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Sciences de l’information et de la communication, LERASS, Université Toulouse 3 Paul Sabatier

INTRODUCTION A) Méthodologie

A) Les établissements et leurs composantes

1) Les établissements

a) L’Université Toulouse 3 – Paul Sabatier

C’est le 18 décembre 1969, dans la foulée, d’une part, de la fusion des anciennes Facultés des Sciences, de Médecine et de Pharmacie, d’autre part de l’autonomie des universités, toutes deux liées à la Loi Faure, que l’Université Toulouse 3 a pris le nom de « Paul Sabatier ».

Paul Sabatier (1854-1941) a été élu en 1884 (à l’âge de 30 ans) Professeur titulaire de la chaire de chimie générale de la Faculté des Sciences de Toulouse, poste qu'il a occupé jusqu'à son départ en retraite en 1930. Il est devenu Doyen en 1905 et pendant son long décanat il a été un acteur très impliqué dans la structuration locale, pour ne pas dire la modernisation, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Pour ses travaux, il a reçu un nombre important de distinctions, la plus prestigieuse étant le Prix Nobel de Chimie (1912), partagé avec le nancéen Victor Grignard. Il a par ailleurs été notamment membre de l’Académie des Sciences (1913) et de la Royal Society (1918) et… mainteneur de l’Académie des Jeux Floraux à partir de 190998. Enfin, Paul Sabatier, « régionaliste convaincu », selon les termes de Charles Camichel (cf. note 6), était tellement attaché à Toulouse qu’il a ignoré, à plusieurs reprises, des appels pressants à poursuivre sa carrière à Paris à une époque où les universités provinciales ne bénéficiaient que d’une faible considération. Fait notable, l’Académie des Sciences a été contrainte de modifier en 1913 son règlement qui demandait à tous ses membres de résider à proximité de Paris, pour qu’il puisse enfin en devenir membre.

L’attribution n’a guère posé problème, même si, à la demande de quelques professeurs de médecine, le nom de Joseph Ducuing a été un temps proposé. Joseph Ducuing (1885-1963), était un professeur de médecine, un chirurgien et un cancérologue réputé, président de l’Association Française pour l’Etude du Cancer en 1952 et auteur de nombreux travaux. Il était aussi une « grande figure locale » : directeur du Centre Anti-Cancéreux de Toulouse, directeur de l’Hôpital Varsovie créé pour accueillir les victimes du franquisme et qui porte le nom de Joseph Ducuing depuis 1976, résistant, communiste…

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Lattes A., 2012, « Paul Sabatier, prix Nobel de chimie 1912 : un universitaire régionaliste et chercheur de talent. Biographie et œuvre scientifique », Actualité Chimique, octobre-novembre, n°367-368, 8-18. http://www.lactualitechimique.org/larevue_article.php?cle=3005

Camichel C., 1957, « Allocution à la cérémonie du Centenaire de la naissance de Paul Sabatier prononcée à Toulouse le 5 novembre 1954 », Institut de France, Notices et Discours, tome 3 : 1948- 1956, 583-592, Académie des Sciences, Paris : Gauthier-Villars.

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On relèvera que l’IUT toulousain rattaché à l’Université Toulouse 3 – Paul Sabatier s’appelle « Paul Sabatier » depuis « un certain temps », alors qu’il s’est longtemps appelé « IUT A », l’IUT B ayant ses locaux sur le campus de l’Université Toulouse 2 – le Mirail. En fait, ce changement de nom n’a fait l’objet d’aucune décision. Il est le résultat d’un usage que l’on peut expliquer ainsi : étant situé sur le campus de l’Université Paul Sabatier, il a fini par en prendre le nom par imprégnation et ce d’autant plus facilement que la lettre A n’avait plus aucune signification, puisque l’IUT B, déplacé à Blagnac en 1995, s’appelle désormais « IUT Blagnac – Toulouse 2 ».

b) L’Université Toulouse - Jean Jaurès

L’attribution en mars 2014 du nom de Jean Jaurès à l’Université Toulouse 2 – Le Mirail99 a par contre été très contestée. Enlever le chiffre accolé à son intitulé et changer le nom d’un quartier connu au départ comme un lieu d’innovation architecturale et urbanistique, puis assez rapidement comme un « quartier sensible »100 a en effet soulevé une polémique qui n’est pas encore totalement éteinte à l’heure où nous écrivons ces lignes.

En fait, l’idée du changement de nom était portée depuis les années 2000 par les présidents successifs et par des enseignants-chercheurs qui souhaitaient un marqueur territorial ayant une dimension académique incontestable. Et de fait, avant d’être « Jaurès », cet homme politique de premier plan, né dans le Tarn et dont on commémorait en 2014 le centenaire de la mort, avait été docteur et maitre de conférences à la Faculté des Lettres de Toulouse, mais aussi conseiller municipal et maire-adjoint de Toulouse et chroniqueur régulier dans le quotidien local La Dépêche du Midi. Il avait en outre ferraillé, en prenant appui sur une campagne de presse menée à travers le quotidien La Dépêche, pour que Toulouse ait « son » université, ce qui sera acquis en 1896.

