de colonisation bactérienne, 3 facteurs concourent à éviter l’invasion de la muqueuse vésicale (40) :

 la présence d’inhibiteurs de l’adhésion bactérienne à la surface de l’urothélium tels que : la protéine de Tamm-Horsfall [glycoprotéine appartenant à la famille des protéines ancrées à la membrane par un groupement glycosyl-phosphatidyl-inositol, elle est présente chez l'homme dans la branche large ascendante de l'anse de Henlé et la partie proximale du tube contourné distal (43)], les mucopolysaccharides ;

 l’existence d’un effet bactéricide local de mécanisme inconnu, mais indépendant de la réponse inflammatoire (polynucléaires, cytokines) et de la réponse immunitaire (humorale et cellulaire) (42, 44).

 un processus d’exfoliation des cellules urothéliales infectées (41).

Quant aux reins, ils sont protégés par le mécanisme anti-reflux de la jonction urétéro-vésicale, tandis qu’un effet antibactérien des sécrétions prostatiques a été démontré (42).

Il en ressort donc que, la survenue d’une IU implique (40):

 soit une absence des défenses de l’hôte, qui correspond aux IU « compliquées », c’est-à-dire favorisées par une anomalie fonctionnelle ou organique de l’arbre urinaire ou un terrain particulier ;

 soit le développement dans la flore urétrale d’une bactérie particulièrement virulente dite « uropathogène », correspondant aux IU « non compliquées », c’est-à-dire survenant sur un appareil urinaire sain (dans ce cas la virulence du germe joue un rôle primordial).

 Ce facteur d’uropathogénicité est surtout lié à l’adhésion bactérienne au niveau de l’arbre urinaire.

 En effet, l’adhésion des bactéries aux cellules uroépithéliales apporte deux avantages sélectifs pour le développement de l’infection urinaire : elle permet aux bactéries, d’une part de résister au flux urinaire, et d’autre part d’assurer un contact étroit avec les nutriments présents à la surface cellulaire. C’est ainsi que la migration d’Escherichia coli (E.coli) le long des voies urinaires en dépit du flux urinaire requiert l’attachement de structures spécifiques sur des récepteurs à la surface des cellules épithéliales. Cette interaction moléculaire doit être supérieure aux forces de répulsion électrostatique liées aux charges négatives des surfaces cellulaires et bactériennes (45).  Chez E. coli seule une minorité des souches de la flore digestive est douée d’uropathogénicité par production d’une ou de plusieurs adhésines (ou fimbriae ou

pili). Le type 1 permet la colonisation urinaire basse et le type P, plus rare, l’induction de pyélonéphrite par modification du péristaltisme urétéral (40, 46).

 NB : les Pili P sont spécifiques au tractus urinaire. On les appelle « Pili P » car le récepteur est une molécule complexe, contenant du galactose, que l’on retrouve aussi au niveau de l’antigène de groupe sanguin P (47).

a.2. En présence de la sonde :

Quel est le rôle de la sonde dans la genèse de l'infection ? Elle perturbe le cycle du fonctionnement normal de la vessie : celle-ci se remplit jusqu'à atteindre un volume critique qui déclenche la vidange, l'urètre collabé s'ouvre alors pour permettre le passage de l'urine. A la fin de la miction, la vessie est vide et le collapsus vésical a en lui-même un effet protecteur contre l'infection. La présence de la sonde perturbe ce cycle normal en le remplaçant par un flux d'urine continu. Ni la vessie ni l'urètre ne peuvent se collaber du fait de la présence du ballonnet de la sonde dans la vessie et de la sonde elle-même dans l'urètre. Celle-ci, par la pression qu'elle exerce sur la paroi urétrale est responsable de troubles de la vascularisation

à l'origine de microtraumatismes muqueux urétraux. Au niveau vésical, le ballonnet génère des petites ulcérations de la muqueuse qui altèrent le film protecteur et sont autant de portes d'entrées pour les germes.

Quatre mécanismes sont possibles [37] :

Acquisition lors de la mise de la sonde [37-39] : avec de mauvaises conditions d’hygiène de mise de la sonde urinaire.

