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3.2 Concentrations en molécules actives dans les sols

3.2.3 Discussion

La grande variabilité des données au sein d’une même modalité et l’absence fréquente de significativité statistique des résultats ne nous permettentt pas de conclure quant à la pratique la plus polluante pour le sol. Nous pouvons toutefois émettre quelques éléments de discussion basés sur les tendances dégagées au cours de cette étude.

Les concentrations rencontrées au niveau des inter-rangs sont globalement plus faibles que celles des rangs pour une date de prélèvement et une molécule donnée. Les fongicides et insecticides sont appliqués directement sur la vigne par une pulvérisation en face par face.

Par ailleurs, nous remarquons qu’aucune molécule n’est détectée au-delà de 20 cm de profondeur. La détection et la concentration des matières par kg de terre diminuent avec la profondeur et l’éloignement des épandages dans le temps : seules les molécules les plus hydrosolubles (les fongicides métalaxyl et myclobutanil) restent détectables du fait de leurs propriétés physico-chimiques et de leurs seuils de détection des plus bas.

Le folpel ainsi que les insecticides λ-cyhalothrine et chlorpyrifos sont quasiment indétectables dans les sols de la parcelle (rangs et inter-rangs), quelle que soit la modalité d’entretien. Quasiment insolubles, les insecticides se dégradent dans le sol au cours du temps (DT50 < 25 jours ; biotransformations bactériennes ou métabolisation par les macroorganismes), et/ou s’adsorbent au sol, sous forme des résidus non extractibles. Très instable (DT50 = 2 jours), le folpel se dégrade rapidement et se volatilise dans l’air (Bermudez-Couso et al., 2007 ; Agritox, 2008). Les régions viticoles de France présentent en effet des concentrations élevées de folpel dans l’air ambiant (Canal-Raffin et al., 2008).

L’analyse des graphiques des inter-rangs peut nous permettre de dégager des tendances relatives à l’influence de l’entretien du sol. Bien souvent lorsqu’une molécule est détectable, les plus fortes concentrations sont retrouvées dans le sol de la modalité entièrement désherbée tandis que les concentrations les plus faibles (souvent inférieures à la LOQ) apparaissent pour l’enherbement.

La terre de la modalité désherbée chimiquement est chargée en molécules actives : celles-ci sont détectées en surface mais aussi un peu plus en profondeur, rapidement après les épandages. L’hypothèse d’un sol nu, sujet à une rapide exportation des pesticides par des infiltrations préférentielles à l’origine d’une pollution des eaux souterraines, précédemment émise concernant le fonctionnement hydraulique du sol, serait donc confirmée. Cette hypothèse a été validée également par les analyses des concentrations en pesticides dans les eaux de drainage.

La modalité travaillée mécaniquement présente des concentrations en pesticides plus faibles que la modalité désherbée. Il n’est pas rare de détecter des molécules en surface dans cette modalité même si pour la majorité des pesticides ces concentrations avoisinent les seuils de quantification.

Enfin, dans la modalité enherbée, aucune molécule détectée n’a pu être quantifiée, sauf le myclobutanil. Comme nous l’avons déjà évoqué, l’enherbement favorise l’infiltration (Lacas et al., 2005). Toutefois, le couvert végétal peut également favoriser la rétention des pesticides à la surface du dispositif enherbé ainsi que leur stabilisation sous forme de résidus non extractibles (à l’acétone) liés à la matière organique particulaire très abondante (Madrigal, 2004). Par ailleurs, l’enherbement crée des conditions favorables (humidité, matière organique) à la dégradation des pesticides par les microorganismes dans les horizons superficiels du sol (Benoit et

al., 2003). L’ensemble de ces considérations pourrait expliquer l’impossibilité de

détecter la majorité des molécules cibles dans cette modalité.

En outre, l’enherbement, concurrentiel de la vigne pour l’eau et les éléments nutritifs, diminue la surface foliaire. Cette diminution de la surface foliaire est constatée visuellement mais peut également être calculée. On détermine en effet la surface externe du couvert végétal (SECV) qui est la surface de feuilles sur vignes palissées susceptibles de capter le rayonnement lumineux mais aussi les traitements phytosanitaires appliqués sur le feuillage. Le calcul de cette SECV fait intervenir la hauteur et la largeur de végétation ainsi que le pourcentage de trous ou porosité du feuillage variables selon l’entretien du sol (Figure 2.41).

Source : ITV Midi-Pyrénées, fiches pratiques

Figure 2.41 : Formule de calcul de la surface externe du couvert végétal (SECV) de la vigne

La vigne enherbée possède une largeur de végétation plus faible et un pourcentage de trous plus important quel que soit son stade phénologique (par exemple au stade M (36) de la véraison : L = 45 cm et T = 15 % en enherbement tandis que L = 50 cm et T = 6,5 % pour la vigne sur les 2 autres modalités). Elle intercepte donc moins les traitements phytosanitaires qui de ce fait arrivent directement sur le sol.

Ainsi, lors des traitements sur feuillage, bien que la quantité de fongicide ou insecticide appliquée soit la même sur chacune des modalités, la quantité arrivée au sol est supérieure en enherbement du fait de la concurrence exercée par le couvert végétal sur la vigne. Bien que n’ayant pas de données chiffrées pour chacun des stades phénologiques corrélés à une application des pesticides, nous pouvons supposer que la modalité enherbée reçoit directement sur le sol une plus grande quantité de molécules actives non interceptées par le feuillage de la vigne. Il serait alors judicieux de diminuer les quantités de pesticides appliquées sur les vignes enherbées afin d’ajuster la dose à la surface foliaire et au stade de développement de la vigne atteint pour chacune des dates de traitement phytosanitaire. La pollution environnementale serait limitée, tout en conservant la même efficacité d’action phytosanitaire (programme OPTIDOSE de l’Institut Français de la Vigne et du Vin ; Raynal, 2004).

L’ensemble des hypothèses émises dans ce paragraphe quant au tranfert des molécules vers les eaux de drainage devra être étayé par les résultats et conclusions tirées de l’analyse des teneurs en pesticides détectées dans ces eaux.