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II. L A DIAGENESE DES SEDIMENTS DU DELTA DU S OBRARBE

2.7. Diagenèse : comparaison avec les dépôts antérieurs du bassin

2.7.1. Comparaison des structures dolomitiques (concrétions du delta et Yellow Beds du Hecho Group)

2.7.1.1. Dolomitisation dans les faciès turbiditiques : les Yellow Beds.

Marfil et al (sous presse) ont récemment proposé un modèle génétique pour expliquer la présence de couches jaunes d’épaisseur centimétrique à décimétrique (Yellow

Beds, YB, Figure 2.47A) à proximité de chenaux de décharge turbiditiques, dans les TSU 1 à

5 du bassin d’Ainsa-Jaca. Les couches, souvent riches en dolomite (mais pas toujours), apparaissent au sommet de cônes sableux associés à des régressions de 3ème ordre (Figure

2.47B). Elles sont organisées en une ou plusieurs couches successives qui traduisent des

cycles de quatrième ordre. Les YB sont interprétées par Marfil et al (sous presse) comme étant des sections condensées formées entre des périodes de décharge turbiditique.

La description de la pétrographie et de la composition chimique des YB met en évidence de grandes similitudes avec les concrétions du delta du Sobrarbe. En revanche, les valeurs des rapports d’isotopes stables (C et O) sont différentes.

Figure 2.47. (A) Schéma représentant une coupe transversale à travers le chenal de décharge et les dépôts d’overbank au sein d’un prisme de bas niveau marin. Les YB sont supposés se former dans les dépôts d’overbank (flèche) (d’après Marfil et al., sous presse) ; (B) Photographie de Yellow Beds (YB) du Hecho

Group (d’après Marfil et al., sous presse) ; A) Surcroissance ferreuses (1, 2) sur dolomites de type III observées

dans le Hecho Group (MEB, électrons rétrodiffusés). On observe la présence de surcroissances ferreuses comparables aux dolomites D3 des conduits à barytine. D’après Marfil et al., sous presse.

2.7.1.2. Comparaison des observations pétrographiques des concrétions et des YB

Les YB présentent de débris silicoclastiques silteux, de petites traces de bioturbations, de pelotes fécales, de débris de foraminifères et de radiolaires, ainsi que de plantes terrestres, ce qui est en accord avec nos observations sur les concrétions du delta. Cependant, Marfil et al. (sous presse) suggèrent que les YB se sont formées sur des tapis algaires, expliquant l’alternance de lamines riches puis pauvres en matière organique. Les bioclastes sont dissous et remplacés par de la calcite et du quartz microcristallin. Les cristaux de dolomites sont principalement automorphes. Trois ciments ont été distingués :

(i) de petits cristaux isolés (type I) dans les lamines micritiques et marneuses,

(ii) des cristaux automorphes à subautomorphes comblant des porosités intergranulaires ou remplaçant la matrice micritique (type II). Ils pourraient être comparés aux dolomites D1, également automorphes à subautomorphes, mais ils peuvent montrer des textures xénomorphes et sont globalement moins riches en Fe.

(iii) des cristaux ayant un cœur de dolomite détritique (anguleux ou sub-arrondi) et des surcroissances riches en Fe, avec des traces de dissolution (type III) (Figure 2.47). Ces dolomites, surtout observées dans le TSU5, ont une texture et une composition comparable aux dolomites D2 et D3 des concrétions. Par ailleurs, des petits cristaux de dolomites comparables aux types I et II, parfois au type III (surcroissances) sont également observés dans les grès situés à proximité des YB.

Enfin, Marfil et al (sous presse) décrivent un ciment de calcite post-compactionnel, remplissant les porosités résiduelles, ainsi que la présence de pyrite framboïdale et octahédrique, souvent dans les chambres de foraminifères et antérieure aux ciments de dolomite et de calcite.

2.7.1.3. Comparaison des analyses de composition sur roche totale

Pour étayer leur hypothèse d’une dolomitisation liée à des périodes de condensation, les Marfill et al. (sous presse) se basent sur des analyses de composition (roche totale). La similarité entre les méthodes employées pour les analyses des YB et des concrétions du delta permet des comparaisons directes. Les similarités de composition entre les deux types de structures sont clairement visibles :

- les deux types de structures apparaissent dans des sédiments fins. Les YB ont une composante détritique de type mud comparable au pôle shale de notre étude, mais les marnes et concrétions du delta présent une composante silteuse qui n’est pas retrouvée dans les YB, formés dans des sédiments turbiditiques profonds.

