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3.1 Étude bibliographique

3.1.6 Limites et utilisations pratiques des modèles de boues activées

Les modèles de boues activées, en particulier ASM, peuvent avoir des applications variées, bien que leur objectif principal soit de constituer un outil de dimensionnement et d’optimisation des STEP. Néanmoins, leur applicabilité est soumise à de nombreuses contraintes liées en grande partie à la nature même du modèle. Tout d’abord, ces modèles

ne peuvent être utilisés qu’en tenant compte d’un certain nombre de restrictions [Henze et al., 2000, Petersen et al., 2003b]. Celles concernant notre étude sont :

– le système doit fonctionner à température constante.

– le système doit fonctionner à un pH constant et proche de la neutralité.

– les variations dans la nature de la matière organique d’une même fraction ne sont pas prises en compte, seule sa concentrations en DCO l’est. Cette hypothèse implique que les paramètres des équations associées aux différentes fractions sont constants. – l’effet des limitations en nutriments (N et P) n’est pas pris en compte.

– La biomasse hétérotrophe est considérée comme homogène et les espèces qui la constituent ne changent pas au cours du temps ; cette hypothèse est inhérente à la constance des paramètres cinétiques. Cela signifie que les réacteurs sont considérés comme parfaitement mélangés.

– Le type d’accepteur d’électron n’affecte ni le déclin de la biomasse, ni le coefficient de rendement hétérotrophe.

– ASM a été développé pour la simulation du traitement des eaux usées municipales, il n’est donc pas conseillé d’appliquer ce modèle dans le cas où la contribution des rejets industriels n’est pas négligeable.

– ASM n’est pas conçu pour décrire des systèmes à haute charge ou faible temps de rétention (moins d’un jour).

Ces restrictions permettent de limiter sensiblement le niveau de complexité de ces modèles. Néanmoins, la structure, le nombre d’états, de paramètres ainsi que la nature non linéaire des équations différentielles les rendent généralement non identifiables d’un point de vue structurel à partir des mesures accessibles, notamment respirométriques. Par exemple, il est souvent impossible d’identifier tous les coefficients de rendement en même temps que les paramètres cinétiques, notamment lorsqu’on considère le stockage ou l’hydrolyse [Sin et al., 2005, Karahan et al., 2006]. On peut également ajouter que quelle que soit l’application de ces modèles, ils posent généralement des problèmes d’identifiabi-lité pratique [Guisasola et al., 2005, Vanrolleghem and Daele, 1994, Vanrolleghem et al., 1995, Gernaey et al., 2002, Checchi and Marsili-Libelli, 2005]. Lorsque l’objectif est de di-mensionner ou d’optimiser une STEP (généralement pour minimiser les concentrations en polluants en sortie), le processus de calage des modèles est long et laborieux. Des travaux ont été faits pour tenter de généraliser les protocoles de calibration [Sin, 2004, Petersen et al., 2003b], mais ils se heurtent souvent à la grande diversité des retours d’expérience [Brdjanovic et al., 2015b]. Malgré les difficultés, certaines méthodes ont été proposées, notamment le protocole BIOMATH [Vanrolleghem et al., 2003], mais qui possèdent né-cessairement un cadre d’application limité.

Une étude a été réalisée [Hauduc et al., 2009] grâce à un sondage international afin d’évaluer quelles étaient les utilisations pratiques des modèles ASM et quelles difficultés étaient rencontrées par leurs utilisateurs. Parmi les principaux obstacles, on retrouve le manque de clarté dans l’intérêt que représente l’utilisation de modèles par rapport aux méthodes traditionnelles de dimensionnement. Le manque de clarté dans la méthodologie d’application des modèles (méthode de calibration, transmission du savoir, utilisation des logiciels, etc.) posent également problème. Il apparait alors très important de bien expliciter le rapport coût (en terme d’investissement) sur bénéfice (pour la recherche comme pour l’industrie) de l’utilisation de modèles. Enfin, les limites posées dans les conditions d’application des modèles les rendent parfois inapplicables dans certains cas (par exemple pour des températures plus élevées).

D’un autre côté les problématiques industrielles sont généralement plus axées sur des problèmes concrets :

– Comment traiter efficacement la DCO sans produire trop de boues en excès, la boue étant un déchet parfois difficile à gérer, surtout en grande quantité et d’autant plus en région urbaine dense. Cela implique une bonne connaissance du rendement hétérotrophe et des causes de ses variations, ce qui n’est pas toujours le cas. – Les problèmes de carences qui limitent fortement l’efficacité de l’épuration. En

par-ticulier, la dénitrification nécessite une grande quantité de carbone pour fonctionner correctement. Par exemple, dans le cas des bassins à aération alternée, lors de ca-rence en substrat, le carbone consommé est généralement stocké et donc déjà en partie oxydé. L’oxygène nécessaire à sa consommation finale est donc plus faible ce qui, en période anoxique, peut nuire au processus de dénitrification en consommant moins de nitrates comme accepteur d’électron.

Les modèles ASM sont malgré tout utilisés par les exploitants :

– pour réfléchir aux pistes d’optimisation des procédés,

– comme outil d’aide à la décision pour répondre à des questions relatives à des condi-tions de fonctionnement spécifiques.

En particulier, le modèle ASM1 est utilisé en grande majorité dans l’industrie. Le manque de connaissances au niveau du phénomène de stockage, rend ASM3 difficilement applicable [Hauduc et al., 2013]. Le choix est donc fait de considérer le stockage comme de l’hydrolyse ce qui peut évidemment entrainer des erreurs dans l’estimation des pa-ramètres, ou dans les résultats obtenus avec des paramètres standard. En pratique, la grande majorité des utilisateurs choisissent effectivement d’utiliser les paramètres issus

de la littérature au lieu de les identifier [Hauduc et al., 2011]. Ce choix s’explique gé-néralement par le manque de connaissance sur les procédures de calage ou à cause de la trop grande complexité des processus. Ainsi la valeur « standard » de 0,67 pour le

YH est en général utilisé dans ce cadre, mais les retours d’expérience semblent montrer

que cette valeur ne convient pas toujours. En effet, comme l’utilisation de valeurs stan-dards peut entrainer des conclusions erronées à cause des hypothèses choisies par nécessité plutôt que par rigueur, il apparaît important de développer les connaissances sur ce point.

Conclusion

L’étude de tous les processus impliqués dans la croissance hétérotrophe par voie aéro-bie semble donc être une bonne piste pour tenter de répondre à certaines problématiques industrielles dans le traitement des eaux. L’importance du stockage dans la dégradation de la DCO peut donc avoir un impact considérable sur la production de boue des STEP ainsi que sur l’efficacité de certains processus (par exemple la nitrification). Cet impact pourrait s’expliquer par l’influence du processus de stockage sur le rendement hétéro-trophe global qui, comme nous l’avons vu, dépend de la combinaison des processus de l’assimilation de la DCO et de la croissance bactérienne.

Il est donc judicieux, via un respiromètre expérimental mis en place en laboratoire, d’étudier ce phénomène en appliquant différentes hypothèses biochimiques pouvant ex-pliquer les variations du rendement hétérotrophe par rapport aux données obtenues. Il sera important d’utiliser des boues de STEP et de se mettre en conditions d’application assimilables à celles connues dans les procédés de boues activées, dans les limites des hypothèses des modèles. L’objectif de l’étude sera donc de tester l’influence de ces hypo-thèses sur le rendement hétérotrophe global observé (substrat, type de boues, variation de l’importance du stockage)