Les partisans du changement de nom s’appuyaient aussi sur quelques arguments « techniques » : l’université est présente sur d’autres sites que celui de Toulouse (Blagnac, Albi, Figeac, Foix, Montauban), elle a depuis sa création connu un certain nombre de changements significatifs qui l’ont transformée (modification des statuts, reconstruction totale du campus…).

Il semble en fait que la nouvelle équipe a surtout cédé à la tentation de faire disparaître le nom du quartier en raison de sa charge négative… tout en s’inscrivant discrètement dans la stratégie de nommage (naming) qui affecte nationalement nombre d’universités et qui vise à

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La presse nationale s’est fait l’écho de la polémique autour du changement de nom. Cf., par exemple, cet article du Figaro : http://etudiant.lefigaro.fr/les-news/actu/detail/article/toulouse-le- changement-de-nom-de-l-universite-le-mirail-fait-debat-4536/

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Le Centre universitaire de l’Ariège situé à Foix et rattaché à cette université, porte le nom de Robert Naudi, ancien président du Conseil général de l’Ariège, qui a joué un rôle important pour faire exister cette entité délocalisée, en relation étroite avec Georges Bertrand, alors président de l’Université.

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supprimer ou relativiser le chiffre lié à son intitulé. Et ce, afin d’augmenter la visibilité et la notoriété de l’établissement.

Toujours est-il que cette décision a été contestée, multiples arguments à l’appui, souvent situés à des niveaux différents : le projet de construction a, dès 1965, intégré des relations multiples, y compris sur le plan architectural, entre l’université et la ville nouvelle du Mirail ; l’identité de l’université est déjà construite au moment du débat sur le changement de nom ; une partie non négligeable des étudiants et des personnels est attachée à la référence au quartier ; il existe une tradition de dialogue avec les habitants et de travail avec les associations du quartier, notamment à l’occasion des nombreuses recherches de terrain (surtout en géographie et en sociologie) ; la référence à la localisation est synonyme de tolérance, d’ouverture et d’échanges, et donc de valeurs universitaires traditionnelles toujours revendiquées… Sans oublier la contestation du nom de Jaurès : trop politique, ou alors trop à gauche pour certains, mais trop social-démocrate pour d’autres… Une pétition pour que l’université garde son nom a même été lancée (elle obtiendra 1551 soutiens)101. En pure perte…

c) L’Université Toulouse 1 – Capitole

L’Université Toulouse 1 - Sciences Sociales a changé son nom en 2009 pour devenir l’Université Toulouse 1 – Capitole. Le nouveau nom n’a donc rien à voir avec un universitaire prestigieux. Il entend signifier que cet établissement, le seul a être resté dans le centre historique, s’identifie à un symbole fort de Toulouse et du « pouvoir local », le Capitole, à la fois place centrale, Hôtel de Ville (les Capitouls étaient le nom donné aux conseillers municipaux sous l’Ancien Régime) et accessoirement Opéra de réputation internationale. Mais le terme renvoie aussi à un symbole connu internationalement : « Notre ancien nom ne plaidait pas en notre faveur (…) Nous avions besoin d'un véritable ancrage géographique. La réflexion a duré plusieurs mois et nous avons très rapidement opté pour Capitole. A l'international, tout le monde comprend. Il y a un Capitole à Washington, un Capitole à Rome. Et puis, ce mot est associé à deux idées : centre de la cité et endroit où se font les lois. Cela correspond donc parfaitement ! » Bruno Sire, Président, entretien à Objectifs News-La Tribune.fr (02/09/2009) http://objectifnews.latribune.fr/node/671. On est donc au moins autant dans une stratégie de naming que dans une dimension patrimoniale.

d) L’Institut National Universitaire Champollion

Présent sur les sites d’Albi, Castres et Rodez, il porte le nom de Champollion (décret du 18 novembre 2015) depuis son origine (2002), alors qu’il n’était qu’un centre universitaire doté du statut d’établissement public à caractère administratif lui conférant peu d’autonomie par rapport aux trois universités toulousaines créatrices. Désormais, il est un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel ayant la forme d’un institut extérieur aux

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https://www.change.org/p/m-le-pr%C3%A9sident-de-l-universit%C3%A9-toulouse-ii-le-mirail- pour-que-l-universit%C3%A9-toulouse-ii-le-mirail-garde-son-nom

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universités. L’adoption du nom de Champollion était avant tout destinée à marquer son ancrage territorial au nord de Midi-Pyrénées.

Jean-François Champollion (1790-1832), célèbre égyptologue né à Figeac dans le Département du Lot, a été (entre autres), professeur d’histoire à l’Université de Grenoble, conservateur chargé des collections égyptiennes au Musée du Louvre, membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres et professeur au Collège de France (chaire d’Antiquité égyptienne)102.