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6. Discussion

6.3 Forces et limites de l’étude

6.3.1 Limites

Cette étude a utilisé un devis transversal. En conséquence, les résultats ne permettent pas d’établir la présence d’une relation causale (47, 48). En plus, compte tenu de la mesure ponctuelle de l’exposition, il fut impossible d’évaluer la durée nécessaire d’exposition pour la production d’un effet sur la variable réponse (47).

Biais de sélection :

Le taux de participation de l’enquête a été de 83 %. Il y a eu 17 % des foyers qui étaient éligibles pour la collecte des données et n’ont pas répondu à l’enquête. Nous n’avons pas eu l’accès aux informations concernant les non-répondants. Il est possible que les gens qui n’ont pas participé à la collecte des données soient différents de ceux qui ont participé.

Par exemple peut-être que les individus qui avaient des horaires prolongés ont répondu à l’enquête en moins grande proportion à cause du manque de temps. Si c’est le cas et que ces non-participants ont également tendance à avoir un moins bon score de rôle parental, ce biais pourrait mener à une sous-estimation de l’association étudiée (avec le nombre élevé d’heures de travail). La situation inverse, i.e. que ces non-participants aient tendance à avoir un meilleur score de rôle parental, apparait moins probable, mais ne peut être exclue et pourrait mener à une sur-estimation de l’association étudiée (avec le nombre élevé d’heures de travail) (88).

Un critère d’inclusion pour faire partie de la population éligible était le fait d’être un parent travailleur. Cette caractéristique, indispensable pour répondre à la question étudiée, entraine avec elle la possibilité d’un biais de sélection appelé biais de la bonne santé du travailleur. Ce biais est lié au fait que les individus au travail présentent possiblement un meilleur état de santé que la population générale dans laquelle on trouve des personnes malades ne pouvant pas occuper un emploi (113, 114). Le biais de la bonne santé du travailleur potentiellement présent dans notre étude n’agit pas de la façon habituelle, étant donné que nous ne comparons pas une population de travailleurs à la population générale. Sa présence, pourrait avoir agi dans la distribution des individus par catégories d’exposition. Il est possible que les individus travaillant un nombre plus élevé d’heures soient en meilleure santé que les individus qui ont choisi un horaire de travail à temps partiel. L’effet potentiel sur l’association étudiée sera discuté plus bas avec les facteurs de confusion.

Les participants n’ayant pas répondu à la question sur le nombre d’heures de travail pourraient travailler davantage, entrainant ainsi un biais de sélection. Cependant, seulement le 0,03 % des participants ont été exclus pour ne pas avoir répondu à la question sur le nombre d’heures de travail, ce qui limite la possibilité d’un tel biais.

Il a été nécessaire d’exclure de la population étudiée, les individus qui n’avaient pas répondu aux questions de l’échelle du rôle parental (6,5 %). Certaines caractéristiques de ces individus exclus étaient statistiquement différentes de celles des sujets inclus dans l’analyse. Par exemple, chez les exclus, les enfants étaient plus jeunes et leurs parents plus jeunes (<25 ans) ou plus âgés (>34 ans), avec un niveau de scolarité plus faible. Le pourcentage de familles monoparentales était plus élevé et les employés cols bleus parmi

61 les exclus étaient plus nombreux. Il n’est pas possible de déterminer si ces exclusions ont entrainé un biais ni de déterminer la direction de ce biais potentiel sur l’association étudiée.

Biais d’information :

La collecte des données a été effectuée à l’aide d’un questionnaire auto-rapporté. Ce type de mesure introduit la possibilité d’autres sources d’erreur. Par exemple, les réponses d’un individu pourraient avoir été influencées par sa tendance à porter un regard plus négatif ou plus positif face à sa situation. Aussi, les individus qui cumulaient plusieurs emplois durant l’année pourraient sous-estimer ou surestimer leur nombre d’heures de travail. Un autre situation possible est que les travailleurs qui faisaient souvent des heures supplémentaires à cause d’un surplus de travail pourraient avoir tendance à oublier leurs heures supplémentaires ce qui engendrerait une sous-estimation du nombre d’heures travaillés (38). Il y a aussi la possibilité de l’introduction du biais de rappel où les réponses d’un individu sont inexactes à cause d’une mauvaise mémoire. Ces différentes sources possibles de biais d’information, si elles sont non-différentielles, auront généralement comme conséquence de sous-estimer la force de l’association, bien qu’il y ait des exceptions (88).

La catégorisation du nombre d’heures de travail des parents dans cette étude a dû s’ajuster à la distribution des données récoltées par l’ELNEJ qui n’a pas permis la création de plus petites catégories d’exposition. Ce fait a pu produire un biais d’information provenant du fait que les individus plus exposés partageraient une catégorie avec des individus moins exposés. Ce biais produirait une sous-estimation de la force de l’association (92).

