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I. Localisation des greffages

Nous avons fabriqué des matrices de puits en polymère à l’intérieur desquels nous nous proposons de greffer les traceurs fluorescents, ainsi que des matrices de plots, à la place desquels nous espérons pouvoir réaliser les greffages, et ce de façon parfaitement localisée.

D.I.1. Principe des deux méthodes de localisation des greffages

D.I.1.1.Localisation des greffages à l’intérieur de puits en polymère

Etant donné que les supports sur lesquels les polymérisations ont été réalisées, à savoir les lames S, sont fonctionnalisés sur les deux faces, nous ne pouvons procéder aux greffages en immergeant directement les plaques dans les différentes solutions. Nous avons alors effectué des dépôts à l’aide d’une micropipette, à l’intérieur de chaque puits, ou bien nous avons procédé par mouillage de la surface polymérisée avec les solutions de greffage (Figure 65) : pour ce faire, nous avons disposé les lames sur des verres de montre (8 cm de diamètre) que nous avons remplis avec précaution, afin que la solution de greffage ne vienne mouiller uniquement que la surface polymérisée de la lame, sans s’étaler sur l’autre face, à l’air libre. Dans ce cas précis, la réaction de greffage est conduite sous agitation magnétique, à température ambiante et à l’abri de la lumière.

Après greffage, les plaques sont immergées plusieurs heures dans différents solvants (cf. protocoles décrivant le greffage covalent des traceurs fluorescents acides sur les lames S, partie B, § B.V.4.2. et B.V.5.3.).

Suivant la technique de détection employée, nous avons alors choisi d’enlever ou non le polymère, en immergeant les lames quelques minutes dans du DMF, sous agitation magnétique.

D.I.1.2.Localisation des greffages à la place de plots en polymère

Le principe de cette méthode de localisation repose sur la protection physique de certains sites réactionnels par des plots en polymère. Pour ce faire, on procède par étapes (Figure 66) : dans un premier temps, on protège chimiquement toutes les fonctions amines libres, c'est-à-dire toutes celles qui ne sont pas recouvertes par le polymère (1), puis les plots sont décollés du support par immersion dans du DMF (2), enfin, on procède au greffage localisé à la place des plots, soit en immergeant les lames dans les différentes solutions, soit par mouillage de la surface anciennement polymérisée (3).

Figure 66 Principe de la méthode de localisation basée sur la fabrication de plots en polymère

Pour réaliser la protection chimique de toutes les fonctions –NH2 extérieures aux plots, nous nous proposons d’y greffer une chaîne carbonée via une liaison amide : nous avons choisi d’utiliser l’acide dodécanoïque, activé par le N-hydroxysuccinimide.

En tout premier lieu, il a fallu s’assurer que le polymère était bien étanche : en effet, pour réaliser cette protection chimique, nous allons devoir immerger entièrement les plaques polymérisées dans cette solution. Par ailleurs, concernant les greffages à l’intérieur des puits en polymère, et notamment si on procède par mouillage, il est indispensable que le polymère soit étanche, afin que les greffages restent parfaitement localisés à l’intérieur des puits.

Enfin, il convient de vérifier que les groupements amino protégés par le polymère ont été, sinon tous, du moins en majorité, préservés, c'est-à-dire vérifier qu’il est possible de réaliser des greffages covalents localisés à cet endroit, une fois le polymère séparé du support.

D.I.2. Détection des greffages localisés – Utilisation de la microscopie à

fluorescence

Nous avons choisi comme méthode de détection la spectrofluorimétrie, mais aussi la microscopie à fluorescence, notamment pour détecter les greffages localisés sur des surfaces circulaires de diamètre inférieur à 12 mm : en effet, avec le Spex FluoroLog-3, en sortie du monochromateur d’excitation, le faisceau lumineux qui vient exciter l’échantillon est de forme rectangulaire et mesure environ 10 mm de haut. Ainsi, dans le cas de motifs en polymère (puits ou plots) plus petits, le faisceau incident déborde de la surface à analyser (Figure 67), prenant aussi en compte la fluorescence du polymère, par ailleurs très importante, ou celle du support, dans le cas où le polymère aurait été enlevé ; dans les deux cas, l’analyse des greffages localisés est faussée (surestimée).

