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Depuis la première description en 1995 de ce gène induit par l’activité neuronale, de nombreux travaux se sont attachés à étudier la régulation de Arc dans le contexte d’une tâche comportementale. Si l’expression de Arc est augmentée largement dans le cerveau en réponse à une activation massive et synchrone des neurones pendant les crises d’épilepsie, elle est également régulée de manière plus locale et spécifique en réponse à l’activité synaptique dans une grande variété de paradigmes comportementaux. Du fait de sa régulation spatio-temporelle particulièrement fine, l’expression de Arc s’est avérée être un marqueur extrêmement fiable de l’activité neuronale. De manière plus large, l’expression de Arc semble contribuer au couplage entre l’activité synaptique d’une région et le traitement de l’information au sein d’une population neuronale activée. L’induction de Arc n’apparait pas comme le simple reflet de l’exécution d’une tâche mais survient spécifiquement dans des phases du comportement et des régions cérébrales engagés dans les processus d’apprentissage et de mémorisation.

a. Arc, un marqueur de l’activité neuronale

La première démonstration d’un lien spécifique entre l’induction de Arc et l’activité d’un réseau neuronal dans une tâche comportementale a été apportée par le groupe de Paul Worley

(Guzowski et al., 1999). Dans cette étude, l’expression de l’ARNm de Arc est utilisée comme marqueur d’activité d’une population de neurones et permet d’analyser l’activité de ce réseau au cours d’une tâche comportementale. Cette nouvelle approche basée sur la détection des

ARNm par hybridation in situ a été baptisée catFISH pour cellular compartment analysis of

temporal activity by fluorescent in situ hybridization (Guzowski et al., 2001). Le catFISH

s’appuie sur le déplacement des ARNm au cours des différentes étapes depuis leur synthèse dans le noyau jusqu’à leur transport vers le cytoplasme. Suite à l’exploration d’un nouvel environnement, les pré-ARNm de Arc apparaissent dans le noyau dès 2 minutes, puis, ce marquage nucléaire disparait après 20 minutes au profit d’un marquage cytoplasmique dû à l’export des ARNm vers le cytoplasme. Ainsi, l’accumulation cytoplasmique ou nucléaire des ARNm de Arc à un temps donné après une tâche comportementale permet de retracer l’activation d’un neurone ou d’une population de neurones au cours de cette tâche. Si cette approche ne fournit pas une information en temps réel, elle apporte toutefois des informations spatiales et temporelles sur l’activité d’un réseau.

Au travers de cette technique, Guzowski et ses collaborateurs ont pu comparer la réponse d’une population neuronale après deux sessions d’exploration successives, soit du même environnement, soit de deux environnements différents et déterminer si un même neurone était activé deux fois par un même environnement. Dans la région CA1 de l’hippocampe, les explorations consécutives du même environnement activent des populations de neurones quasiment identiques. En revanche, l’exploration de deux environnements différents active des neurones différents, très peu de neurones étant activés par les deux environnements différents. (Guzowski et al., 1999) Il est important de noter que la qualité de la résolution temporelle de cette approche est notamment due à certaines spécificités de l’ARNm de Arc. En effet, son transport rapide vers les dendrites et sa demi-vie relativement courte sont en faveur d’un bruit de fond extrêmement faible et d’une distinction efficace des différentes populations d’ARNm. Ces données suggèrent très fortement que l’induction de Arc est liée à une activité neuronale associée au traitement d’une information spécifique et n’est pas simplement induite en réponse au stress ou à la réalisation de la tâche comportementale

(Guzowski et al., 2004, Guzowski et al., 2005). Dans l’hippocampe et le cortex, l’exploration d’un nouvel environnement active arc au sein des mêmes neurones qu’un autre IEG,

homer1A, également impliqué dans la plasticité synaptique. Arc serait ainsi engagée dans un

programme cellulaire spécifiquement activé par la nouveauté et pourrait agir en synergie avec d’autres protéines dans la réponse neuronale (Vazdarjanova et al., 2002).

