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Liste des portraits (à partir des années 1880)

Faculté de Médecine

Sur les quarante-deux professeurs identifiés dont on a peint le portrait (tous recensés par Jacques Frexinos, 2015), six sont décédés après 1880 et aucun n’a été doyen : Germain Dupré (1811-1893), Edouard Filhol (1814-1883) ; Joseph-Louis-Félix Garrigou ((1835-1920) ; Auguste Guilhem (1848- 1920) ; Jean-Victor Chalot (1850-1903) et Alphonse Mossé (1852-1936). Il faut ajouter cinq anonymes (mais trois peintres sur cinq sont identifiés), ce qui porte le total à onze professeurs pour la période que nous avons retenue

A cette liste des tableaux accrochés dans l’ancienne Faculté de Médecine, allées Jules Guesde (salle du Conseil, bureau du Doyen…) il faut ajouter les portraits anciens et récents de professeurs réunis au Musée d’Histoire de la Médecine de Toulouse (Musée Jean-Charles Auvergnat). Parmi eux, ceux de Jean-Charles Auvergnat, Albert Valdiguié, Joseph Ducuing ou Guy Lazorthes (cf. supra), mais aussi d’André Bazex167. Mais ces portraits (peintures et photographies) accrochés aux murs ou exposés dans des vitrines au milieu d’objets (surtout des instruments médicaux) n’ont pas vocation à constituer une galerie de portraits. Ce sont des éléments, parmi d’autres éléments d’ailleurs bien plus nombreux, et c’est l’ensemble qui fait sens.

Université Toulouse - Capitole

L’ouvrage Toiles, gravures, fusain et sanguine… maintes fois cité ici recense de manière très précise, avec un descriptif technique (et une biographie), 56 portraits, pour l’essentiel de professeurs (certains ayant aussi été doyens), auxquels il faut ajouter une mosaïque photographique représentant 13 professeurs ainsi que deux bustes (Maurice Hauriou et Achille Mestre). Sur ces 56 personnages, 40 étaient en activité entre 1880 et 1973, date du décès de Gabriel Marty, dernier doyen à avoir été honoré d’un portrait peint. La plus part de ces tableaux, ainsi que le buste d’Achille Mestre, sont exposés dans la salle Maurice Hauriou, ancienne salle des professeurs168.

On s’attardera quelque peu sur deux points, d’ailleurs complémentaires : d’abord le moment et les raisons invoquées de la constitution des galeries de portraits, ensuite la signification profonde de ces galeries.

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André Bazex (1911-1988), était professeur de médecine (1951), titulaire de la chaire de dermatologie. Né d’un père médecin, il a fait ses études secondaires à Auch et sa médecine à Toulouse. Son fils Jacques sera professeur de dermatologie à la Faculté de Médecine de Toulouse et membre de l‘Académie Nationale de Médecine.

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Pour chaque tableau (et donc chaque biographie), se reporter à Mission Archives, Delvit P., 2006, Toiles, gravures, Fusain et sanguine… Une galerie de portraits à l’Université, Toulouse : Presses de l’Université des Sciences sociales.

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Le point de départ de la tradition de la galerie des portraits n’est pas le même pour les deux institutions : il date de la fin du 18ème siècle pour la Faculté de Médecine (Frexinos, 2015, 109) et seulement du début du 20ème siècle pour la Faculté de Droit (Mission Archives, Delvit, 2006, 68-69). Mais les raisons invoquées pour justifier cette pratique sont identiques : sans doute honorer des figures universitaires anciennes ou contemporaines, et contribuer à la construction du grand livre de la mémoire académique, mais aussi et surtout construire un marqueur fort de « l’entre-soi », un élément symbolique important constitutif de la « maison commune » : « Il nous fit un chez nous », rappela de façon significative Maurice Hauriou dans son éloge funèbre à Antonin Deloume, celui-là même qui, alors qu’il était doyen, initia cette tradition à la Faculté de Droit (Mission Archives, Delvit, 2006, 68). Cette impression est renforcée par le quasi-anonymat des figures mises en portraits (pas de cartels biographiques), comme si chaque membre de la communauté savante était censé avoir avec chacun une relation de familiarité.