Figure 67 Taille du faisceau en sortie du monochromateur d’excitation (Spex FluoroLog-3)

Par ailleurs, dans le cas où le diamètre des surfaces à analyser est supérieur à la taille du faisceau excitateur, il n’est pas possible de prendre plus de 3 ou 4 mesures à l’intérieur des puits/plots, ou de réaliser un profil de la fluorescence observée.

La microscopie à fluorescence :

Cette technique permet de visualiser sur une surface l’émission de fluorescence de molécules excitées à une longueur d’onde appropriée. La microscopie à fluorescence est très utilisée en biologie, et notamment dans le domaine de la biologie cellulaire : elle permet par exemple de localiser au sein des cellules certaines protéines marquées avec une espèce fluorescente. La source lumineuse est généralement constituée d’une lampe à arc à vapeur de mercure ou de xénon qui émet dans l’UV-visible. Un microscope à fluorescence est généralement équipé de plusieurs jeux de filtres, comprenant chacun un filtre pour l’excitation et un filtre pour l’émission. Un miroir dichroïque permet de séparer la fluorescence émise du faisceau excitateur, focalisé par un objectif sur l’échantillon. La fluorescence est directement observée à l’œil ou est enregistrée avec un appareil photographique ou une caméra CCD (charge-coupled-device).

L’appareil que nous avons utilisé est un microscope en épifluorescence (c'est-à-dire que l'objectif sert à la fois à exciter l’échantillon et à collecter la fluorescence) de type ZEISS Axiotech. Il est équipé d’une lampe halogène et d’une lampe à vapeur de mercure et est surmonté d’une caméra CCD. La sensibilité de cette dernière s’étant révélée beaucoup trop faible, nous l’avons remplacée par un photomultiplicateur IP28 (Hamamatsu) que nous avons connecté à un ampèremètre pour pouvoir quantifier la fluorescence émise ; l’intensité peut être lue sur différents calibres (1 à 4). Le faisceau excitateur est diaphragmé afin d’illuminer une petite partie de la surface à analyser. Pour mesurer la fluorescence à l’intérieur d’une zone supposée homogène, une moyenne est réalisée sur plusieurs points choisis par l’expérimentateur pour éviter de prendre en compte des motifs fluorescents ne correspondant pas à des greffages (agrégats, trainées fluorescentes, polymère).

Le principe de fonctionnement d’un microscope en épifluorescence est schématisé sur la figure 68.

Figure 68 Schéma de principe d’un microscope en épifluorescence

L’inconvénient majeur de cette technique réside dans le fait que nous sommes limités dans le choix du jeu de filtres : en effet, celui-ci doit permettre à la fois d’exciter de façon optimale l’échantillon (dans notre cas des supports greffés avec des traceurs fluorescents) et d’observer au maximum l’émission de fluorescence.

Au cours de notre étude, nous avons observé au microscope la fluorescence des deux traceurs CiNHS et CouNHS greffés sur les supports. Pour ce faire, nous avons utilisé deux jeux de filtres différents (Zeiss) dont les caractéristiques sont résumées ci-dessous :

Jeu de filtres N°05 Jeu de filtres N°09

Fluorophore analysé CouNHS CiNHS

Filtre d’excitation (passe-bande) λ∈ [395 – 440] nm λ∈ [450 – 490] nm Filtre dichroïque λ = 460 nm λ = 510 nm Filtre d’émission (passe-haut) λ > 470 nm λ > 515 nm

Tableau 12 Caractéristiques spectrales des jeux de filtres N°05 et N°09 (Zeiss)

Pour chaque jeu, les spectres des filtres d’excitation et d’émission sont présentés en annexe (Annexe 4). Pour faciliter la lecture, nous désignerons dorénavant par "5,cou" et "9,Ci" les deux jeux de filtres permettant d’analyser respectivement CouNHS et CiNHS.

D.I.3. Etanchéité du polymère

Quelle que soit la méthode de localisation employée, il convient de s’assurer que les motifs en polymère formés à même les supports sont parfaitement étanches et imperméables aux diverses solutions de capping ou de greffage, ainsi qu’aux différents solvants utilisés pour les rinçages.

