• Aucun résultat trouvé

Plusieurs domaines mathématiques ont servi de base ou ont contribué au développement de la théorie de la viabilité, notamment la théorie du contrôle, les inclusions différentielles, l’analyse multivoque, l’analyse quali-tative, l’analyse mutationnelle et l’analyse morphologique.

On se place dans X , espace vectoriel. La dynamique, à temps discret, de l’état du système x ne dépend que de l’état du système à l’étape précédente et de la valeur d’un paramètre de contrôle u qui prend ses valeurs dans l’espace de contrôle U au temps t ∈ Z. En biologie, par exemple, les états pourraient correspondre aux phénotypes et les contrôles aux génotypes. En économie, les états représenteraient les biens économiques et les contrôles les prix. La dynamique du système est définie par f : X × U × Z 7→ X , une fonction qui associe à chaque paire état-contrôle au temps t, la dynamique f(x, u, t). Une fois le cadre formel du système dynamique posé, il est possible d’étudier deux problèmes :

1. trouver la suite de contrôles u(1), u(2), ..., u(∞) pour que la dyna-mique de x soit indéfiniment dans un sous-ensemble donné K de X . Il s’agit d’une évolution viable dans un ensemble de contraintes K. 2. trouver u(1), u(2), ..., u(n) pour que (x(1), x(2) , ..., x(n)) soit dans K

et que x(n) vaille une valeur cible choisie x au bout de t = n. On pose x∈ C, avec C ⊂ K étant la cible. On dit alors que x(.) capture C en un temps fini.

L’espace de contrôle est constitué par les valeurs de manipulation de la di-rection, du frein et de l’accélérateur. L’espace d’état est constitué de toutes les positions que le véhicule pourrait prendre en un moment donné. Dans cet exemple, l’étude de contrôlabilité en (1) pourrait s’agir de garder une certaine trajectoire (par exemple, rester à droite sur la route) et en (2) il pourrait s’agir d’arriver à une destination tout en restant dans une trajec-toire donnée et pour un temps limité (par exemple de remporter un rallye). Le système évolutionnaire est défini comme une application multivaluée S qui associe à chaque état initial x l’ensemble S(x) des évolutions x(.) partant de x et gouvernées par des contrôles.



x(t) = f (x(t), u(t)) u(t) ∈ U (x(t))

Nous pouvons à présent nous intéresser à la régulation de ce système en essayant de déterminer, par exemple, au moins une évolution du système évolutionnaire satisfaisant à une propriété d’évolution. Parmi ces propriétés d’évolution, nous étudierons ci-après la propriété de viabilité d’un environ-nement et la propriété de capturabilité d’une cible.

3.2.1 Noyau de viabilité

De tout état initial du système, il peut exister plusieurs évolutions pos-sibles suivant la suite de contrôles choisis. Ces évolutions sont des fonctions du temps. Dans le cas discret, le temps correspond à des étapes ou pas de temps représentés par des nombres entiers. Dans le cas continu, il corres-pond à des instants représentés par des nombres réels. Dans le cadre de la morphogenèse qui nous intéresse, ces fonctions associent à chaque instant un élément d’un ensemble pouvant être une cellule ou une forme à un espace de formes. La théorie de la viabilité offre un cadre pour formaliser les ré-troactions sous-jacentes et les mécanismes de sélection que le système doit mettre en œuvre pour choisir des évolutions viables dans le temps. Ainsi, on connaîtra les états à partir desquels il y a des évolutions viables et ceux à partir desquels il n’existe aucune évolution viable. Ce qui permet de définir un noyau de viabilité au fur et à mesure de l’évolution du système. Pour un système dynamique donné, discret ou continu, et un ensemble défini par un système de contraintes indépendantes du temps, il n’est pas certain qu’à partir d’un point initial, il existe une solution du système dynamique qui reste toujours dans l’espace de contraintes. Si de tels points existent, le plus grand ensemble qu’ils définissent est appelé noyau de viabilité.

[Aubin, 1991] a défini la notion d’état viable : un état initial x0 pour lequel il existe au moins une évolution x(.) qui reste dans K indéfiniment est un état viable et x(.) est appelée évolution viable.

Le sous-ensemble V iabS(K, C) des états initiaux x0 ∈ K tels qu’il existe au moins une évolution x(.) ∈ S(x0) partant de x0 viable dans K pour tout t ≥ 0 ou viable dans K jusqu’à atteindre C en un temps fini est appelé noyau de viabilité de K avec la cible C sous S (voir figure 3.1).

V iabS(K) = {x ∈ K|∃u(.)|x

(t) ∈ K ∀t ∈ [0, ∞[}

La résolution d’un problème de viabilité consiste à calculer ou à approximer ce noyau de viabilité.

Figure 3.1 – Le noyau de viabilité. L’environnement (ensemble contraint) est en jaune et le noyau de viabilité correspondant est en vert. x0 est un état initial appartenant à l’ensemble des contraintes K. Nous pouvons remarquer que les trajectoires vertes correspondent à des évolutions viables puisqu’elles restent dans K, et les trajectoires rouges correspondent à des évolutions non viables. Image extraite de [Aubin and Saint-Pierre, 2006]

Les formes biologiques doivent garantir une viabilité dans leur environne-ment. Leur évolution dépend en même temps de l’état et de l’environneenvironne-ment. Pour garantir la viabilité d’un tel système, il faut vérifier qu’il existe à chaque temps, au moins une co-évolution viable d’état et d’environnement pour tous les paires état/environnement possibles. L’ensemble des conditions initiales pour lesquelles une telle solution existe pour un certain horizon de temps donné définit le noyau de viabilité. Dans la section 7.2, nous proposons un algorithme de calcul de noyau de viabilité pour les formes biologiques. Cependant la définition du noyau de viabilité reste difficile dans sa mise en œuvre car des algorithmes existent mais leur application demande un espace mémoire exponentiel et les résultats obtenus sont difficiles à manipuler.

3.2.2 Bassin de capture

Le calcul du bassin de capture met en évidence les états et les contrôles permettant une évolution viable jusqu’à atteindre un état souhaité (cible)

Le sous-ensemble CaptS(K, C) des états initiaux x0 ∈ K tel qu’il existe au moins une évolution x(.) ∈ S(x0) partant de x0 viable dans K jusqu’à at-teindre C à temps fini est appelé bassin de capture de C viable dans K sous K (voir figure 3.2). CaptS(K, C) = {x ∈ K|∃u(.), ∃t ∈ Z|x (t ) ∈ C et x (t) ∈ K ∀t ∈ [0, t ]} Dans la section 8.2, nous proposons un algorithme de calcul de bassin de

Figure 3.2 – Le bassin de capture. L’environnement (ensemble contraint) est en jaune et le noyau de viabilité correspondant est en vert. La cible est en rouge et le bassin de capture est en rose. Nous pouvons remarquer que x1 appartient au bassin de capture car il existe une évolution x1(.) qui atteint la cible tout en restant dans K, tandis que x0 n’appartient pas au bassin de capture, il n’existe aucune suite de contrôle u(1), u(2), ..., u(n) qui permette à la dynamique x0(.) d’atteindre la cible tout en restant dans K. Image extraite de [Aubin and Saint-Pierre, 2006]

capture de formes biologiques.