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Lucien, Lucienne

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La permission se termine et nous devons reprendre le travail, pour moi au Khalifa, pour ma femme, infirmière D.E. de la Croix Rouge (elle y tient) dans une clinique privée. Elle y rencontre une infirmière venue de Métropole, Lucienne, dont le mari, Lucien (cela ne s’invente pas) est policier à Mostaganem.

Un soir, ma femme et moi sortons dans Mostaganem pour aller au cinéma. La nuit est tombée et nous avançons dans le noir, quand soudain une voiture arrive derrière nous et s’arrête. C’est le car de police, le panier à salade, un TUB Citroën. Le chauffeur nous donne l’ordre de monter à bord. C’est Lucien. Il nous dit qu’il est imprudent de sortir le soir… Puis nous demande notre destination. Nous lui indiquons tel cinéma… Alors, on y va en panier à salade. Arrivés au ciné, une foule fait une queue impressionnante sur le trottoir. Nous descendons et nous constatons que le film est remplacé par un concert d’Amàlia Rodrigues… Une véritable idole ici ! Nous remontons dans le TUB et le car de police nous mène successivement devant tous les lieux d’amusement de Mosta by night, mais sans succès et c’est sous bonne escorte que nous rejoignons notre domicile.

Si je vous parle de Lucien et Lucienne, c’est qu’ils nous font découvrir un aspect de l’Algérie qui échappe à beaucoup de Français appelés sous les drapeaux. C’est ainsi que nous visitons Tige-Didt, la ville arabe de Mostaganem, de l’autre côté du ravin de l’Aïn Séfra, dominée par le Fort de l’Est. Les touristes que nous sommes photographient les boutiques typiquement algériennes.

C’est pittoresque à souhait, très coloré. Des enfants jouent dans les rues. Un vieil homme fait ses ablutions sur le trottoir à l’aide d’une boîte de conserve en guise de lavabo… La ville ancienne est bordée d’immeubles « modernes » qui préfigurent les barres de nos banlieues…

Mais, au pied de ces tours, il y a un misérable bidonville. Comment peut-on vivre sous ces tôles ondulées ? Lucien nous explique que la nuit, certains policiers « spécialisés » visitent Tige-Didt en passant d’une maison à l’autre par les toits, qui sont tous en terrasse ici, il faut le préciser.

Ces policiers recherchent des renseignements, mais nous n’en saurons pas davantage sur ces incursions. Nous ne constatons aucune hostilité lors de notre visite dans Tige-Didt, mais nous restons prudents. S’il fallait résumer notre impression, je parlerais de grande pauvreté.

Il faut absolument aller au souk d’Aboukir. C’est à une quinzaine de kilomètres de Mostaganem.

J’ai déjà vu la sortie du souk d’Ammi-Moussa et son impressionnante marée humaine, mais je n’y étais pas resté longtemps, le port de la combinaison de vol ou de l’uniforme n’y étant pas très couleur locale… C’est donc en civil que nous allons à Aboukir avec nos amis. Le souk ici n’a rien à voir avec les souks couverts de Marrakech qui font les délices des touristes. Il s’agit d’un marché à ciel ouvert, plus proche de nos foires de province, mais avec une couleur locale très accentuée. Celui d’Aboukir est près d’une colline surmontée de quelques marabouts blancs.

Il est entouré de murs. A l’intérieur de l’enclos il y a tous les commerces indispensables.

Nous sommes étonnés et, il faut bien le reconnaître, parfois choqués par le traitement réservé aux animaux. Les bovins manipulés sans douceur pour monter dans les bétaillères. Les moutons tirés par une patte. L’abattoir en plein air selon le rite musulman : égorgement, étripage, dépeçage…

Je photographie ces scènes et cela amuse fort les bouchers, mais j’avoue me sentir étranger.

L’hygiène des présentoirs de viande m’étonne aussi fortement : des trépieds en bois sous lesquels sont suspendues les carcasses, pour le plus grand plaisir des insectes ! Nous circulons sans aucun problème dans le souk, mais nous ressentons le fossé qui sépare nos modes de vie.

Tige Didt et le ravin de l’Aïn Séfra.

Tige Didt, le Fort de l’Est.

Dans les rues de Tige Didt.

Tige Didt,

vu du Fort de l’Est.

Urbanisme à Tige Didt.

Aboukir, les marabouts.

Lucien et Lucienne nous font aussi découvrir le site de Kristel dans la baie d’Oran, en face de Mers-El-Kébir.

Grandiose.

Dimanche 6 décembre 1959. Lucien et Lucienne amènent ma femme au Khalifa. J’ai repris les vols le 25 novembre et aujourd’hui je suis d’alerte, mais c’est surtout la Sainte Barbe, patronne des artilleurs (et nous en sommes) et il y a un repas amélioré avec possibilité d’inviter la famille et les amis.

Aboukir,

le marché aux bestiaux.

Au souk d’Aboukir.

Aboukir. La « chaîne alimentaire »...

Nous sommes le dimanche 6 décembre 1959, presqu'en hiver et nous fêtons la Sainte Barbe. Nos invités arrivent à l’aérodrome et nous nous réunissons dans la plus grande salle, le réfectoire des hommes de troupe. Quelques pilotes attirent au bar un adjudant du service des effectifs, de la 5e DB, à Mostaganem. Ce brave homme déteste le personnel navigant pour une raison très simple : nous touchons la solde à l’air, une prime qui met du beurre dans nos épinards, mais à laquelle il n’a pas droit et ses « services » s’en ressentent. Il fait bonne figure au milieu de ses ennemis, mais il est tombé dans un traquenard : il est invité à faire une partie de zanzi chinois.

La version de ce jeu, en service au peloton ALAT est la suivante : chaque joueur commande un alcool. Les verres sont alignés sur le comptoir et un verre d’eau sépare chaque commande, ce qui fait qu’il peut y avoir, dans l’ordre un pastis, une eau, une vodka, une eau, un cognac, une eau, un whisky, une eau, une liqueur, etc. Chaque joueur lance un dé. S’il fait un as, il boit le premier verre puis il rejoue, sinon, il passe le dé à son voisin. Imaginez un innocent au milieu d’une bande d’escrocs, quasiment obligé, s’il ne veut pas perdre son honneur de soldat, de boire plusieurs alcools à la suite, puis de passer à table entre deux ou trois soigneurs qui vont tout faire pour lui éviter le dessèchement… Ce jeu crétin se termine par une glissade sous la table puis une évacuation sanitaire de toute urgence vers l’infirmerie de la 5e DB ! Curieusement, nos rapports avec son service vont s’améliorer du jour au lendemain !

Retour au repas « amélioré » de la Sainte Barbe. Notre adjudant invité n’est pas le seul à porter des toasts à notre sainte patronne (ou à tout autre prétexte). L’alcool est servi sans modération. L’adjudant-chef Salaün (prononcez Salin, comme en Bretagne), un de nos mécaniciens, se lève à la fin du repas et sans que personne ne lui ait rien demandé, il annonce : « A la demande générale, je vais vous interpréter Le Jardin à ma Tante »… Et de sa belle voix de basse, comparable à celle de Michel Bouquet (comparer ne veut pas forcément dire égaler), il entonne sa chanson paillarde. Heureusement, il n’y a pas d’enfants

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