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I. C ADRE GEOLOGIQUE DU D ELTA DU S OBRARBE

1.4. Le complexe deltaïque du Sobrarbe

1.4.3. Lithologie

La géométrie des dépôts du delta est classiquement organisée en séries de foresets qui progradent vers le bassin (Figure 1.9). Des variations latérales de faciès sont observées au sein de chaque foreset, les dépôts les plus fins étant logiquement les plus distaux. Cette organisation permet de définir une évolution topset-foreset-toeset, les foresets étant inclinés vers le bassin avec un angle variant entre 2 et 12° (Dreyer et al., 1999). L’inclinaison de la pente a évolué en relation avec la mise en place de l’anticlinal d’Arcusa, un petit pli de front de chevauchement situé à l’extrême sud du bassin, mais la géométrie actuelle des foresets est probablement représentative de la géométrie de dépôt à l’Éocène (Dreyer et al., 1999)

Au niveau lithologique, les dépôts du complexe deltaïque du Sobrarbe peuvent être divisés en deux grands types de successions (Dreyer et al., 1999) : une succession transgressive carbonatée de shoreface, et une succession deltaïque clastique progradante. Les successions, qui sont contrôlées par les cycles tectono-eustatiques, sont comprises dans 4 séquences séparées par des surfaces de régression majeure (RU), comprenant elle-mêmes des unités mineures séparées par des surfaces d’inondations maximales (MFS). Les unités peuvent être séparées en prisme de bas niveau (Lowstand System Tract, LSST), intervalle transgressif (Transgressive System Tract, TST) et prisme de haut niveau (Highstand System Tract, HSST).

Figure 1.9. Schéma de corrélation simplifié indiquant l’architecture stratigraphique du complexe deltaïque du

Sobrarbe (d’après Dreyer et al., 1999). Le tracé précis du transept SE-NNW est indiqué sur la Figure 6 de Dreyer et al. (1999). On peut noter la succession des quatre séquences composites, les variations latérales de facies rapides et la forme caractéristiques des foresets plongeant vers le bassin. La séquence de Biñas définie par Callot et al. (2009), située entre les séquence de Las Gorgas et de Barranco El Solano n’est pas représentée.

Dans le détail, Wadsworth (1994) et Dreyer et al. (1999) ont séparé les deux successions lithologiques en 6 associations de faciès (FA) (Figure 1.9) qui se succèdent de manière plus ou moins cyclique dans le delta :

CHAPITRE I CADRE GEOLOGIQUE DU DELTA DU SOBRARBE

(i) marnes de pente et grès turbiditiques (Association de Faciès 1, FA1) : cette association de faciès représente environ 30% de la succession du delta du Sobrarbe et est constituée de marnes argileuses et de marnes pouvant atteindre plusieurs dizaines de mètres d’épaisseur. Ce sont les dépôts les plus distaux (prodelta et pente deltaïque), mis en place sous la limite d’action des vagues de tempête. Les marnes du FA1 sont intercalées entre des grès déposés en environnement proximal (FA2 et FA3) et les surfaces d’inondation maximales (MFS) du FA4. On trouve également parfois dans ces marnes des lentilles de grès turbiditiques de faibles dimensions qui contrairement aux chenaux majeurs du Hecho Group, ne sont pas prolongés par des cônes sous-marins. Les marnes argileuses et marnes du FA1 contiennent toutes les concrétions dolomitiques décrites dans cette thèse.

(ii) grès silteux bioturbés de front distal de delta (distal delta front) (FA2) : les grès très fins à moyens du FA2 représentent environ 25% de la succession sédimentaire et se sont déposés sur la partie inférieure du front deltaïque, sous la limite d’action des vagues de beau temps. Ils peuvent constituer des dépôts massifs (jusqu’à 40 mètres d’épaisseur) mais sont plutôt représentés par des bancs de 2 à 10 mètres alternant avec les FA1 et FA3. A l’échelle d’un foreset, les grès du FA2 disparaissent vers le bassin au profit des marnes du FA1 et vers le continent au profit des dépôts de plaine deltaïque du FA3. L’intense bioturbation des grès a souvent fait disparaître leur structuration interne.

(iii) dépôts proximaux et de plaine deltaïque (FA3) : les dépôts de cette association de faciès, les plus grossiers, se sont mis en place en milieu de shoreface interne à intertidal (estrans, débouchés de rivières, lagons...). Ils comprennent des grès grossiers à fins, des boues et silts dont les structures internes (rides, lamines entrecroisées, sigmoïdes, drapages de fines, courants bi-directionnels, etc.) témoignent de courants souvent importants.

(iv) dépôts biogéniques aux surfaces d’inondation (FA4) : les surfaces d’inondation maximales (MFS) apparaissent souvent entre les FA2 et FA1 et témoignent d’un dépôt en conditions peu profondes. Elles sont caractérisées par des surfaces condensées riches en fossiles, bioclastes et traces de bioturbations pouvant faire de 0,5 à 15 mètres d’épaisseur et témoignant de réduction du taux de sédimentation et une augmentation progressive de l’espace disponible. Les dépôts du FA4 sont reconnaissables sur plusieurs km2, ce qui en fait les principaux marqueurs de corrélation au sein du delta.

(v) sédiments d’instabilités gravitaires (FA5) : la quantité importante d’instabilités sédimentaires dans les deltas est une des causes majeures de redistribution des sédiments vers le bassin (Callot et al., 2009). Dans le complexe deltaïque du Sobrarbe, les sédiments affectés par les instabilités constituent environ 15% de la succession. Dans le remplissage des cicatrices faisant suite au départ des sédiments sont trouvés des sédiments déformés lors des glissements (slumps, coulées de débris, radeaux, etc.) impliquant des sédiments de différents faciès (FA1, FA2, FA3) ou des sédiments drapant les cicatrices (ou les deux) appartenant surtout au FA1 et FA2. Callot et al. (2009) suggèrent que le départ des sédiments a été provoqué par des taux de sédimentation élevés, une baisse du niveau marin en relation avec la tectonique et peut-être l’activité sismique. Les instabilités sont présentes principalement à la transition entre le front proximal et le front distal du delta (Dreyer et al., 2009).

(vi) et calcaires nummulitiques de faible profondeur (FA6) : des lits de 3 à 10 mètres d’épaisseur constitués d’accumulations de packstones à Nummulites et de marnes riches en Nummulites sont parfois observés au sommet des faciès de faible profondeur (FA2). Les accumulations se sont déposées lors de périodes où l’apport de matériel détritique était réduit, permettant le développement des Nummulites dans des zones protégées. Les Nummulites sont parfois redéposées, montrant des imbrications, des orientations parallèles ou des statifications entrecroisées à grande échelle. Les lits qui les contiennent ont des géométries variables (tabulaires à chenalisés).