• Aucun résultat trouvé

3.2 Lombriciens et étude écotoxicologique de la pollution du sol

3.2.1 Les lombriciens : biologie et place dans l’écosystème sol

Les lombrics sont des Eumétazoaires, Bilatériens, Protostomiens,

Lophotrochozoaires, Eutrochozoaires, Spiraliens, Annelides, Oligochètes.

D’un point de vue écologique, les lombriciens correspondent au groupe de la macrofaune du sol le plus important en termes de biomasse et d’activité. Ils possèdent un grand nombre d’activités directement en relation avec l’état écologique d’un sol (Römbke et al., 2005) ; ils sont capables par leurs activités de changer leur habitat (Figure 1.18) ou même d’en créer de nouveaux pour les autres organismes (Brown, 1995 ; Maraun et al., 1999).

Détritivores, les vers de terre se nourrissent de la matière organique présente dans le sol qu’ils ingèrent. Le lombric participe alors au brassage des horizons organiques et minéraux, à l’aération et au drainage du sol.

Figure 1.18 : Représentation schématique des relations fonctionnelles entre les vers de terre et leur environnement externe (Doube et Brown, 1998, Fig. 1, p. 180)

Ainsi, les lombrics sont de bons indicateurs de l’état de vie d’un sol pour différentes raisons (Römbke et al., 2005) :

- ils participent au fonctionnement de l’écosystème sol (décomposition et structure),

- grâce à leur comportement et leur morphologie, ils sont en contact à la fois avec la phase solide du sol et avec la phase aqueuse (directement en lien avec le cheminement des pesticides),

- la plupart des espèces de lombriciens sont très sensibles à de faibles niveaux de pollution,

- leurs réactions aux stress sont mesurables et reproductibles en champ mais surtout en laboratoire,

- à l’heure actuelle beaucoup de choses concernant leur biologie, leur écologie sont connues.

Selon Bouché (1977), Lee (1985), et Edwards et Lofty (1977), on distingue 3 grands groupes écologiques de lombriciens (il existe en réalité de nombreux intermédiaires entre ces extrêmes).

Les épigés présentent des cycles de vie courts (1 à 2 ans) et sont soumis à une forte prédation. Ils sont typiques des sols de litière et de forêts, petits, grêles et rougeâtres. Ils se nourrissent de litière (en surface du sol) et de microflore mais ingèrent peu de sol.

Les endogés creusent des galeries profondes et horizontales dans le sol. Ils sont de taille variable, dépigmentés, pourvus d’une musculature développée. De durée de vie moyenne, ils rentrent en diapause en cas de sécheresse. Ils se nourrissent essentiellement de feuilles en décomposition à la surface du sol et de sol.

Les anéciques ont un mode de vie mixte, ils creusent des galeries verticales. Ils sont longs et de couleur foncée, à vie longue (jusqu’à 10 ans), protégés dans leurs galeries. Ils se nourrissent de microflore et de sol plus ou moins enrichi de matière organique. Par ces mouvements verticaux, ils agissent fortement sur la structure du sol.

Les prédateurs des lombrics sont pour la majorité des oiseaux, des petits mammifères (taupes, musaraignes, hérissons, renards…), des sauriens, des ophidiens ou bien encore des amphibiens.

Au niveau morphologique, le corps des lombriciens se présente sous la forme d’un tube cylindrique annelé. En effet, les vers de terre ont une architecture métamérisée : ils ont une série d’unités répétées qui contiennent chacune une cavité interne remplie de fluide : le cœlome.

Au niveau anatomique, chaque segment est organisé de la même façon (Figure 1.19).

D’après www.salinella.bio.uottawa.ca

Figure 1.19 : Coupe transversale d’un métamère de lombric

Cuticule Epiderme Muscles circulaires Muscles longitudinaux Néphridie Vaisseau sanguin ventral Soie Corde nerveuse ventrale Vaisseau sanguin dorsal Cavité intestinale Cœlome Typhlosole Cuticule Epiderme Muscles circulaires Muscles longitudinaux Néphridie Vaisseau sanguin ventral Soie Corde nerveuse ventrale Vaisseau sanguin dorsal Cavité intestinale Cœlome Typhlosole

Ainsi, chaque segment est presque indépendant (muscles, système respiratoire et circulatoire, osmorégulation et gonades sont métamérisés). Les structures dérivées de l’endoderme ne sont pas métamériques, c’est le cas du tube digestif.

