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Notre étude démontre pour la première fois que la cocaïne induit une accumulation importante de la protéine Arc dans le noyau des neurones striataux. Nous observons également une augmentation de son expression dans le compartiment dendritique où son induction semble plus modérée. L’intensité de cette augmentation est établie dans chaque compartiment par comparaison avec l’effet d’une injection de solution saline. Si l’induction de la protéine s’avère moins conséquente dans les dendrites, il n’est pour autant pas possible de conclure à une implication moins grande du pool dendritique dans les réponses à la cocaïne. Arc prend part à différents mécanismes cellulaires importants pour la régulation locale de la plasticité

synaptique (Bramham, 2008). Bien que ces mécanismes n’aient pas été décrits dans les neurones striataux, nos observations, et notamment la présence de Arc dans les épines dendritiques sont en faveur d’un rôle local de la protéine dans les dendrites des MSN. De la même manière la régulation du transport des ARNm et de la traduction locale de la protéine Arc, décrits dans d’autres structures, n’ont pas été mis en évidence dans les neurones du striatum.

Dans le compartiment nucléaire, l’expression de la protéine est très fortement augmentée en réponse à l’injection de cocaïne. Ce résultat apporte de nombreuses perspectives nouvelles quant au rôle de Arc dans la plasticité neuronale et soulève également de nombreuses questions concernant ses partenaires et fonctions au sein du noyau où son rôle reste peu étudié à ce jour. Dès sa première description en 1995, Arc s’est démarquée des autres IEG par sa localisation dendritique. La grande majorité des IEG décrits à cette époque codaient des facteurs de transcription qui sont, par définition, très majoritairement localisés dans le noyau des neurones. L’originalité que représentait la présence de Arc dans les dendrites et les épines dendritiques a rapidement suscité un vif intérêt. L’hypothèse s’est imposée selon laquelle Arc, rapidement induite par l’activité neuronale, pourrait agir en retour en modulant localement l’efficacité synaptique au sein du compartiment dendritique. En parallèle des nombreux travaux visant à identifier les fonctions synaptiques de Arc, sa présence et son rôle dans le compartiment nucléaire sont restés très peu étudiés. Notre étude démontre que la présence de Arc dans le noyau est dépendante de l’activation des neurones striataux et suggère fortement qu’elle régule des fonctions nucléaires importantes pour la mise en place de la plasticité neuronale induite par la cocaïne. L’entrée rapide de Arc dans le noyau en réponse à l’activation des MSN soit par le glutamate in vitro, soit par la cocaïne in vivo, soulève différentes questions quant aux mécanismes impliqués dans sa localisation nucléaire.

a. Mécanismes d’adressage de Arc vers le noyau

Le transport des protéines vers le noyau se fait au travers des pores nucléaires soit par diffusion passive pour les petites protéines soit par transport actif pour les plus imposantes. La taille de Arc est compatible avec une diffusion passive, cependant, la rapidité de son accumulation nucléaire suggère fortement un transport actif. Ce type de transport dépend de séquences d’adressage présentes dans la séquence de la protéine qui vont permettre sa prise en charge par les complexes protéiques impliqués dans l’import ou l’export nucléaire. Nous

avons vu précédemment qu’une étude menée récemment par le groupe du Pr Finkbeiner a montré l’existence de trois séquences régulatrices au sien de la protéine qui gouvernent sa localisation nucléaire (Korb et al., 2013). Ces séquences de type Pat7 NLS, NES et NRD régulent respectivement l’import, l’export et la rétention de la protéine dans le noyau. Les cinétiques rapides d’entrée au noyau que nous observons in vivo en réponse à la cocaïne sont compatibles avec un transport actif via ces différences séquences régulatrices. Le transport de Arc vers le noyau pourrait également dépendre de sa liaison à des protéines cargo. En accord avec cette hypothèse, une étude menée dans des lignées cellulaires a montré que la protéine Amida, qui est impliquée dans l’apoptose, se lie à Arc et promeut sa localisation nucléaire

(Irie et al., 2000). Amida est exprimée dans le SNC et il a été proposé que Arc puisse contribuer aux fonctions de cette protéine dans l’apoptose. Il n’existe, cependant, à ce jour aucun démonstration d’une association entre ces deux protéines dans un modèle neuronal.

b. Stimuli impliqués dans la localisation nucléaire de Arc

L’accumulation nucléaire rapide que nous observons survient en réponse à une stimulation des neurones soit par le glutamate in vitro, soit par la cocaïne in vivo. L’étude de Finkbeiner a montré que le transport de Arc vers le noyau dépend de l’activation des voies de signalisation MEK-ERK, et PLC en réponse au BDNF (Korb et al., 2013). Dans nos deux modèles, il est envisageable que l’activation de la voie ERK soit impliquée dans la régulation du trafic nucléaire de Arc. Il est cependant difficile de répondre à cette question in vivo puisque l’activation de la voie ERK contrôle l’induction de la protéine. Il serait en revanche possible d’étudier l’implication de ERK in vitro, dans un modèle de transfection de MSN en culture tel que celui que nous avons utilisé et dans lequel la protéine Arc fusionnée à la GFP serait exprimée indépendamment de l’activité de ERK. Dans ce cas, l’application d’un inhibiteur de ERK avant le traitement par le glutamate permettrait d’évaluer le rôle de ERK dans la translocation nucléaire de la protéine. Bien qu’informatives, ces expériences n’ont pas été réalisées car notre étude étant majoritairement centrée sur la caractérisation du rôle de Arc en aval de ERK in vivo dans le contexte d’une exposition à la cocaïne Il est envisageable également que des modifications post-traductionnelles de la protéine soient engagées dans sa translocation nucléaire. Des observations issues du groupe du Pr. Bramaham indiquent que la sumoylation de Arc diminue sa localisation nucléaire et augment son expression dans la fraction cytoplasmique associée au cytosquelette (Bramham et al., 2010). Ces observations

évoquées dans une revue restent non publiées à ce jour et aucun mécanisme précis n’est proposé pour expliquer le lien entre la sumoylation de la protéine et son trafic nucléaire. Si l’expression nucléaire de Arc augmente rapidement après l’injection de cocaïne, elle s’est également révélée très transitoire et revient à son niveau basal rapidement après son pic d’induction. Le transport de Arc hors du noyau n’est pas associé à une relocalisation cytoplasmique puisque la diminution de l’expression nucléaire est synchrone avec la diminution de l’expression totale de la protéine. Cette diminution dépend donc très certainement des mécanismes de dégradation de la protéine. Certains mécanismes de dégradation ont été décrits dans le compartiment nucléaire et il est n’est donc pas possible d’exclure totalement que la protéine soit dégradée en partie dans le noyau. La voie canonique de dégradation des protéines est cependant majoritairement cytoplasmique et l’export nucléaire de Arc semble un prérequis important à sa dégradation. Etant donnée la finesse de la régulation de l’expression de Arc à de multiples étapes, il est envisageable que son export soit également soumis à un contrôle étroitement lié à l’activité neuronale. Sa rétention ainsi que son transport à l’extérieur du noyau par des mécanismes régulés par l’activité synaptiques pourraient ainsi contribuer à un contrôle fin de sa fenêtre d’induction nucléaire. Ceci semble critique pour la régulation de ses fonctions au sein du noyau et notamment la restriction temporelle de son activité dans ce compartiment.