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LA LOGIQUE DU CHANGEMENT ORGANISATIONNEL A TRAVERS LE PROCESSUS DE L'APPRENTISSAGE ORGANISATIONNEL :

compétences et des connaissances partagées dans l'interaction avec l'environnement.

IV- LA LOGIQUE DU CHANGEMENT ORGANISATIONNEL A TRAVERS LE PROCESSUS DE L'APPRENTISSAGE ORGANISATIONNEL :

IV-1- Du changement à l'apprentissage organisationnel :

Les organisations sont amenées à gérer des changements organisationnels qui touchent les structures et les comportements des organisations. Les organisations sont composées d'individus et l'environnement est composé d'organisations (Guilhon, 1999), l'organisation et son environnement ne peuvent pas échapper à l'évolution des comportements des individus la composant.

La succession des changements organisationnels dans les organisations relève d'un processus d'apprentissage organisationnel qui favorise une lecture pertinente de la relation entre les organisations et l'environnement (Guilhon, 1999). Il permet d'analyser ces processus d'évolution en intégrant à la fois le processus cognitif des individus, le processus stratégique des structures et des activités.

En "découpant" l'apprentissage organisationnel en séquences de changements reproducteurs ou transformateurs du contexte dans lequel il est créé, il est possible d'envisager l'organisation comme un ensemble d'individus en interaction, agissant à l'intérieur de règles et de routines qu'ils cherchent à reproduire ou à transformer lorsqu'ils cherchent à atteindre ou ont atteint une situation organisationnelle différente ou désirée. L'évolution est inéluctable pour les organisations, mais elles font le choix au travers des individus de la "provoquer" ou de s'adapter.

Toujours selon Guilhon (1999), l'apprentissage organisationnel constitue le cœur du processus de changement qui caractérise l'évolution et l'interaction entre l'organisation et l'environnement. Les organisations changent pour se développer afin de se positionner de manière "cohérente" (Porter, 1997) dans l'environnement. La cohérence est double : elle est interne (c'est l'harmonie des éléments de base de l'organisation) et elle est externe (c'est l'harmonie entre les organisations et l'environnement).

IV-2- Les relations croisées entre le changement et l’apprentissage organisationnel :

Les phénomènes organisationnels que sont l’apprentissage organisationnel et le changement, sont intimement liés. Comme le souligne Guilhon (1998), « les mécanismes du changement sont inhérent à la capacité d’apprentissage individuel mais aussi organisationnel. Il appartient à un contexte qu’il contribue à reproduire ou à transformer ». En d’autres termes, la réussite d’un changement est conditionnée par la capacité d’apprentissage des acteurs et de l’entreprise. Le contexte

177 organisationnel, qui caractérise cette capacité, joue un rôle primordial. Mais le changement induit aussi l’apprentissage :

- Tout d’abord, lorsqu’une entreprise améliore régulièrement ses pratiques, les acteurs développent certaines prédispositions au changement. Etant fréquemment amenés à renouveler leurs méthodes de penser et d’agir, ils deviennent plus perméables aux nouveautés. En un mot, lorsque l’entreprise apprend, elle améliore sa capacité de changement ;

- Concernant la seconde proposition, l’idée centrale est que le changement génère l’apprentissage. En effet, lorsqu’une réforme est adoptée dans une entreprise, les acteurs enrichissent leurs connaissances et ajustent leur méthode de travail. En fin de course, même si les changements se font dans la durée et non sans difficulté, ils stimulent l’apprentissage individuel et organisationnel. En un mot, lorsque l’organisation change, elle apprend.

- L’apprentissage comme un modèle de gestion du changement : Il existe de nombreux travaux dans le champ de la gestion du changement. Ils ont tous en commun de se fonder sur un même postulat ; celui que le changement se gère. La théorie de la complexité souligne clairement le caractère aléatoire du processus de changement et illusoire de son pilotage. C’est le paradigme des théories de la gestion du changement, le paradigme programmatique ou managérial, qui semble s’effriter. Si cela peut troubler le gestionnaire rationnel, soucieux de contrôler et de maîtriser le comportement de l’entreprise, un renversement de la pensée devient possible.