- les YB sont systématiquement enrichis en Ca, Mg, Fe, Mn, P et Y par rapport aux argilites adjacentes, et légèrement enrichis en La, Nd et Yb. Des enrichissements comparables sont observés dans les concrétions dolomitiques du delta, à l’exception des éléments traces (La, Nd et Y). Par ailleurs, les YB sont appauvries en Sr de manière systématique par rapport aux argilites encaissantes.

- comme dans les concrétions, les teneurs en Fe, Mn et P sont corrélées. Fe et Mn sont contenus dans les phases carbonatées, mais la phase contenant P pourrait être l’apatite, expliquant l’enrichissement en Y. L’enrichissement en Fe, Mn et P dans les YB est attribué à la succession de périodes de condensation durant lesquelles la colonisation algaire est maintenue par l’arrivée d’eau oxygénée durant les décharges turbiditiques, tandis que l’enrichissement en Ca et Mg est le résultat de la dolomitisation partielle.

Tout comme dans les concrétions, la dolomitisation est supposée avoir débuté précocement dans les YB, selon le modèle de l’organogenic dolomite, puis avoir continué durant l’enfouissement.

CHAPITRE II LA DIAGENESE DES SEDIMENTS DU DELTA DU SOBRARBE

2.7.1.4. Comparaison des valeurs isotopiques

Pour les dolomites des YB, les données de Marfil et al. (sous presse) indiquent un δ13C de -0,3 à +2,2‰, ce qui est comparable aux valeurs de la majorité des concrétions du delta, même si des valeurs plus élevées sont également observées. Les valeurs de δ18O (-10.4 à - 6.2‰), qui proviennent majoritairement des Fe-dolomites de type III, sont en revanche beaucoup plus basses. Concernant les ciments de calcite, les valeurs de δ13C et δ18O (respectivement -2,7 à 0,35‰ et -8.1 à -5.6‰) sont généralement comparables au ciment C2 des marnes, en particulier dans le TSU5.

2.7.1.5. Interprétation

Les similarités de composition entre les YB et les concrétions étudiées dans le delta du Sobrarbe sont évidentes, notamment par leur enrichissement en Fe, Mn et P. De plus, les cristaux de dolomites que l’on y retrouve ont des caractéristiques texturales et compositionnelles proches, avec une augmentation progressive de la teneur en Fe pour les générations les plus tardives.

Cependant, les YB et les concrétions se démarquent par plusieurs aspects :

- les YB ayant une dolomitisation notable se présentent sous la forme de couches de grande extension, alors que les concrétions dolomitiques ont un volume limité. Si les concrétions dolomitiques apparaissent souvent au sein de couches particulières, ces dernières ne sont pas dolomitisées en masse. En effet, le développement des concrétions se réalise souvent autour d’hétérogénéités telles que des bioturbations qui peuvent traverser les couches de marnes sur plus de deux mètres.

- la présence au sein d’une même couche de lamines ayant des teneurs en matière organique et en dolomite différentes, en relation avec des constructions algaires, n’a pas été trouvée dans les concrétions du delta. Les concrétions sont dolomitisées sur l’ensemble de leur volume, et l’importance de la dolomitisation diminue du centre vers le bord des concrétions, en même temps que les teneurs en Fe, Mn, P, Mg et Ca, et ce au sein d’une même couche.

- les données isotopiques des YB indiquent des températures de dolomitisation plus élevées que dans les concrétions.

Ces différences indiquent que le scénario de condensation proposé par Marfil et al. (sous presse) est difficilement applicable aux concrétions observées dans le delta. Une première raison est simplement le fait que le passage des sédiments profonds du Hecho Group aux sédiments deltaïques s’est traduit par l’absence de chenaux turbiditiques majeurs (Sutcliffe et Pickering, 2009) : un lien génétique entre ces chenaux et les concrétions dolomitiques du delta n’est donc pas envisageable. Si la croissance des concrétions a été également favorisée par des changements du taux de sédimentation, on peut penser que leur croissance dans les marnes nécessite un taux de sédimentation globalement conséquent pour expliquer la dolomitisation en zone de méthanogenèse (Mozley et Burns, 1993), à l’inverse de ce qui est envisagé pour les YB. Pour autant, les compositions chimiques montrent que l’enrichissement en Fe, Mn et P dans les carbonates s’est déroulée dans les deux cas. Dans le cas des concrétions, il n’est pas nécessaire d’invoquer des baisses brutales du taux de sédimentation pour expliquer ces enrichissements localisés. Ces éléments peuvent s’être préférentiellement concentrés dans les concrétions en raison d’un environnement local plus réducteur que les marnes adjacentes. L’enregistrement commun d’un enrichissement en Fe et Mn des dolomites au cours de l’enfouissement témoigne d’un environnement de plus en plus réducteur dans les deux cas, favorisant une hausse des concentrations en Fe et Mn sous forme dissoute et leur incorporation dans les dolomites.