• Aucun résultat trouvé

1.2 Morphogenèse

2.1.3 Automates cellulaires

Un automate cellulaire (AC) évolue sur un réseau maillé, le plus souvent une grille en 2D comportant n cellules identiques, un pattern de voisinage d’interaction, un ensemble fini d’états possibles ainsi qu’une règle de transi-tion appliquée à chacune des cellules à chaque pas de simulatransi-tion.

Formelle-ment, un AC est défini comme un 4-uplets (d, Q, V, Fl) où :

d est la dimension de la grille de l’AC, son réseau est alors Zd,

c’est-à-dire l’espace discret de dimension d

— Q est l’ensemble fini des valeurs que peut prendre une cellule de la grille, l’alphabet de l’AC

— V est un sous-ensemble fini du réseau (V ⊆ Zd) et constitue le

voisinage de l’AC

— Fl: Qa7→ Q est la règle locale de transition de l’état d’une cellule.

Avec a =| V |, l’arité de la fonction, c’est-à-dire le nombre d’ar-guments de la fonction, équivalant au cardinal du sous-ensemble V des voisines de la cellule.

On appelle une configuration l’attribution d’un état à chaque cellule de la grille. Ainsi, une configuration est un élément de QZd

, c’est-à-dire une fonction de Zd dans Q. On définit alors une fonction de transition de l’état global de l’AC par Fg : QZd 7→ QZd. Cette fonction modifie la configuration de l’automate d’un temps à un autre.

Les AC ont été inventés par Stanislaw Ulam et John Von Neumann, à la fin des années 40. L’objectif de départ était l’étude d’un système auto-reproductif. Ainsi, dans les années 70, Conway invente le plus célèbre de leurs ancêtres : le jeu de la vie (voir figure 2.12). C’est un jeu à un joueur dont l’objectif est la survie et la croissance d’une population de cellules dans une grille. On trouve dans le formalisme de ce jeu une certaine analogie avec la biologie. Une cellule peut avoir 2 états : vivant (la cellule est allumée) ou mort (la cellule est éteinte). A l’instant t + 1, l’état d’une cellule est déter-minée en fonction de l’état des cellules voisines à l’instant t. Les règles sont les suivantes :

— une cellule cest voisine d’une cellule c si elle est contiguë à c en ligne, colonne ou diagonale (voisinage de Moore),

— une cellule vide se trouvant dans le voisinage de 3 cellules vivantes devient vivante

— une cellule meurt dans 2 cas :

1. elle possède moins de 2 cellules voisines vivantes (dépérissement), 2. elle possède plus de trois cellules voisines vivantes (étouffement). La caractéristique principale d’un AC est de traiter les problèmes se-lon une approche ascendante : des règles simples permettent d’obtenir des phénomènes complexes qu’aucune théorie ne permet de prévoir a priori. Bien que les comportements des entités élémentaires soient déterminés localement, les règles de transitions sont appliquées parallèlement sur toutes les cellules (synchronicité). Plusieurs travaux ont été réalisés avec les automates cellu-laires dans le cadre de la modélisation de la morphogenèse.

[De Garis, 1999] est l’un des premiers à exploiter l’évolution d’AC par al-gorithme génétique pour simuler l’émergence de formes en 2D. Au départ,

Figure 2.12 – Le jeu de la vie peut produire des structures classées en différentes catégories. (a) : structures périodiques - on les appelle aussi des oscillateurs, elles se transforment de manière cyclique, en revêtant plusieurs formes différentes avant de retrouver leur état initial. (b) : structures stables - elles sont dans un état stationnaire et n’évoluent plus. (c) : structure dégé-nérative - elle entre dans une auto-destruction instantanée.

toutes les cellules ont le même chromosome contenant une suite d’états as-sociés chacun à une action. A chaque pas de temps, chaque cellule calcule son état en fonction de celui de ses voisines. Ensuite, elle parcourt son chro-mosome pour voir à quelle action correspond son nouvel état et l’applique. L’exécution d’une action peut modifier l’état d’autres cellules et déclencher de nouvelles actions. Cette suite de changement d’états et d’actions a pour but de mener l’évolution vers une forme cible à l’aide d’un algorithme géné-tique qui fait évoluer les chromosomes. Une fonction de fitness évalue cette évolution vers la cible (voir figure 2.13).

Figure 2.13 – Cette figure représente un exemple d’évolution du modèle avec comme formes cibles des rectangles et des triangles.

[Chavoya and Duthen, 2008] ont mis en place un AC basé sur des méca-nismes d’auto-organisation cellulaire et d’interaction avec un environnement artificiel. Ce modèle simulait le développement de formes complexes à par-tir d’un petit groupe de cellules initiales indifférenciées. Une série de gènes régulateurs codés au début de chaque génome constitue un réseau de

régula-tion artificiel et détermine les règles d’évolurégula-tion de l’automate. Ces gènes de régulation sont suivis par une série de gènes structurels, dont chacun peut générer une forme particulière simple telle qu’un carré ou une ligne. Un gène structurel a été défini comme étant actif si et seulement si la protéine ré-gulatrice traduit par le gène régulateur associé est au-dessus d’un certain seuil de concentration. Pour obtenir la configuration cible prédéfinie (voir figure 2.14), un algorithme génétique est appliqué au réseau de régulation génétique pour le faire évoluer à travers des activations et inhibitions de gènes. Ce dernier démarre avec une seule cellule active au milieu de l’au-tomate, puis les cellules se reproduisent en suivant la table de transition définie par l’algorithme et pour autant d’itérations indiquées dans le champ de contrôle du chromosome. Les auteurs soulignent que ce modèle permet seulement de traiter des formes convexes. Il faut noter aussi que les cel-lules ne peuvent ni mourir, ni même se déplacer. Par ailleurs, même si une meilleure connaissance des séquences génomiques permettrait de détermi-ner où et quand des gènes spécifiques ont été exprimés dans l’embryon, elle n’est pas suffisante pour comprendre l’émergence de la forme de l’organisme [Müller and Newman, 2003].