Il ne s’agit plus de considérer le changement comme une rupture dans le fonctionnement organisationnel, mais comme un gêne de l’entreprise, un élément de contexte. Désormais, le changement ne se pilote plus, il est institué, ancré dans les actions quotidiennes et devient permanent. Selon les tenants de cette approche, l’apprentissage organisationnel permet la construction d’une entreprise intelligente, capable d’installer une révision constante de ses pratiques, d’enrichir ses répertoires d’expérience et de se doter d’une capacité de changement.

A une logique de pilotage, se substitue une logique d’apprentissage. La question est alors de savoir comment instaurer le gêne du changement. Quels processus d’apprentissage peuvent faire du changement un état permanent de l’entreprise ?

La réponse réside dans le déploiement de processus d’exploitation et d’exploration organisationnelle. Car « faire ce que l’on a toujours fait est nécessaire dans l’adaptation à court terme. Faire ce que l’on a jamais fait est nécessaire dans l’adaptation à long terme et les deux sont nécessaires simultanément » (Weick, 1977 cité par Thiétart et Forgues, 1993).

Première modalité, l’exploitation : L’exploitation consiste à observer les pratiques organisationnelles et en détecter les failles, dysfonctionnements ou points de faiblesse à fin de les corriger et les

178 améliorer. Lorsque l’organisation déploie la culture du bien faire, l’exploitation est réalisée par l’employé lui-même ; il s’engage personnellement dans une perspective d’auto-amélioration.

En mobilisant la modalité de l’exploitation qui s’inscrit parfaitement dans l’approche de l’apprentissage en simple boucle, l’entreprise apprend à « faire mieux la même chose ». Lorsqu’une pratique est à l’œuvre dans l’entreprise, elle est analysée ; l’enjeu est de l’améliorer pour obtenir des résultats toujours meilleurs. En d’autres termes, l’entreprise produit des changements à la marge, mineurs, qui consistent en des ajustements (appelé aussi l’apprentissage en simple boucle). Nous reprenons le cas cité par Sopranot (2009) d’une entreprise qui traite les commandes de ses clients grâce à son centre d’appels. Le temps de réponse au client, le nombre d’erreurs de facturation et de livraison, les ventes additionnelles par opérateur… constituent des résultats que l’entreprise peut souhaiter améliorer. Si tel est le cas, des changements seront introduits pour perfectionner le système. Les outils informatiques, les incitations, les objectifs, les périodes de travail… sont autant d’éléments susceptibles de changer.

Ainsi, lorsque l’entreprise pratique activement l’exploitation, et l’inscrit dans sa culture organisationnelle, le changement deviendra une normalité puisque des changements mineurs incessants se produisent régulièrement. Les individus sont alors pris dans un mouvement continu ; en révisant régulièrement leur façon de travailler, ils développent des capacités d’apprentissage. Pour eux, la constante n’est plus la stabilité mais le changement.

La seconde modalité concerne l’exploration : L’exploitation est un processus de correction continu, l’exploration quant à elle, est un processus recherche de nouveautés permettant de faire évoluer significativement ou de révolutionner l’organisation. Il n’est plus question de faire mieux la même chose mais de faire autre chose ». Selon Sopranot (2009) : « Cela suppose d’inventer des pratiques inédites, d’être en rupture par rapport aux valeurs et stratégies d’action dominantes. Et cela passe par la recherche de la diversité ». C’est ainsi qu’afin de stimuler l’innovation et conserver un esprit pionnier, Google développe le principe des 20% de temps. Chaque employé dispose d’une journée par semaine pour explorer des idées qui le passionnent, travailler à autre chose que ce qui est en rapport avec le moteur de recherche. D’après David Vise, l’auteur de Google story, c’est « une façon d’encourager la passion envers les nouvelles technologies es employés qui a permis à Google, non seulement de sortir une variété de produits innovants, comme Google News, mais également de faire vivre au quotidien l’esprit entrepreneurial dans la société ». Ainsi l’entreprise, qui est en exploration constante, instille une culture du changement et se dote d’un réservoir de solutions potentielles. En effet, lorsque des réformes importantes seront nécessaires, ces salariés seront plus enclins à soutenir des nouveautés pour lesquelles ils ont été, en quelques sortes, préparés. De la même manière, les

