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est une vertu Car si le coeur s’exhalte plus contre les intimes et les amis (lorsqu’on s’estime négligé par eux), la vertu de douceur s’accomplira plus envers les proches qui font du mal

Dans le document La douceur (Page 68-70)

qu’envers les inconnus :

On se fâche plutôt contre des amis (tpiAoig que contre des indifférents; car on pense qu ’il y a plutôt lieu d ’en recevoir du bien (npoorjxei v) que de n ’en pas recevoir18.

Mais

qu’en est-il de la douceur dans l’amitié la plus excellente ?

La parfaite amitié est celle des

16 Par nature, l’humain recherche l’humain, car les semblables se «plaisent mutuellement (cpûoiv âXXfjÂoiç)» (Rhétorique I.XI. 1371b). C’est de cet attrait pour le semblable que proviennent d’ailleurs ces proverbes : “On recherche toujours son semblable” et “La bête connaît la bête”, affirme Aristote.

17 Et de même c’est par nature (tpuaei) que les parents et leurs enfants ressentent une amitié réciproque. L’amitié constitue le lien des cités, parce qu’elle entretient la concorde et rend inutile la justice (Éthique à NicomaqueVHI.l.1155a 7). L’amitié (qnXiaç) est d’ailleurs indispensable à l’existence : «elle est ce qu’il y a de plus nécessaire pour vivre. Car sans amis personne ne choisirait de vivre» (Éthique à NicomaqueVm.l.ll55a 4).

Et c’est à l’égard des amis que les bienfaits (svEpyeaîaç) se manifestent principalement pour être la plus digne d’éloge (Éthique à Nicomaque VULl. 1155a 7). L’amour même est un excès d’amitié (Éthique à Nicomaque VHL7.1158aetDC10.H71a).

18 II en est de même si leurs idées sont contraires : «Contre les amis (tpîXoïç), si leurs discours ou leurs procédés ne nous sont pas favorables, et encore davantage si les uns et les autres nous sont contraires ; - s’ils n’ont pas le sentiment de ce que nous attendons d’eux» (Rhétorique n.n.i379b).

hommes vertueux et qui sont semblables en vertu : car ces amis-là se souhaitent pareillement du bien les uns aux autres en tant qu ‘ils sont bons, et ils sont bons par eux-mêmes (Éthique à Nicomaque

yil.4.u56b

7).

C’est pourquoi dans la forme d’amitié la plus parfaite,

l

ami est un autre soi-même (çi'Xoç âXXoç avrâç)19.

Un autre soi qui permet de

se percevoir soi-même et se connaître soi-même

(Éthique à Eudème VIIi2.i245a 35-36).

D’autant qu’à F origine de la véritable amitié, il y a l’amour

de soi

(<pîÀauTov),

qui est l’amour du bien en soi

(Éthique à Nicomaque IX.8.ii69b)20.

Or, puisque

dans la parfaite amitié, chacun des amis est pour l’autre un

autre soi-même

, qu’ils s’aiment

eux-même et que chacun aime l’autre, chacun est bon et ne fait aucun mal à l’autre

(aimant ce qu’il est et ce qu’il aime dans sa particularité),

il n’y a pas de source de colère et donc pas de

moment opportun de mettre en acte leur vertu particulière de douceur l’un à l’égard de

l’autre. Existe-t-il alors une autre figure de la

praotès

chez Aristote ? Une douceur de l’âme

très près du calme, qui ne perçoit aucun motifs qui fasse naître la colère en l’âme ? Aristote

illustre admirablement ces deux figures de la douceur dans l’art de persuader.

19 «C'est ici que survient pour Aristote le miracle de l'amitié — ce partage qui est sans partage, cette cession de l'incessible, cette mise en commun de ce qui est absolument propre. Nous pouvons nous réjouir de l'être de l'ami comme du nôtre propre, nous réjouir qu'il soit simplement». De fait, «je ne choisis pas l'ami, je me choisis en lui, je n'y décide pas de lui, mais de ce que je suis», - Jean-Louis Chrétien, La voix nue.

Phénoménologie de la promesse, «Le regard de l'amitié», Paris, Les Éditions de Minuit, 1990 (p. 217 et 210).

20 Ce qu’il y a dans la relation à l’autre se rencontre également dans la relation de l’humain avec lui- même. «En effet, les opinions sont chez lui en complet accord entre elles, et il aspire aux mêmes choses avec son âme tout entière. Il se souhaite augsi à lui-même ce qui est bon en réalité et lui semble tel, et il le fait (car c’est le propre de l’homme bon de travailler activement pour le bien), et tout cela en vue de lui-même (car il agit en vue de la partie inteilective qui est en lui et qui paraît constituer l’intime réalité de chacun de nous). H souhaite encore que lui-même vive et soit conservé, et spécialement cette partie par laquelle il pense. L’existence est, en effet, un bien pour l’homme vertueux, et chaque homme souhaite à soi-même ce qui est bon : et nul ne choisirait de posséder le monde entier en devenant d’abord quelqu’un d’autre que ce qu’il est devenu (car Dieu possède déjà tout le bien existant), mais seulement en restant ce qu’il est, quel qu’il soit. Or il apparaîtra que l’intellect constitue l’être même de chaque homme, ou du moins sa partie principale. En outre, l’homme vertueux souhaite de passer sa vie avec lui-même : il est tout aise de le faire, car les souvenirs que lui laissent ses actions passées ont pour lui du charme, et en ce qui concerne les actes à venir, ses espérances sont celles d’un homme de bien et en cette qualité lui sont également agréables. Sa pensée enfin abonde en sujets de contemplation. Et avec cela, il sympathise par-dessus tout avec ses propres joies et ses propres peines, car toujours les mêmes choses sont pour lui pénibles ou agréables, et non telle chose à tel moment et telle autre à tel autre, car on peut dire qu’il ne regrette jamais rien. Dès lors, du fait que chacun de ces caractères appartient à l’homme de bien dans sa relation avec lui-même, et qu’il est avec son ami dans une relation semblable à celle qu’il entretient avec lui-même (car l’ami est un autre soi-même), il en résulte que l’amitié semble consister elle aussi en l’un ou l’autre de ces caractères, et que ceux qui les possèdent sont liés d’amitié» (Éthique à Nicomaque Dt.4.ll66a 12-32). « - Quant à la question de savoir s’il peut ou non y avoir amitié entre Un homme et lui-même, nous pouvons la laisser de côté pour le moment ; on admettra cependant qu’il peut y avoir amitié en tant que chacun de nous est un être composé de deux parties ou davantage, à en juger d’après les caractères mentionnés plus haut, et aussi parce que l’excès dans l’amitié ressemble à celle qu’on se porte à soi-même» (Éthique à Nicomaque

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