Ce chez nous, cet entre-soi - qui va bien au-delà de la sociabilité professionnelle - est une référence patrimoniale commune pour les communautés des universitaires médecins et juristes, voire un moyen « d’exalter ce lien entre les générations d’hier et celles d’aujourd’hui » (Mission Archives, Delvit, 2006, 67). C’est aussi une référence patriarcale car les femmes sont absentes. Et c’est enfin une démarcation visible et revendiquée vis-à-vis de l’extérieur : les non-médecins, les non-juristes, et au-delà les non-universitaires. De façon quasi-caricaturale, on est ici de plain-pied dans le registre de la « distinction » quasiment dans les termes employés par Bourdieu (1979).

Depuis les années 1970, des photographies ont pris la place des tableaux pour les chercheurs mis en portraits (en fait, le plus souvent des présidents d’université). Mais la mise en galerie n’a pas pour autant été supprimée. Par ailleurs, avec la montée en puissance de la patrimonialisation, cette marque de l’entre-soi que l’on conservait pour soi quand le lieu était fermé ou très peu ouvert aux publics extérieurs est à l’occasion d’une cérémonie ou d’une journée portes ouverte, montrée à ces derniers. D’aucuns pourraient y reconnaître le souhait de leur faire sentir la différence entre « nous » et « vous », tandis que d’autres préfèrent y voir le signe d’une ouverture vers d’autres mondes sociaux.

Désormais, des portraits d’un autre type configurés en galeries temporaires (expositions sur les pratiques scientifiques ou sur les parcours professionnels) ou plus pérennes (mises en ligne sur le site d’une institution académique) sont régulièrement dressés dans des villes universitaires à l’intention de publics non exclusivement académiques169. Le plus souvent, il s’agit de récits biographiques qui ne se matérialisent pas uniquement par des photographies ou

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Ainsi, l’Exposition urbaine et numérique dans le centre-ville de Poitiers (1er-14 décembre 2014) proposant des portraits de chercheurs de différentes disciplines, complétée par une présentation sur le site internet de l’université. Ou encore les portraits de chercheurs de l’INSERM Toulouse (2008, 2009, 2010, 2011, 2014), réalisés dans le cadre de l'évènement européen La Nuit des Chercheurs, dressés par des étudiants de l'ESAV (Ecole Supérieure d'Audiovisuel) de Toulouse et mis en ligne sur le site de l’INSERM Midi-Pyréées/Limousin http://www.toulouse-limoges.inserm.fr/rubriques/science-pour- tous/portraits-de-chercheurs. Cf. aussi sur le site de l’INRA Toulouse quelques portraits de chercheurs

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des vidéos et qui relèvent au moins autant d’une démarche patrimoniale (laisser des traces) que réflexive (reformuler le rapport à la production des savoirs à travers la narration des producteurs). Ils sont constitués de « textes » écrits, (audio)visuels, papiers ou numériques, inédits ou puisés dans des ressources documentaires, dans lesquels d’autres chercheurs souvent spécialistes des Sciences studies, se sont impliqués en relation avec les services concernés (entre autres ceux chargés de la communication) des établissements. En outre, les chercheurs ainsi représentés ont souvent été mis à contribution à travers l’autoproduction des récits de leur vie scientifique et de leur parcours personnels.

Une initiative scientifique de ce type a été menée à terme sur le site toulousain dans le cadre du programme de recherche PAtrimoine TOUlousain Scientifique (PATOUS) et ses traces sont conservées. Elles sont aujourd’hui visibles, notamment sur le site de l’Université Fédérale de Toulouse170. Il s’agissait de mettre en mémoire, à travers des témoignages de chercheurs sous la forme d’entretiens filmés en vidéo entre 2011 et 2013, l’activité scientifique toulousaine des années 1960-1990, tous établissements confondus171.

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http://www.univ-toulouse.fr/culture/patrimoine-contemporain/temoignages-de-chercheurs

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Sur ce point, cf. Adell N., 2013, « Sur les traces de la vie savante à Toulouse », Mondes Sociaux, mis en ligne le 22 octobre 2013, http://sms.hypotheses.org/1478.

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