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4.6 Signatures expérimentales de la transition BKT

4.6.4 Longueur de cohérence

Une signature caractéristique de la transition BKT est le changement de comportement de la fonction de corrélation du premier ordre :

g1(r, r + δr) = D

ˆ

Ψ(r) ˆΨ(r + δr)E , (4.32) qui décroît exponentiellement dans la phase normale dégénérée (voir l’équation (4.17)) et algébriquement dans la phase superfluide (voir l’équation (4.19)). Dans la phase normale non dégénéréé, la fonction de corrélation a une décroissance gaussienne [Hadzibabic 09]. Le comportement de g1 est résumé et illustré sur la figure 4.3.

La longueur de cohérence est définie comme la longueur caractéristique sur laquelle décroît la fonction de corrélation du premier ordre g1. Pour le gaz homogène, on peut

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parler de la longueur de cohérence de cette façon car g1(r, r + δr) = g1(δr) ne dépend que

de la distance δr, par homogénéité spatiale. Dans un piège harmonique, il faut définir une longueur de cohérence globale [Cohen-Tannoudji 01] qui est la longueur de décroissance de la fonction de cohérence globale, que l’on obtient en intégrant la fonction g1 :

G(δr) =

g1(r, r + δr)dr . (4.33)

Avec cette définition généralisée, on retrouve bien la définition de la longueur de cohérence dans le cas homogène.

Mesure dans l’espace réel : Il est possible de mesurer directement la fonction de cor- rélation, par exemple par spectroscopie de Bragg [Stenger 99, Richard 03] ou en faisant interférer deux copies du nuage, décalées d’une distance δr [Cladé 09].

Dans le domaine des gaz 2D, la mesure directe de la longueur de corrélation a été réalisée par interférence de deux condensats dans le groupe de W.D. Phillips [Cladé 09]. Les auteurs ont observé que dans la phase normale, la fonction de corrélation s’élargit, mais décroît vers 0 sur la taille du nuage. Dans la phase superfluide, g1 est non nulle sur

les bords du nuage. Dans un piège harmonique, les effets de taille finie jouent un rôle sur la cohérence. En effet, si la fonction de corrélation décroît rapidement, elle sera nulle sur les bords du piège. Mais dans la phase superfluide où la fonction de corrélation décroît algébriquement, donc lentement, elle ne sera pas nulle aux bords du piège, ce qui entraîne une cohérence à l’échelle du nuage piégé et l’apparition d’une fraction condensée. De ce point de vue, le gaz subit une condensation de Bose-Einstein induite par la transition BKT [Hadzibabic 09]. La longueur de cohérence dépasse alors la taille du piège.

Mesure de la transformée de Fourier : La fonction de cohérence globale G(δr) est la transformée de Fourier de la distribution d’impulsion du gaz, grandeur que l’on sait mesurer par temps de vol. En effet :

G(δr) = ∫ dr D r| ˆΨ E D ˆ Ψ|r + δr E , (4.34) = ∫ drdkdk0hr|ki D k| ˆΨ E D ˆ Ψ|k0E k0|r + δr , (4.35) = ∫ dke−ik.δr D k| ˆΨ E D ˆ Ψ|k E , (4.36) = TF [n(k)] . (4.37)

Quelques mesures de distribution d’impulsion ont été rapportées dans des gaz 2D autour de la transition BKT. Dans [Tung 10], les auteurs ont mesuré la distribution d’impulsion par une méthode de refocalisation du nuage et ont observé qu’au passage de la transition (pour D = Dc, voir équation (4.30)), la distribution devient très piquée, synonyme d’une

grande longueur de cohérence. Des mesures de temps de vol ont été rapportées dans [Krüger 07, Cladé 09]. Les mesures relient l’augmentation de la cohérence à la transition BKT.

Il faut noter que la cohérence n’est pas une observable directement reliée à la transi- tion elle-même. Comme on peut le voir sur la figure 4.3, même dans la phase normale,

la longueur de cohérence augmente, exponentiellement avec la densité dans l’espace des phases. Des simulations [Bisset 09] ont montré que les effets de taille finie (présence du piège) induisent l’apparition de cohérence avant la transition elle-même. On ne s’attend donc pas à voir un saut brutal de la cohérence. Néanmoins, la cohérence reste liée à la forme de la fonction de corrélation et son comportement doit changer à la transition. C’est une observable importante à considérer. D’autre part, même si c’est une observable faci- lement accessible expérimentalement, il n’y avait pas d’étude expérimentale détaillée du comportement de la distribution d’impulsion pour des gaz 2D autour de la transition BKT avant ce travail de thèse.