Le couplage entre l’activation transcriptionnelle de arc et l’activité électro-physiologique des cellules n’est pas statique mais extrêmement plastique et fortement influencé par l’historique du neurone (Guzowski et al., 2001). En effet, une décharge neuronale récente peut

spécifiquement inhiber l’activation subséquente de Arc, à l’inverse d’une décharge neuronale plus ancienne. Ce couplage électro-transcriptionnel est proposé comme une forme de méta-plasticité permettant de réguler la capacité du système à modifier ses synapses en limitant l’expression de gènes impliqués dans la plasticité.

b. Arc et l’apprentissage

L’expression de Arc est augmentée dans différentes tâches comportementales d’apprentissage. (Erreur ! Source du renvoi introuvable.) Une étude menée chez la souris a ontré que l’apprentissage en lui-même induit une augmentation des ARNm Arc dans certaines aires corticales, l’hippocampe et l’amygdale (Montag-Sallaz and Montag, 2003). Cette étude est basée sur un paradigme d’apprentissage en un seul essai dans lequel les souris apprennent à fuir un environnement aversif lumineux en entrant dans un compartiment sombre. Les animaux exposés deux fois à ce protocole présentent une latence d’entrée dans le compartiment sombre qui est inférieure à celle des animaux exposés une seule fois à la tâche. L’expression des ARNm Arc est spécifiquement augmentée chez les animaux ayant été soumis deux fois au test, suggérant fortement que Arc est engagée dans le processus d’apprentissage en comparaison à l’exploration simple. En accord avec ces données, l’induction de Arc tend à diminuer chez des animaux surentrainés pour une tâche qui ont déjà acquis l’apprentissage (Kelly and Deadwyler, 2002). En effet, dans un apprentissage opérant de pression d’un levier, les ARNm Arc sont plus fortement augmentés dans l’hippocampe et le cortex des animaux qui ont nouvellement appris la tâche que chez les animaux déjà entrainés. De plus, l’expression de Arc est supérieure chez les animaux qui apprennent lentement que ceux qui acquièrent rapidement des capacités correctes pour la tâche. De la même manière, lors d’une tâche d’apprentissage spatial dans la piscine de Morris, les ARNm de Arc sont induits dans l’hippocampe de manière plus importante chez les animaux présentant de meilleures performances (Guzowski et al., 2001). Cette induction spécifique dans les phases précoces de l’apprentissage suggère que Arc est préférentiellement impliquée l’acquisition d’un nouveau comportement. Le décours de l’induction des messagers ainsi que leur persistance varie entre les différentes régions cérébrales activées (Kelly and Deadwyler, 2003). Ces dynamiques d’activation variables au sein des différentes régions pourraient refléter la contribution de ces structures dans l’acquisition et la consolidation de l’apprentissage. Les travaux de Kelly et Deadwyler ont montré que l’expression de Arc est

également augmentée dans le striatum pendant l’apprentissage de la tâche de pression d’un levier (Kelly and Deadwyler, 2003). Le striatum est une structure qui est fortement engagée dans les apprentissages moteurs ainsi que les apprentissages associatifs. Daberkov et ses collaborateurs ont utilisé un protocole d’apprentissage associatif dans un labyrinthe en « T » afin d’étudier pus spécifiquement la régulation de Arc au cours d’un apprentissage dépendant du striatum (Daberkow et al., 2007). Ce protocole est divisé deux phases, une première correspondant à l’acquisition de la règle et une deuxième associée à l’inversion de la règle qui requiert la capacité à intégrer de nouvelles informations pour modifier la réponse comportementale. Les ARNm Arc sont augmentés spécifiquement dans la phase d’inversion de la règle et cette augmentation est corrélée avec la performance de l’animal et donc sa capacité à adapter sa réponse comportementale. Il est intéressant de noter que cette corrélation n’est pas retrouvée dans les régions latérales mais uniquement dans le striatum dorso-médian, ce qui est en accord avec l’engagement préférentiel de cette région dans la flexibilité comportementale (Ragozzino et al., 2002). L’induction de Arc semble ainsi être plus spécifiquement associée à l’acquisition de la nouvelle règle qu’au maintien des performances à exécuter une règle déjà connue.