Figure 2.14 – Dans cette simulation 3 gènes structurels ont été utilisés, chacun codant pour un motif carré de couleur vert, jaune ou rouge.

[Jiao and Torquato, 2011] ont développé un automate cellulaire afin d’étu-dier l’invasion de tumeur (voir figure 2.15). La compréhension de ce méca-nisme est crucial car il compromet les tissus sains par la rupture de liaisons homotypiques5

, la dégradation de la matrice extra-cellulaire, l’altération de la motilité cellulaire ou encore par l’initiation de liaisons hétérotypiques. Pour simuler ce mécanisme, l’automate est découpé en régions. Les règles de transition sont les suivantes :

1. une cellule proliférante trop éloignée de la tumeur pour recevoir un apport suffisant en nutriments devient quiescente. Sinon elle peut se

invasive

2. une cellule quiescente trop éloignée de la tumeur devient nécrotique 3. une cellule invasive peut détériorer la matrice extra-cellulaire et se

déplacer dans une région de l’automate voisine de la sienne.

Cette étude a permis de reproduire les caractéristiques principales de la crois-sance invasives des cellules dendritiques. Elle a aussi mis en évidence la re-lation non négligeable entre la dynamique de croissance de la masse de la tumeur primaire et les cellules invasives.

Figure 2.15 – Simulation de la formation de branches invasives lors du développement tumoral. (A) Les cellules tumorales sont non invasives. (B) Cellules tumorales invasives avec motilité. (C) et (D) correspondent à une incrémentation de la motilité des cellules tumorales d’une unité. La zone noire est composée de cellules nécrotiques, la zone jaune est constituée de cellules quiescentes, la zone rouge est constituée de cellules proliférantes, les zones vertes sont les cellules invasives, les zones bleues correspondent à la matrice extra-cellulaire dégradée.

Il existe des cas particuliers d’AC dont les modèles de Potts. Dans les modèles de Potts, une cellule regroupe un certain nombre de sites de la grille (voir figure 2.16). Chaque site possède un certain nombre d’attributs dont le “spin” qui identifie la cellule à laquelle appartient le site. D’autres valeurs représentant des paramètres biologiques sont aussi associées aux sites, telles que : l’énergie de contact, de surface ou de volume, la déviation par rapport à la zone cellulaire adéquate, concentration de substrats, etc. Lors d’une simulation, le programme doit choisir aléatoirement, à chaque pas, le site à évaluer et calculer son hamiltonien. La valeur trouvée détermine une certaine probabilité de mise à jour d’un site en remplaçant son spin par celui d’une de ses voisines. Ce système évolue ainsi en minimisant son hamiltonien. Dans ce modèle, l’émergence de formes dépend d’une fonction d’énergie.

C’est un modèle très utilisé en modélisation de processus morphogéné-tique comme la croissance de membres chez les vertébrés, la croissance de tumeur, l’angiogenèse, etc.

Figure 2.16 – Dans le modèle de Potts, une cellule est composée de sites ayant le même spin et définissant la même couleur.

la formation du motif squelettique de membre embryonnaire en croissance d’un vertébré (voir figure 2.17).

Figure2.17 – Dans ce résultat de simulation, nous pouvons distinguer une organisation des cellules en humérus, cubitus et radius.

Pour simuler la formation de réseaux vasculaires, [Merks et al., 2008] ont mis en place un modèle de Potts cellulaire. Les vaisseaux sanguins se forment soit lorsque des cellules endothéliales dispersées s’organisent en un réseau de vaisseaux (vasculogenèse), soit par bourgeonnement ou fractionnement des vaisseaux sanguins existants (angiogenèse). Ce modèle démontre l’aptitude d’un système multi-cellulaire à s’auto-organiser pour former des structures complexes telles que des plexus vasculaires.

Il existe des modèles de Potts dont le formalisme est basé sur les mé-thodes d’éléments finis. Dans ce cas particulier des modèles de Potts, les cellules sont aussi constituées par des sites homogènes, des triangles qui se joignent au centre de la cellule. Ils possèdent aussi des attributs tels que la forme et l’énergie. Cependant, contrairement aux modèles de Potts qui agissent à une échelle plutôt locale de la cellule, les modèles d’éléments finis visent à minimiser l’énergie globale. [Hutson et al., 2009] ont combiné des expériences in vivo (à savoir la microchirurgie laser) et in silico (par la simu-lation d’un modèle d’éléments finis) pour étudier des mécanismes au niveau des cellules épithéliales. Ces expériences ont montré que les forces aux fron-tières des cellules sont plus importantes que celles qui s’exercent à l’intérieur