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III. Localisation des greffages sur les supports

De nombreuses méthodes de localisation des greffages sur les supports sont décrites dans la littérature. Ces méthodes font appel à des techniques photochimiques (déprotection de groupes photolabiles, utilisation de résines photosensibles) permettant dans certains cas d’opérer des modifications localisées des propriétés de surface des supports (hydrophilie/hydrophobie), mais aussi à des techniques électrochimiques (les sondes sont fixées sur des microélectrodes) ou à la microfluidique (adressage des liquides à travers des microcanaux). Les dépôts peuvent être également localisés par microcontact (microtamponnage), par électrovaporisation, par la méthode d’impression à jet d’encre, ou ils peuvent être plus basiquement confinés à l’intérieur de puits physiques.

Nous allons à présent décrire quelque unes de ces méthodes.

A.III.1.Localisation par des techniques photochimiques

On distingue les méthodes basées sur l’utilisation de groupes photolabiles, de celles mettant en œuvre une résine photosensible.

A.III.1.1.Utilisation de groupes photolabiles

Un groupe photolabile est une molécule qui possède au sein de sa structure une liaison chimique qui peut être coupée lorsqu’elle est irradiée à une longueur d’onde appropriée : c’est la photolyse. La liaison chimique dont il est question est qualifiée de photolabile. Les groupes photolabiles sont généralement utilisés pour protéger certaines fonctions chimiques. Ils sont notamment utilisés dans les procédés de synthèse in situ des puces à ADN.

La technique développée par Affymetrix permet de synthétiser les sondes oligonucléotidiques, base après base, sur des bandes de surface : on répète plusieurs fois le même cycle, au cours duquel on déprotège sélectivement certains groupes photalabiles, à la suite de quoi on réalise le couplage des nucléotides. L’irradiation des groupes photolabiles se

On trouve également dans la littérature quelques références relatives à la synthèse par adressage photochimique de peptides sur des supports recouverts de cellulose [Frank, 1992], ou sur des lames de verre fonctionnalisées [Fodor et al., 1991].

Shin et al. (2003) ont étudié le couple biotine/streptavidine pour modéliser les interactions ligand/protéine : la biotine est greffée sur des lames de verre silanisées (APTS), via un espaceur de type polyéthylène glycol terminé par le groupe photolabile NVOC (6-nitrovératryloxycarbonyle). Les sites réactionnels (-NH2) sont régénérés en certains endroits bien définis par des irradiations localisées (Figure 7) réalisées via un système optique complexe comprenant un réseau de micromiroirs (MMA).

Figure 7 Greffage localisé de la biotine sur des lames de verre silanisées : irradiation du groupe photalabile NVOC [Shin et al., 2003]

Ko et al. (2005) ont également procédé à des irradiations pour localiser les sites réactionnels où seront greffés des anticorps : après avoir recouvert une surface en or d’hexadécanethiol, ils ont réalisé des irradiations à travers un photomasque constitué de 25 trous (matrice 5×5 trous, d = 1 mm). L’acide 11-mercaptoundécanoïque est ensuite fixé au niveau des sites déprotégés, puis activé sous forme d’ester de succinimidyle pour permettre le greffage des anticorps. Les greffages sont réalisés par des dépôts : étant donné que les

propriétés de surface diffèrent entre l’intérieur (acide activé, hydrophile) et l’extérieur des puits (alcanethiol, hydrophobe), les dépôts restent bien localisés.

A.III.1.2.Utilisation d’une résine photosensible

Pour confiner les réactifs en des endroits bien localisés, on peut soit délimiter les zones de synthèse entre des murs en polymère fabriqués à partir d’une résine photosensible hydrophobe, soit réaliser des matrices de puits à l’intérieur desquels on va pouvoir effectuer des dépôts.

Le Proust et al. (2000) ont fabriqué sur des supports en verre des matrices de puits carrés ou circulaires (d = 300, 900 ou 1 200 µm), réalisés par photolithographie à partir d’une résine photosensible polyimide (hydrophobe). La silanisation est réalisée à l’intérieur des puits par immersion des supports dans une solution ; le polymère est ensuite enlevé avec des solvants, après quoi la fonctionnalisation se poursuit au niveau des sites silanisés. Les applications qui sont faites de ce biocapteur concernent la synthèse in situ d’ODN, par adressage photochimique, en utilisant des groupes photolabiles protecteurs.