Pour ce faire, nous avons fabriqué des plots en polymère sur la surface de plaques S, puis les deux composés fluorescents acides sous forme d’esters de succinimidyle, CiNHS et CouNHS, ont été greffés par mouillage sur la face polymérisée. Après les traitements habituels permettant de désorber les fluorophores, les plots en polymères ont été décollés des supports par immersion dans du DMF ; les plaques ont ensuite été analysées au spectrofluorimètre ou au microscope à fluorescence, afin d’étudier la localisation des greffages covalents.

D.I.3.1.Greffage par mouillage de CiNHS sur des plaques polymérisées

Nous avons polymérisé sur une plaque S, en appliquant le protocole développé dans la troisième partie (partie C), deux plots mesurant 15 mm de diamètre et distants bords à bords de 6 mm (dimensions théoriques), le lasage ayant été réalisé dans les deux directions orthogonales avec un pas égal à 100 µm.

Nous avons greffé sur la face polymérisée le dérivé cinnamilydène, en opérant par mouillage pendant 4 h. Après avoir décollé le polymère dans du DMF, la plaque est soigneusement rincée, successivement dans de l’eau distillée, de l’éthanol, et du dichlorométhane.

Après séchage à l’air, la fluorescence a été mesurée au spectrofluorimètre en plusieurs points sur la plaque (10 mesures), à l’extérieur et à l’emplacement des plots (Figure 69).

Les spectres de fluorescence sont présentés ci-après ; nous avons également reporté sur cette figure le spectre d’une lame S, réalisé dans les mêmes conditions (Figure 70).

Figure 70 CiNHS greffé par mouillage sur la face polymérisée

Spectres d’émission de fluorescence (λexc = 470 nm, mode Sc/RC, f = 3 nm)

En ce qui concerne les spectres réalisés au niveau des plots (mesures 3, 4, 6 et 7), il apparaît très nettement qu’on retombe sur le signal de la plaque, ce qui traduit bien que le cinnamilydène ne s’est pas greffé à cet endroit, tandis qu’on observe du greffage à l’extérieur des plots (mesures 1, 2, 5, 8, 9 et 10). Le greffage n’est certes pas homogène et on ne détecte qu’un faible signal pour les deux premières mesures : ceci peut être dû à un mauvais mouillage à cet endroit. Cependant, malgré la faible amplitude des spectres correspondant aux mesures 1 et 2 (courbes roses), les maxima ne correspondent pas pour autant à ceux de la plaque, centrés sur 530 nm à l’émission.

A l’issue de cette première étude, nous pouvons conclure positivement quant à l’étanchéité et à l’imperméabilité des motifs en polymère ; nous allons cependant vérifier ce point en utilisant cette fois-ci le traceur fluorescent CouNHS.

D.I.3.2.Greffage par mouillage de CouNHS sur des plaques polymérisées

Nous avons polymérisé sur une plaque S, dans les mêmes conditions qu’au paragraphe D.I.3.1., deux plots mesurant 15 mm de diamètre et distants bords à bords de 6 mm

(dimensions théoriques). Le composé CouNHS est greffé sur cette face en procédant par mouillage pendant 4 h ; les plots sont ensuite enlevés par traitement dans le DMF, après quoi la plaque est rincée successivement dans de l’eau distillée, de l’éthanol et du dichlorométhane. Le greffage est ensuite analysé au spectrofluorimètre : la fluorescence a été mesurée en plusieurs points sur la plaque (10 mesures), à l’extérieur et au niveau des plots (Figure 71).

Figure 71 Greffage par mouillage de CouNHS sur une plaque polymérisée

Analyse au spectrofluorimètre

Les spectres de fluorescence sont présentés ci-après :

Figure 72 CouNHS greffé par mouillage sur la face polymérisée

Spectres d’émission de fluorescence (λexc = 410 nm, mode Sc/Rc, f = 3 nm)

On remarque que les maxima sont tous décalés par rapport à 467 (λém), et ce d’autant plus que l’intensité de fluorescence est faible, ce qui correspond à une concentration en CouNHS

465 nm. On retrouve là le phénomène (effet de concentration) déjà évoqué et expliqué dans la deuxième partie (cf. partie B, paragraphe B.IV.2.2.).

Il apparaît que le greffage a été réalisé avec succès à l’extérieur des plots (mesures 4, 8, 9 et 10), quoique de façon très inhomogène (écart maximum de 65 % !). Cependant, on observe également de la fluorescence à l’intérieur des plots, certes plus faible, mais qu’il convient de prendre en considération. Etant donné que les plaques ont été soigneusement rincées après greffage, les phénomènes d’adsorption sont à écarter. Plusieurs hypothèses sont alors envisageables :

1) Les masques en polymère ne sont pas étanches. 2) Le polymère est perméable.