Dans la présente étude, un biais de désirabilité sociale peut avoir été présent compte tenu des questions liées au rôle parental (90). Ce type de biais se produit lorsqu’un participant veut donner des réponses qui sont socialement acceptables pour des questions délicates (90). Certains parents pourraient avoir donné des réponses convenables pour obtenir de bons scores de rôle parental. Par exemple, il est possible que les femmes travaillant 50 heures et plus par semaine aient plus tendance que les autres à répondre de façon socialement désirable aux questions sur leur rôle parental. Ceci pourrait résulter d’un

désir de minimiser l’impact de leurs horaires prolongés. Si c’est le cas, cela aurait pour conséquence de sous-estimer l’association étudiée et pourrait expliquer, au moins en partie, l’association inverse (meilleur score parental) observée chez les femmes travaillant 50 heures et plus.

Cette recherche n’a utilisé qu’une seule mesure auto-rapportée du rôle parental. D'autres études ont pris en considération plusieurs mesures des pratiques parentales, tel que les enregistrements des activités parent-enfant en vidéo, des questionnaires à l’enfant, des questionnaires au conjoint ou l’observation directe par un évaluateur impartial. Cet ensemble des mesures a permis d’augmenter la validité de la mesure du rôle parental et conséquemment la validité interne de ces études (57-59, 105). Cette source de misclassification semble non-différentielle. Tel que mentionné précédemment, ce type de misclassification a généralement comme conséquence de sous-estimer l’association étudiée (88).

Il aurait était très pertinent d’évaluer l’effet du nombre d’heures sur les différents composantes de l’échelle de rôle parental (interaction positive, inefficacité parentale, cohérence parentale et rationalité parentale) afin d’observer le sens de l’association dans chaque dimension mesurée. Il est possible que l’effet du nombre d’heures de travail affecte certaines dimensions du rôle parental et pas d’autres. L’utilisation d’une mesure globale seulement du rôle parental ne permet pas de détecter ces différences potentielles.

Biais de confusion :

Nous n’avons pas inclus la variable santé du parent dans le modèle. Cependant, cette variable pourrait avoir agi comme un facteur potentiellement confondant de l’association. Les parents qui avaient des problèmes de santé pourraient travailler un nombre inférieur d’heures par semaine. Ces parents pourraient aussi avoir eu des pratiques parentales moins positives avec un score de rôle parental plus bas dû à leur état de santé, ce qui pourrait avoir sous-estimé l’association étudiée.

Les analyses ont été effectuées en prenant en compte les autres facteurs de confusion potentiels décrits par la littérature dans la mesure où ces facteurs avaient été récoltés par

63 l’ELNEJ (34, 49, 57). Le questionnaire de l’ELNEJ a été conçu pour évaluer les facteurs de risque de l’environnement de l’enfant, donc les facteurs qui décrivent l’environnement de travail des parents n’ont pas été évalués en profondeur (niveau d’exigence, niveau de reconnaissance, réseau social, flexibilité des horaires, et satisfaction avec son emploi) (34, 100).

Les recherches antérieures ont suggéré que les conditions de travail du parent pourraient affecter positivement ou négativement la qualité de la relation parent-enfant (85) et aussi affecter le choix d’un horaire de travail pour un employé. Par exemple, ceux qui ne sont pas satisfaits de leur travail pourraient choisir des horaires moins longs ou diminuer leurs heures de travail (34). Une étude effectuée sur 23 familles aux États Unis du « the Boston University Pregnancy and Parenthood Project » publiée en 2012, a observé que les parents qui sont plus satisfaits avec leur travail, se sont montrés plus chaleureux et avaient des pratiques plus positives avec leurs enfants que les parents qui déclaraient ne pas être satisfaits (115).

D'autres variables comme la présence d’évènements stressants vécus par le parent (décès d’un proche, divorce, perte d’un emploi, changement d’emploi, déménagement) n’ont pas été considérées. Ce sont tous des facteurs de confusion potentiels, tel que suggéré par des recherches antérieures (47, 49, 93, 116, 117).

Puissance :

La puissance de l’étude était plus faible pour les analyses stratifiées à cause de plus petit nombre de sujets dans les cellules. Les variances étaient par conséquent plus larges. Un échantillon plus grand aurait été nécessaire pour ces analyses (90).

Validité externe :

La population de parents répondants était majoritairement des femmes (82%). En conséquence, les analyses ont été faites principalement sur des informations déclarées par la mère de l’enfant (biologique ou adoptive). Ceci limite la généralisation des résultats observés globalement pour les deux sexes, étant donné que la distribution de la population étudiée selon le sexe du parent ne reflète pas celle de la population générale.

Par contre, considérant que la proportion de premiers répondants des enfants observée dans l’ELNEJ est représentative de la population générale canadienne, les résultats globaux (i.e. pour les deux sexes considérés ensemble) de notre étude représenterait en principe, i.e. en considérant uniquement ce facteur, l’association entre le nombre d’heures de travail des premiers répondants des enfants canadiens et l’exercice de leur rôle parental. Aussi, les résultats des analyses stratifiées selon le sexe du parent représentent, en principe, i.e. en considérant uniquement ce facteur, l’association qui serait observée chez les femmes et les hommes canadiens pris séparément.

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