c. Visualisation de l’expression de Arc

L’induction de Arc n’est pas le simple reflet d’un changement d’activité mais elle s’intègre dans un processus de traitement de l’information au sein d’une population neuronale engagée dans l’apprentissage. La visualisation de l’expression de Arc dans une région cérébrale offre la possibilité d’étudier la dynamique spatio-temporelle des populations neuronales activées au cours d’une tâche. Ceci implique cependant de pouvoir accéder à la dynamique de l’induction de Arc au cours de l’activité neuronale. Si la détection de Arc par immunofluorescence apporte des informations spatiales précises sur l’expression de la protéine à un temps donné, elle ne permet pas d’étudier finement les paramètres temporels de son induction. L’étude dynamique de l’expression de Arc a été permise par le développement de modèles murins transgéniques basé sur l’utilisation de systèmes rapporteurs qui permettent de visualiser l’activité du promoteur de Arc. Le laboratoire du Pr. Tonegawa a développé un modèle murin de type knock-in dans lequel la séquence codante de arc a été remplacée par la d2EGFP une forme déstabilisée de la GFP (Wang et al., 2006). Celle-ci possède une demi-vie de 2h qui permet un décours d’expression similaire à celui de Arc. Ce système rapporteur permet de

visualiser l’activité du promoteur de manière dynamique et d’imager une population de neurones activés au sein d’une région cérébrale. A l’état homozygote, l’expression de Arc est abolie et remplacée par celle de la GFP. La GFP étant exprimée sous le contrôle du promoteur de Arc, la détection des cellules exprimant la GFP permet de déterminer la population neuronale dans laquelle le promoteur de Arc a été activé. Bien que l’expression de Arc soit abolie dans l’ensemble des cellules du cerveau chez les souris homozygotes, la détection de la population neuronale exprimant la GFP permet d’analyser l’effet de la perte d’expression de Arc spécifiquement dans les cellules où elle aurait dû être exprimée. Chez les hétérozygotes, la GFP et Arc sont toutes les deux exprimées, et les auteurs établissent que l’expression de Arc est réduite de 20% par rapport aux animaux sauvages. L’utilisation de ce modèle a notamment permis de montrer que Arc est impliquée dans l’ajustement de la spécificité de réponse à l’orientation des stimuli visuels (Wang et al., 2006). La visualisation de l’expression de la GFP, in vivo, par microscopie biphotonique a montré que des stimuli horizontaux ou verticaux activent des ensembles neuronaux distincts au sein du cortex visuel. En comparant l’expression de la GFP chez les hétérozygotes et les homozygotes, les auteurs ont pu étudier l’effet de l’absence de Arc sur les populations neuronales recrutées dans la réponse aux stimuli visuels (Wang et al., 2006). Ce modèle a également été utilisé pour étudier l’implication de Arc dans la plasticité homéostatique au sein du cortex visuel (Gao et al., 2010). Plus récemment, l’utilisation de ce modèle transgénique a permis de visualiser les ensembles neuronaux recrutés dans le cortex moteur au cours de l’acquisition et de la consolidation d’un apprentissage moteur sur le rotarod (Cao et al., 2015). Cette étude a montré que les neurones dans lesquels Arc est activée au début de l’entrainement sont spécifiquement réactivés dans les jours suivants au fil de l’apprentissage moteur. L’apprentissage consolide ainsi le recrutement d’un ensemble neuronal spécifique et Arc joue un rôle clé dans ce mécanisme de plasticité. Il est intéressant de noter que l’intensité d’activation initiale du promoteur prédit sa probabilité de réactivation dans les jours suivants. Ceci démontre à nouveau le couplage très fin entre l’expression de Arc et l’activité et suggère que son niveau d’induction encode une information quant à l’implication du neurone au sein du réseau au cours de l’apprentissage. Dans ce modèle knock-in Arc-d2EGFP, l’expression de la GFP sous le contrôle du promoteur endogène de Arc représente un avantage considérable puisqu’elle permet que l’expression de la GFP reproduise de manière extrêmement fidèle celle de Arc. Ceci apporte, d’autre part, l’inconvénient que l’expression de la GFP reste relativement faible. De plus, dans ce modèle, la visualisation de l’activité du promoteur implique, soit, une perte d’expression totale de la protéine (KI homozygotes), soit, au

