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1.2 Morphogenèse

1.2.3 Les limites de l’observation in vivo

Les avancées et innovations en biotechnologie, plus particulièrement en microscopie et en imagerie ont permis une description inédite de beaucoup de composants et structures d’organismes vivants. Cependant, les études visant la traque des subdivisions cellulaires d’un embryon se confrontent le plus sou-vent à des difficultés, notamment relevant de la temporalité. L’observation ne peut pas prendre en compte des dynamiques à des échelles spatio-temporelles différentes. Elle peut rendre compte des interactions locales dans un contexte spatio-temporel précis mais celles-ci ne permettent pas de tirer des conclu-sions solides quant au comportement du système global dans un tout autre contexte. En effet, une propriété des systèmes complexes est qu’il n’existe aucune théorie qui permet de déduire a priori leur comportement global à partir de celui de leurs composants. En outre, les données nécessaires à l’in-terprétation des mouvements et déformations cellulaires et donc des forces biomécaniques en jeu dans l’organisme sont difficilement mesurables en ob-servation in vivo. Pourtant, ces forces se propagent à travers les tissus à longue distance et pourraient déterminer la coordination des mouvements de populations cellulaires.

Conclusion

La compréhension des mécanismes de morphogenèse est essentielle dans la perspective de la modélisation de ce processus que cela soit dans le cas d’un tissu sain ou d’un tissu pathologique. Dans ce chapitre, nous avons scindé la problématique en quatre axes de compréhension autour de l’unité

de base de l’organisme (la cellule) : la structure, le rôle, le fonctionnement et les interactions. Chaque axe pose néanmoins une complexité d’étude à laquelle la modélisation tentera d’apporter une réponse. Ainsi, dans le pro-chain chapitre, nous allons étudier les différentes approches adoptées pour modéliser ces mécanismes.

Modélisation de la

morphogenèse

Résumé

La morphogenèse aboutit à des structures parfois inattendues qui sont le résultat de comportements cellulaires et de dynamiques morphologiques qu’il est nécessaire de formaliser adéquatement et solidement. Nous verrons dans ce chapitre deux types de modèle principalement : d’une part les modèles virtuels (in silico) comportant les modèles mathématiques, mécaniques et computationnels et d’autre part les modèles fabriqués incluant les modèles physiques et de synthèse.

2.1 Modèles in silico

L’expression “in silico” renvoie au silicium, composant essentiel des mi-croprocesseurs figurant dans les ordinateurs. Dans la littérature scientifique, l’utilisation de ce terme remonte aux années 90. Ce terme aurait été employé dans l’article de [Hansen et al., 1991] où les auteurs ont simulé des facteurs d’initiation de la réplication de l’ADN chez la bactérie E. Coli. La simulation est basée sur une approche stochastique qui consiste à varier les différents paramètres d’entrée. Ensuite, les résultats des simulations ont été comparés avec des données issues de cellules vivantes d’E. Coli.

Les modèles in silico se basent sur des calculs mathématiques complexes et des systèmes informatiques pour modéliser ou simuler les lois physiques et chimiques d’un système biologique. C’est une expression utilisée par oppo-sition à in vivo (au sein du vivant) et à in vitro (en éprouvette). Ces ap-pellations nous renseignent sur la manière dont sont étudiés les organismes vivants. Ainsi, face aux limites de l’observation in vivo et de l’étude in vi-tro, les modèles in silico sont peu à peu apparus pour apporter de nouvelles perspectives avec des techniques de simulation numérique profitant

pleine-ment de la capacité des ordinateurs. En effet, les expéripleine-mentations in vivo et in vitro ne permettent pas de prendre en compte la complexité des interac-tions, de surmonter les contraintes du temps de réaction de l’organisme, de considérer plusieurs échelles de l’organisation biologique, de tester des scé-narios par la manipulation des paramètres de l’expérience, etc. Tandis que les modèles in silico, s’appuyant sur des données expérimentales, permettent une représentation virtuelle de l’environnement du système, des structures qui le composent ainsi que leurs propriétés et comportements, mais aussi des différentes relations qui existent entre ces entités du système. Ce travail de conception est ce qu’on appelle de la modélisation, il s’agit de la première phase d’un processus cyclique. Ensuite, dans ce processus cyclique, vient la phase de mise en œuvre d’algorithmes adéquats pour simuler le modèle, c’est l’implémentation. La troisième phase consiste à simuler le modèle et à tester les résultats obtenus avec ceux issus de l’expérimentation in vivo ou in vitro. C’est la phase de validation. A l’issue de cette étape, s’il est conclu que le modèle est non-concordant, il faudra alors retourner à la première phase de conception pour améliorer le modèle, ensuite le ré-implémenter et le re-tester. Sinon, il peut être considéré comme fiable pour tester des hypothèses, faire des prédictions ou produire de nouvelles connaissances (hypothèses) grâce à une exploration (voir figure 2.1).

Ainsi, grâce à la simulation numérique, peuvent être évitées des expériences en laboratoire et des tests cliniques longs, coûteux et infructueux. Néan-moins, selon les choix opérés dans le modèle, les comportements observés lors de la simulation peuvent être différents du comportement réel dans l’or-ganisme. Il s’y ajoute aussi des limitations de notre compréhension de la dynamique moléculaire et de la biologie cellulaire qui aboutissent à des sup-positions simplificatrices ou erronées introduisant des écarts par rapport à la réalité. C’est pour cela qu’il est essentiel de considérer les simulations in si-lico comme étant complémentaires aux expériences in vivo et in vitro et non comme devant se substituer à elles. Dans les sous-sections suivantes, nous décrivons différents types de modèles in silico, notamment les modèles ma-thématiques, les modèles mécaniques, les automates cellulaires, les systèmes multi-agents et enfin les modèles hybrides.