Tous les segments ont une organisation semblable sauf les 2 premiers (prostomium et péristomium, porteur de la bouche) et le dernier (pygidium).

Ce sont les critères morphologiques (parfois couplés à des caractères anatomiques) qui permettent la détermination des genres et des espèces de lombriciens.

La physiologie des lombriciens a été largement décrite par Edwards et Lofty, 1977 ; Laverack, 1963 et Tomlin, 1980. Les lombriciens possèdent un « squelette » hydrostatique dû à la présence du cœlome, ce qui leur permet de se déplacer par des mouvements péristaltiques du corps. L’extension-rétraction des soies dans le substrat vient compléter la contraction des muscles pour un enfouissement dans le sol.

La respiration se fait grâce à un phénomène de diffusion des gaz à travers la cuticule perméable et constamment humidifiée par le mucus produit par les glandes épidermiques. Ainsi dissous dans le mucus, l’oxygène diffuse à travers la surface du corps du lombric puis dans les capillaires très ramifiés de l’animal où il est transporté par un pigment en solution dans le sang : l’hémoglobine. Le lombricien s'asphyxie quand sa peau s'assèche ou s'il est prisonnier de l'eau.

Le système circulatoire fermé est constitué de capillaires entourant le tube digestif, de 2 gros vaisseaux sanguins longitudinaux (le dorsal qui transporte le sang vers l’avant du corps, et le ventral), ainsi que des « cœurs » latéraux jouant le rôle de pompes.

Leur pharynx musculeux leur permet d'avaler la terre qui est par la suite broyée dans le gésier. Le bol alimentaire transite dans le tube digestif par péristaltisme. Le typhlosole, repli dorsal du tube digestif, augmente la surface de contact entre la lumière du tube digestif contenant les aliments en cours de digestion et les capillaires sanguins. Les excréments des lombriciens (turricules) sont souvent visibles à la surface du sol.

Les métanéphridies sont les organes de l’excrétion et de l’osmorégulation.

Le système nerveux des annélides présente une concentration de ganglions dans la partie antérieure de l’organisme (début de céphalisation), et une chaîne nerveuse ventrale. Les structures sensorielles sont assez réduites, mais les vers de terre

possèdent toutefois des organes photorécepteurs et des soies jouant le rôle d’organes tactiles.

La reproduction est variable selon l’habitat naturel du lombric. A maturité sexuelle du ver, un renflement, appelé clitellum, se développe par multiplications cellulaires. Hermaphrodites, les lombriciens s'accouplent tête-bêche, le clitellum de chaque ver secrète alors du mucus. La fécondation est externe. Le tube muqueux se détache du ver avec le cocon. Pendant la croissance embryonnaire, le cocon protège les œufs et contient les réserves nutritives. Quand les embryons ont consommé toute la matière nutritive, ils occupent la totalité du cocon et sont prêts à en sortir par une des extrémités.

Les lombriciens ont fait l’objet de nombreuses études tant sur un plan écologique (dénombrement, reproduction, taux de survie…) (Bauer et Römbke, 1997 ; Ismail

et al., 1997 ; Capowiez et al., 2003 ; Mosleh et al., 2003 ; Ammer et al., 2006)

qu’en tant que bioindicateurs de la qualité d’un sol (Paoletti et al., 1998 ; Pattison et

al., 2008 ; Suthar et al., 2008).

Enfin, les oligochètes terrestres s’avèrent être également un groupe largement utilisée pour le suivi écotoxicologique de la pollution d’un sol par l’analyse de biomarqueurs enzymatiques témoins des perturbations de leur état physiologique (Saint-Denis et al., 2001 ; Brown et al., 2004 ; Lukkari et al., 2004 ; Xiao et al., 2006 ; Gambi et al., 2007 ; Reinecke et al., 2007).