Schneider et al. (2000) ont procédé d’une manière différente : ils ont fabriqué des plots en polymère sur une surface en nitrure de silicium. Après avoir désactivé les zones extérieures aux plots avec le perfluorosilane, le polymère est décollé et le silane GOPS (3-glycidoxypropyldiméthyléthoxysilane) est greffé à l’emplacement des plots, pour permettre la fixation d’anticorps.

A.III.2.Fabrication de micropuits et de microcanaux en PDMS

Hyun et Chilkoti (2001) ont développé une méthode de localisation des greffages basée sur la modification des propriétés de surface d’un matériau. Ils ont fabriqué par moulage des micropuits ou microcanaux en PDMS (30 µm de large), qu’ils ont rendu hydrophiles par oxydation avec un plasma O2, la surface à l’extérieur de ces motifs étant rendue hydrophobe par adsorption d’hexadécanethiol. Les dépôts restent alors confinés à l’intérieur des micropuits hydrophiles, ou bien les liquides sont adressés à travers les microcanaux délimités par des bandes de surface hydrophobes.

Smith et al. (2003) ont immobilisé des carbohydrates en des endroits bien localisés sur des surfaces en or, via des microcanaux en PDMS.

Taitt et al. (2002) ont développé une méthode permettant d’analyser simultanément et sur un même support, divers composants présents dans différents échantillons. 3 mélanges différents comprenant chacun 3 anticorps (sondes) sont adressés sur 3 rangées parallèles à travers des canaux en PDMS : les 9 anticorps sondes sont greffés sur le support via le complexe NeutrAvidine/biotine (anticorps biotinylés). 3 échantillons distincts d’anti-anticorps (cibles) sont adressés via d’autres canaux sur 3 rangées, perpendiculairement à celles où ont été immobilisées les sondes. Le principe de cette méthode est schématisé sur la figure 8 :

Figure 8 Principe de la méthode de localisation des réactions développée par Taitt et al. (2002)

Ils ont ainsi pu détecter jusqu’à 9 anti-anticorps différents répartis dans 3 échantillons.

A.III.3.Localisation par des techniques de microcontact

Le microtamponnage ("micro-contact printing") compte parmi les techniques les plus fréquemment utilisées pour localiser des greffages sur une surface [Xia & Whitesides, 1998 ; Lahiri et al., 1999]. Cette méthode a pour principe le transfert par contact de molécules adsorbées sur un tampon, vers la surface d’un support. Elle a pour inconvénient qu’il est difficile de contrôler avec précision la quantité de réactifs transférés.

Lee et al. (2003) ont développé une technique similaire dans son principe : ils ont modifié chimiquement des pointes en nitrure de silicium utilisées en microscopie à force atomique (AFM), de telle sorte qu’elles soient recouvertes d’un film hydrophile qui va permettre l’adsorption de protéines (IgG) sur cette surface. Les protéines sont ensuite

transférées par contact, de la pointe AFM vers une surface en or (adsorption via les résidus cystéine). Cette méthode permet de réaliser des dépôts parfaitement localisés, à l’échelle nanométrique.

A.III.4.Localisation par des techniques basées sur l’éjection de molécules

Ces méthodes ont pour principe l’éjection de réactifs vers la surface d’un support ; il peut alors s’agir de dépôts liquides ou en phase vapeur.

La technique d’impression à jet d’encre ("ink-jet printing") a pour principe l’éjection d’une goutte de liquide à l’extérieur d’un réservoir, vers la surface d’un support : une matrice d’injecteurs permet de déposer en parallèle la même quantité de différents réactifs en des endroits bien localisés. Dugas et al. (2005) ont développé une technique similaire pour effectuer des dépôts d’ODN sondes en solution (10 nL) sur un support fonctionnalisé : ce dernier, disposé sur une platine de translation xy, se déplace sous l’éjecteur pour permettre la discrétisation des dépôts.

Il existe également des procédés permettant de réaliser des dépôts par électrovaporisation tels que l’ESD ("electrospray deposition"). Les molécules sont vaporisées avec un faible taux d’humidité (inférieur à 30 %) à travers un masque percé de trous. Les dépôts réalisés de cette manière mesurent quelques micromètres de diamètre. Cette technique est rapide et consomme très peu de réactifs (100 pg de protéines contre 1 µg dans le cas de plaques standard à 96 puits, soit le 10 000ème !). Avseenko et al. (2002) ont ainsi pu fixer 28 protéines différentes sur une surface mesurant 0,6 × 0,6 mm2.