minimum une altération légère de son expression (KI hétérozygotes). Il ne permet donc pas de visualiser la dynamique d’induction de Arc dans un contexte où son expression endogène serait préservée. Ce type d’approche est, en revanche, permis par un autre modèle transgénique, les souris Arc::dVenus (Eguchi and Yamaguchi, 2009). Chez ces animaux, la protéine Venus est exprimée sous le contrôle du promoteur de Arc auquel a été ajouté un signal de polyadénylation qui permet d’augmenter le niveau d’expression du gène codant pour la protéine Venus. L’insertion de ce transgène de manière aléatoire dans le génome offre la possibilité de visualiser l’activité du promoteur de Arc sans altérer l’expression endogène de Arc (Eguchi and Yamaguchi, 2009). L’utilisation de ce modèle transgénique a permis d’analyser les modifications de la dynamique du patron d’expression de Arc dans le cortex visuel en réponse à des stimulations visuelle dans un modèle de la maladie d’Alzheimer

(Rudinskiy et al., 2012). Cette étude montre que l’amplitude de l’expression de Arc dans un neurone en réponse à une stimulation visuelle est prédictive de la probabilité de réactivation de ce neurone lors de la réexposition à ce même stimulus. Cette association est fortement altérée chez des animaux modèles de la maladie d’Alzheimer révélant ainsi l’interférence des lésions induites par cette pathologie avec l’intégration des informations au sein des réseaux neuronaux (Rudinskiy et al., 2012). Plus récemment, ce modèle a permis de visualiser les ensembles neuronaux activés dans l’amygdale au cours d’un protocole de conditionnement par la peur via un stimulus auditif (Gouty-Colomer et al., 2015). Cette étude montre que les neurones exprimant Arc sont préférentiellement recrutés pour l’encodage de trace mnésique de la peur démontrant l’importance de l’induction de Arc dans le recrutement des ensembles neuronaux au cours de l’apprentissage.

Du point de vue fonctionnel, le développement de modèles d’invalidation génétique de Arc ont permis d’étudier l’effet de sa perte d’expression dans la mise en place de différentes formes de plasticité neuronale. A cet égard, le modèle Arc-d2EGFP, de type knock-in, présenté plus haut, est un modèle d’invalidation totale de la protéine dans lequel la séquence codante de Arc a été intégralement remplacée par celle de la GFP (Wang et al., 2006). Un autre modèle de type knock-out a également été développé dans le laboratoire du professeur Dietmar Khul, dans lequel la séquence codante de Arc a été intégralement supprimée du génome (Plath et al., 2006). Ces animaux présentent d’importants déficits d’apprentissage, en accord avec le rôle majeur de Arc dans la consolidation de la plasticité synaptique et de la mémoire (Plath et al., 2006).

Ces modèles génétiques présentent l’avantage d’être non invasifs et de conduire à une perte d’expression extrêmement fiable de la protéine. Cependant, ces modèles d’invalidation totale

de Arc dans le cerveau, dès la naissance, ne permettent pas d’étudier l’effet d’une perte d’expression de la protéine spécifiquement dans une région cérébrale ou à un temps donné. Ce type d’approche a été permis par l’utilisation de stratégies anti-sens couplés à des injections stéréotaxiques chez l’adulte. Ces études, basées sur l’infusion locale d’oligodésoxynucléotides (ODN), des séquences capables d’interférer avec la traduction de la protéine, offrent la possibilité d’inhiber localement et transitoirement l’expression de Arc dans une région cérébrale donnée (Ploski et al., 2008, Maddox and Schafe, 2011b).

Table 2 : Paradigmes comportementaux conduisant à une augmentation d'expression de Arc