 Acquisition par voie endoluminale [37-39]: en cas de violation du système clos (par le malade ou par le personnel soignant). Les germes sont alors inoculés au niveau de la jonction sonde-sac collecteur ou au niveau de l'opercule de vidange du sac s'il n'est pas muni d'une valve anti retour et remontent le long du système de drainage jusqu'à la vessie. Des expérimentations animales ont montré qu'après inoculation de germes à la partie déclive du sac collecteur, on les retrouvait 32 à 48 heures plus tard à

la partie moyenne de la sonde (prélèvement par ponction directe). En pratique clinique, la propagation des germes à partir de la partie déclive du sac est plus lente, entre 4 et 8 jour. Les germes inoculés sont généralement d'origine exogène (germes de l'environnement). D'où l'importance du maintien de l'étanchéité du système de drainage, des mesures d'asepsie lors des manipulations et de l'existence d'une valve anti-retour. Cette voie de contamination était la plus fréquente autrefois avec le système ouvert.

 Acquisition par voie exoluminale ou per urétrale [37] : depuis le système clos cette voie est la plus fréquente à condition que celui-ci ne soit pas rompu.

La bactériurie est alors d'origine endogène à partir de la flore urétrale du patient : les bactéries qui colonisent le périnée migrent vers l’urètre et la vessie par capillarité dans le fin film muqueux contigu à la surface externe de la sonde. La colonisation de l'urètre représente donc un facteur de risque important dans l'apparition d'une bactériurie : le risque est multiplié par trois lorsqu'on retrouve des germes au niveau de l'urètre. En l'absence de sondage vésical, il a déjà été montré que la colonisation microbienne de l'urètre était un facteur favorisant, quoique non indispensable à l'apparition d'une bactériurie. On sait également que de petits traumatismes de l'urètre représentent un autre facteur favorisant l'apparition d'une bactériurie. On peut donc concevoir que la mise en place d'une SU induisant un traumatisme urétral même mineur, constitue une porte d'entrée à l'infection vésicale. Mais l'isolement de germes dans l'urètre ne permet pas de prédire quelle espèce sera responsable de la bactériurie car, dans 30% des cas seulement le même germe est isolé dans l'urètre et dans la vessie. Enfin l’IU sur sonde voit coexister deux types de populations bactériennes: d'une part celle développée au sein de l'urine elle-même (développement "plancton") et d'autre part celle développée sur la surface de la sonde (développement sur biofilm). Le développement de ce biofilm sur les SU voit se succéder une série d'évènements

d'une nappe enrobant le cathéter et constituée d'un mélange de matrices extracellulaires bactériennes et de protéines, telle la protéine de Tamm-Horsfall. Des germes sont inclus dans cette matrice. Ce biofilm va faciliter l'incrustation de la sonde pouvant même conduire dans certains cas à des obstructions. Certains types de bactéries, notamment les Proteus et le Pseudomonas, sont très régulièrement associés à ces biofilms. En règle le biofilm vu sur la surface interne du cathéter est plus épais que celui vu sur la surface externe, et les microbes inclus dans ce biofilm sont plus nombreux. L'existence de ce biofilm a des conséquences très directes en clinique.

 Tout d'abord il faut essayer de développer des matériaux qui limitent et retardent, voire empêchent l'adhérence bactérienne.

 Deuxièmement, l'examen bactériologique des urines obtenues à partir des cathéters présentant un biofilm ne reflète pas obligatoirement l'état infectieux réel urinaire. Il peut même s'agir d'urines stériles avec des organismes encore inclus dans le biofilm péri-cathéter contaminant les urines prélevées.

 Troisièmement il est démontré que ces biofilms empêchent ou retardent l'activité des ATB. Enfin, certains patients traités par ATB pour une IU sur sonde comportant un biofilm peuvent voir le traitement échouer du fait dela présence de ce biofilm. Il faut donc savoir changer la sonde avant d'initier un traitement dans ces cas-là. +++

 Acquisition par voie lymphatique ou hématogène :

Dans des études prospectives de suivi quotidien de la flore, il a été constaté que certaines bactériuries sur sonde surviennent en l’absence de toute colonisation préalable de l’urètre et du sac collecteur, malgré un parfait respect du système clos, et après de nombreux jours de sondage (ce qui innocente la procédure de mise en place) ; de ce fait, il a été formulé l’hypothèse d’infections d’origine hématogène ou lymphatique à partir d’une source endogène à distance. Cependant, l’importance de ce mode d’acquisition reste inconnue [37-49-50].

L’incidence journalière d’acquisition de l’IU sur sonde a beaucoup diminué avec le système clos variant selon les situations entre 3 et 10% par jour de sondage, avec un risque cumulé de 100% après 30 jours de sondage.

Sac collecteur

Figure 9 : Schéma d’une sonde vésicale avec les portes d’entrées possibles des micro-organismes (51).

1 : Méat urinaire ; 2 : jonction sonde-sac collecteur ; 3 : réglage du débit urinaire ; 4 : robinet de vidange.

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