179 solutions élaborées par le biais des expérimentations font partie du patrimoine de l’entreprise. Elles constituent des réponses possibles à des évolutions environnementales ultérieures. L’exploration s’inscrit dans l’approche de l’apprentissage à double boucle qui par définition engendre une réorientation stratégique de l’organisation.

Enfin selon Sopranot (2009), Déployer des dispositifs d’apprentissage facilitera le nomadisme organisationnel et représentera une solution aux problèmes de pilotage des programmes de changements nécessaires pour la continuité des organisations : « le nomadisme organisationnel provient du déploiement de dispositifs d’apprentissage. Ceux-ci contribuent à faire du changement un état permanent de l’entreprise et constituent une alternative aux approches de pilotage des processus de transformation des entreprises ».

- Le changement comme stimulant de l’apprentissage : Si, comme nous l’avons précédemment développé, l’apprentissage organisationnel facilite le changement, l’inverse et également vrai. En effet, lorsque des programmes de changement sont entrepris, les individus comme l’organisation s’engagent dans des processus d’apprentissage. Les savoirs, les représentations ainsi que les routines sont amenés à s’enrichir ou se renouveler (Sopranot, 2009).

Certains auteurs insistent sur le fait que le changement n’est effectif que lorsqu’il a produit l’apprentissage de nouveaux comportements et représentations. Pour ce courant, le changement doit être assimilé à un processus d’apprentissage collectif au cours duquel s’élabore et s’acquièrent de nouvelles capacités organisationnelles. Crozier et Friedberg (1977) le souligne explicitement : « tout processus de changement est un processus d’apprentissage c'est-à-dire la découverte voire la création et l’acquisition par les acteurs concernés de nouveaux modèles relationnels, de nouveaux modes de raisonnement, de nouvelles capacités collectives ».

Le modèle psychologique (Denis et Champagne, 1990) développe cette perspective. S’appuyant sur les travaux d’Argyris (1995), il postule que les individus ne peuvent apprendre de nouveaux comportements « que par la découverte et l’élaboration par essais-erreurs d’un ensemble de nouveaux comportements formant système » (Crozier et Friedberg, 1977). Le changement s’apparente ainsi à une construction humaine progressive faite de création, d’invention et de découverte. On le remarque, cette approche rejette l’idée d’un projet de changement élaboré en dehors des acteurs. Il n’est pas question de plaquer une forme déterminée, car le changement ne se décrète pas mais se construit bon gré mal gré dans l’action.

In fine, le déploiement de processus d’exploration et d’exploitation, confère une aptitude organisationnelle au changement. L’apprentissage est alors considéré comme une alternative aux modèles de pilotage des transformations, s’élevant ainsi contre une vision trop rationaliste de l’action

180 managériale. De même, la mise en place de réformes dans l‘entreprise constitue un générateur d’apprentissage, aux niveaux individuel et organisationnel. Celui -ci est alors pensé comme un mécanisme décisif des processus de changement, induisant certaines précautions quant à la manière de bâtir les programmes d’implantation des réformes.

Enfin, il convient de souligner le caractère structurant de cette relation. En effet, changement et apprentissage se conditionnent réciproquement. Lorsqu’une entreprise a des propriétés apprenantes, elle se dote d’une capacité de changement. Ainsi, lorsque des réformes seront engagées à l’avenir, elles se feront dans un contexte favorable. Pourtant ces changements déclencheront des mécanismes d’apprentissage qui participeront à construire un contexte propice. En un mot, le changement et l’apprentissage entretiennent des relations d’influence réciproque.