3) La solution de greffage est quand même venue mouiller la surface avec laquelle elle n’était pas en contact (face non polymérisée de la lame, à l’air libre au cours du greffage), d’où la fluorescence observée au niveau des plots.

4) Le greffage de CouNHS sur le support à l’intérieur des plots (après que ceux-ci aient été séparés des supports) a eu lieu au cours des étapes de rinçage : on peut imaginer qu’une certaine quantité de fluorophore ait été adsorbée sur la surface polymérisée au cours du greffage, qu’elle ait été relarguée dans les eaux de rinçages, et qu’elle se soit greffée sur les fonctions amine libres (notamment à la place des plots).

On peut d’ores et déjà rejeter l’hypothèse N°3 : la solution n’est jamais venue mouiller la surface à l’air libre au cours du greffage, et par ailleurs, si les deux faces du support avaient été mouillées, on observerait bien plus de greffage sur toute la surface de la lame.

Il semble également peu probable que CouNHS se soit greffé sur les fonctions amine libres lors des étapes de rinçage, étant donné que les solvants utilisés ne correspondent pas aux milieux préconisés dans la littérature pour le greffage sur supports aminés d’esters de succinimidyle ; de plus, on observerait là aussi plus de fluorescence partout sur la plaque. Enfin, comme nous le verrons plus loin à propos du greffage localisé par dépôt de CouNHS à l’intérieur des puits (cf. D.II.1.1.b.), bien que les rinçages aient été réalisés de la même façon une fois le polymère décollé, ce phénomène n’a pas été du tout observé, et le greffage est resté bien localisé.

Cette remarque permet également de rejeter l’hypothèse N°1 selon laquelle les motifs ne seraient pas étanches : en effet, comme nous allons le voir (cf. D.II.1.1.b), le greffage reste strictement localisé à l’intérieur des puits lorsqu’on procède par dépôt.

Il semble donc que le polymère soit perméable ; cependant, le signal observé sous les plots reste faible comparé aux surfaces directement en contact avec les solutions de greffage (9 % par rapport au point 4, et 26 % par rapport au point 10).

Nous avons dans un deuxième temps analysé cette plaque au microscope à fluorescence : nous avons réalisé un profil de ligne horizontal de l’intensité de fluorescence, de façon à pouvoir comparer l’extérieur et l’intérieur des plots (Figure 73). Pour ce faire, nous avons utilisé le jeu de filtres 5,cou, et nous avons mesuré l’intensité en sortie du PM (grossissement : × 5, calibre : 2) en différents points le long d’une ligne passant par les deux plots (ligne A →

F).

Remarque : Le diamètre de la surface d’observation (décagone régulier obtenu en diaphragmant le faisceau excitateur) mesure 600 µm (φobs).

Figure 73 Plots en polymère : CouNHS greffé par mouillage sur la face polymérisée

Profil de ligne de l’intensité de fluorescence (jeu de filtres 5,cou, grossissement : × 5, calibre 2)

plots. Le greffage semble par ailleurs parfaitement délimité : on observe distinctement à travers l’objectif deux disques noirs, et une intense fluorescence dans le bleu à l’extérieur des plots. Le profil présenté ci-dessus vient illustrer de façon quantitative et appuyer ces observations : la fluorescence est très intense quoique très inhomogène à l’extérieur des plots, et le signal est nettement plus faible à l’intérieur. On ne peut cependant pas l’assimiler à du bruit de fond, puisqu’il est toujours légèrement supérieur au signal moyen d’une plaque S vierge, mesuré le même jour et dans les mêmes conditions : ce faible signal de fluorescence signifie qu’il y a aussi eu du greffage à l’intérieur des plots, mais ce, dans une moindre proportion.

Nous pouvons conclure de l’ensemble de ces résultats que les motifs polymérisés ne sont pas totalement imperméables, mais que le greffage reste faible lorsque les sites sont protégés par le polymère par rapport aux surfaces directement en contact avec les solutions. Par ailleurs, il semble que lorsqu’on procède par mouillage, le greffage ne se fasse pas de façon homogène sur toute la surface fonctionnalisée du support.