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il met en lumière la puissante ardeur du coeur comme une tendance distincte de l’âme qui entretient une relation avec la raison ( République 390d) À preuve le célèbre vers d’Homère :

Dans le document La douceur (Page 43-45)

Et s

étant frappé la poitrine, il réprimanda son coeur en lui parlant (Odyssée XX. 17).

C’est Ulysse

qui s’esclaffe :

Patience, mon coeur

! Platon constate qu’Homère représente chez Ulysse une

chose différente qui s’adresse à une chose différente :

l

élément qui a raisonné sur ce qui est meilleur et ce qui est pire, accablant celui qui se met en colère (dvy opevtù) sans raisonner (République 44ibc)23.

La fougue du coeur désire certes la vengeance, mais s’apaise par le souffle de la

raison. Or, à la dualité traditionnelle de l’âme rationnelle et irrationnelle, Platon structure

l’âme en ses différentes tendances dans une bipartition où la raison poursuit le bien, où le

coeur (

thumos

) poursuit la victoire et l’honneur, enfin où le désir (

épithumia

) poursuit les biens

matériels (

République436a-44ic)24.

On retrouve donc alliés la raison et le coeur qui luttent

ensemble contre les désirs ; où l’ardeur naturelle du

thumos

intervient en bien et proteste

contre l’assouvissement des désirs de l’humain. Et cette union intime entre le

thumos

et la

raison est remarquable chez Platon. Le

thumos

se trouve donc parfois en guerre contre les

désirs, mais jamais est-il en guerre contre la raison

(440a).

Ne remarquons-nous pas de même en mainte occasion, dis-je, que, lorsqu 'un homme est entraîné par ses passions (énidvp (ai) malgré la raison (Aoyiopôv), il se gourmande lui-même, se met en colère (dvpovpevov) contre cette partie de lui-même qui lui fait violence (fhaÇopevù)) et que, dans cette sorte de duel, la colère (Ôvpôv) se range dans un tel homme du côté de la

23 La République, trad. Pierre Pachet, Éditions Gallimard, 1993,

24 II est aisé de constater que la colère est distincte de la raison et du désir : «Il n’est pas difficile de s’en assurer, dit-il ; car c’est une chose qu’on peut voir même dans les petits enfants : dès leur naissance ils sont pleins de colère (Oupoû), tandis que la raison me semble refusée à jamais à quelques-uns et qu’elle se fait attendre chez le plus grand nombre» (Répuplique 441ab).

raison (Aôyqj) ? Mais que la colère s ’associent aux passions, quand la raison (Aôyov) décide qu 'il ne faut pas le faire, lui oppose de la résistance, je ne pense pas que tu puisses dire avoir

observé pareille chose ni chez toi, ni chez quelque autre (440ab).

L’humain ne ressent pas de colère (ôupdç) envers une juste représaille de l’offense, seulement

contre une injustice

(440cd).

En fait, la colère (BupoEiôsç) soutient naturellement la raison,

quand elle n’a pas été gâtée par une mauvaise éducation

(44la).

Avec une bonne éducation,

l’ardeur naturelle du

thumos,

sous l’emprise de la raison, est une force vitale de l’âme au

service du bien contre le mal qui assaille l’humain. Au contraire, gâté par une mauvaise

éducation, l’humain sucombe aux désirs de l’âme, esclave de

VEros Tyrannos,

esclave de lui-

même

(577b-580a)25.

Platon décrit une image magnifique du conflit intérieur de l’âme dans le

mythe de l’attelage et du cocher (.

Phèdre 246 a-254e)

: une bagarre brûlante et violente, cruelle,

sanglante et sans pitié26. Dans cette image de l’âme, le cocher représente la raison et assiste

au duel de ses deux chevaux, le

thumos

et

Yépithumia,

lesquels incarnent respectivement le

bien et le mal. Cette lutte détermine dans toute sa violence la maîtrise de soi (

enkrateia

) et

l’absence de maîtrise de soi en l’âme (<

akrasia

), la justice et l’injustice en l’âme, l’harmonie

et la désharmonie en l’âme. Une lutte où le coeur

{thumos)

est la force du cocher et la

puissance décisive qui permet de rendre esclave les désirs de l’âme. La justice en l’âme

existe donc par une première espèce de maîtrise de soi de la raison sur le

thumos

, ensuite par

le

thumos

associé à la raison contre

Yépithumia.

L’humain juste aspire à ce que chacun des

éléments de son âme s’occupe de ce qui lui est propre, à ce qu’il y ait un ordre véritable où

les trois parties sont en harmonie, où il

se dirige et s ’ordonne lui-même, qu ’il devient ami de lui-

25 Dans les premiers jours, le tyran homme d5État n’a que sourires et saluts, «affecte la bienveillance et la douceur (ïAeéç rénal trpâoç) envers tout le monde», mais quand il en a fini avec ses ennemis du dehors, il ne cesse de susciter des guerres, pour que le peuple ait besoin d’un chef {République 566e). Chez l’homme timocrate, le thumos domine : «Un homme de cette sorte est dur (Kypioç) pour les esclaves, au heu de les mépriser (xocToctppovQv) comme fait celui qui a reçu une éducation parfaite ; il est doux (rjpepoç) envers les hommes libres et fort soumis aux magistrats ; il aime le pouvoir et les honneurs ;...» {République 549a). Et l’homme oligarchique fait violence à ses mauvais désirs, mais «ce n’est pas qu’il les persuade qu’il est mieux de ne pas les suivre, ou qu’il les adoucisse en les raisonnant (rjpepôv Àôya) ; c’est qu’il obéit à la contrainte et à la peur, parce qu’il tremble pour le reste de sa fortune» {République 554d). Or, il faut excuser

(ovyyiyvâoxsiç) et ne pas être dur (xocAéiraive) envers les hommes d’état qui sont soumit à un mauvais régime et qui se laissent tromper par la multitude à croire en leur propre grandeur {République 426d). Le législateur ne doit-il pas, par quelques mots de persuasions (TcpoaaTtrouTa), apprivoiser (rjpspovv) les âmes {Lettres 885a) ?

26 L’intensité de cette violence, «la plus forte évocation qu’il y ait en grec des luttes intérieures», est remarquablement représentée par Jacqueline de Romilly dans “Patience, mon coeur ! ", Paris, Société d’Édition «Les Belles Lettres», 1991 (p. 200 à 206).

même (République 443de)27.

Une âme qui est en parfaite harmonie n’a donc pas d’opposition en

Dans le document La douceur (Page 43-45)

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