Sur ce point, nous pouvons commenter les mesures de distribution d’impulsion réalisées par temps de vol. La mesure réalisée dans [Krüger 07] correspond à un temps de vol de tTOF assez court, tel que (ωxtTOF)2 ∼ 1.7, où ωx est la fréquence d’oscillation du piège

final. La condition (ωxtTOF)2  1 n’est pas vérifiée et on s’attend à ce que le profil après

expansion ne représente pas bien la distribution d’impulsion du gaz. Dans [Cladé 09], tTOF)2 ∼ 1.6 et la même conclusion peut être tirée. Dans [Tung 10], la distribution

est obtenue par une technique de refocalisation. La mesure est bien représentative de la distribution d’impulsion. Mais les auteurs n’ont présenté qu’une étude qualitative de la forme de la distribution au voisinage de la transition, en particulier dans la phase normale dégénérée.

Conclusion

La présentation des propriétés principales de la transition BKT dans les gaz de Bose 2D nous a permis d’introduire les spécificités de cette transition vers l’état superfluide. Nous avons en particulier insisté sur le comportement des propriétés de cohérence, qui sont modifiées à la transition BKT. La cohérence du système n’est pas un marqueur rigoureux de la transition, comme peut l’être l’apparition d’une fraction superfluide. Cependant, c’est une grandeur caractéristique importante dont le comportement est intimement lié à l’état superfluide ou normal du gaz et qui peut être obtenue expérimentalement par mesure de temps de vol.

C H A P I T R E 5

Caractérisation de la cohérence

autour de la transition BKT

Ce sont des faits. Et les faits sont la chose la plus obstinée du monde. Mais ce qui nous intéresse maintenant c’est ce qui va suivre, et non les faits déjà accomplis.

Le maître et Marguerite Mikhaïl Boulgakov

Les propriétés de cohérence pouvant être sondées expérimentalement par mesure de temps de vol, nous souhaitons étudier leur comportement autour de la transition BKT. Dans ce chapitre, nous nous intéressons dans un premier temps aux propriétés de cohé- rence en l’absence de désordre. Nous détaillons notre analyse des profils expérimentaux, et les observables que nous extrayons pour caractériser quantitativement la cohérence du gaz. Les données expérimentales sont comparées à un modèle de champ moyen, ce qui nous permet d’extraire des grandeurs physiques du gaz. Elles sont aussi comparées à des simulations Monte-Carlo quantiques pour valider la pertinence des résultats obtenus et déterminer d’autres grandeurs qui nous seront nécessaires. Ces résultats ont été publiés dans [Plisson 11].

5.1

Description de l’expérience

Nous préparons un gaz froid confiné à deux dimensions, comme expliqué dans le cha- pitre 1. Le piège harmonique final, dans lequel le gaz atteint l’équilibre thermodynamique, a des fréquences d’oscillations de :

ωx/2π = 8 Hz (5.1)

ωy/2π = 15 Hz (5.2)

ωz/2π = 1.5 kHz . (5.3)

Le gaz d’atome a une température caractéristique de T ∼ 64.5 nK et un nombre d’atomes que nous varions de 20000 à 60000. Avec nos paramètres, kBT /~ωz = 0.9, la dynamique

du gaz est donc 2D et 70% des atomes sont dans le niveau fondamental. Pour sonder les propriétés du gaz autour de la transition BKT, nous changeons le nombre d’atomes dans le piège final. Pour cela, on rend simplement le chargement du piège dipolaire moins optimal en début de cycle, ce qui réduit le nombre d’atomes à la fin. Cependant, comme on peut le voir sur la figure 5.1, cela n’a pas d’influence sur la température finale qui reste constante

4 0 1 2 3104 4104 5104 6104 N 55 60 65 70 ) K n( T

Figure 5.1 – Température du nuage en fonction du nombre d’atomes. Lorsque l’on varie le nombre d’atomes en modifiant le chargement, la température des atomes ne varie pas à l’incertitude près sur la mesure de la température.

à

T = 64.5± 2 nK . (5.4)

Dans cette configuration, nous pouvons ajouter du désordre. Nous présentons l’ajout de désordre et sa conséquence sur le gaz dans le chapitre suivant. Nous commençons par l’étude de la distribution d’impulsion et de l’émergence de la cohérence en l’absence de désordre. Pour mesurer la distribution d’impulsion du gaz, nous coupons le piège et laissons les atomes tomber. Au bout d’un temps de 84.5 ms, nous faisons l’image des atomes par fluorescence, comme présenté dans le chapitre 3.