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6. Discussion

6.2 Comparaison des résultats avec la littérature

6.2.1 Les horaires de travail et le rôle parental

La littérature est limitée sur ce sujet et les études publiées jusqu’à aujourd’hui sont très difficiles à comparer à cause de différences méthodologiques (diversité dans les pratiques parentales évaluées, échelles des mesures différentes, critères de catégorisation différents des horaires de travail) (34, 100).

Des recherches antérieures suggèrent que le nombre d’heures de travail pourrait être associé négativement aux pratiques parentales (57, 59, 77, 93, 101). Cette association a été décrite comme faible, mais significative (59, 77, 93). Notre étude, conformément aux études antérieures, a observé un meilleur score de rôle parental chez les parents travaillant des horaires de 1h-29h par semaine par rapport à ceux travaillant de 30h-39h par semaine (57, 59, 77, 93, 101). Toutefois, dans notre étude, un nombre élevé d’heures de travail n’était pas associé à un score de rôle parental plus faible.

6.2.2 Le rôle parental et l’horaire à temps partiel

La plupart des études antérieures sur l’effet d’un horaire de travail à temps partiel (de moins de 30h) ont été réalisées sur une population de femmes(102). Il est connu que les femmes sont plus susceptibles que les hommes de travailler à temps partiel(102). Des associations positives ont été décrites entre les horaires de travail de moins de 30h et plusieurs variables réponses par rapport aux horaires de travail de 30h-39h et de plus de 40h par semaine. Par exemple, il a été observé que les parents qui travaillent à temps partiel semblent être plus engagés dans les activités scolaires de l’enfant et montrent des meilleurs niveaux de communication avec eux (103, 104). Également, les mères travailleuses à temps partiel ont rapporté moins de conflit travail-famille (105). Elles ont présenté des scores plus élevés de sensibilité vers leurs enfants et ont démontré s’occuper plus efficacement des leurs habitudes de vie en santé (93, 105). Il est possible que les mères qui travaillent à temps partiel profitent de plus de temps et plus d’énergie pour gérer le chevauchement des rôles (105). Les résultats obtenus pour notre étude sont en partie consistants avec les recherches antérieures. En effet, une association positive et

55 statistiquement significative a été observée entre l’horaire de travail de moins de 30h par semaine et le score de rôle parental par rapport à l’horaire de 30 à 39h.

6.2.3 Le rôle parental et l’horaire surtemps

Contrairement aux études qui ont évalué les effets du travail à temps partiel, celles qui ont évalué les effets des horaires de 30h-39h et de 40h et plus, ont principalement été réalisées auprès de la population masculine(59).

La recherche antérieure a fait ressortir des effets négatifs des horaires de travail prolongés sur les pratiques parentales (34, 59, 77). Ces effets pourraient être produits par une diminution du temps parental qui réduirait le temps d’interaction avec leur enfant (moins de lectures, de jeux à l’extérieur de la maison, d’activités sociales, de conversations et moins d’implication dans les activités scolaires) (59, 77) ou pourrait être une conséquence d’un style parental non engagé, permissif et moins tolérant adopté par des parents fatigués après une longue journée de travail (49, 101, 105, 106). Cependant, l’étude transversale publiée par l’Université de Pennsylvanie aux États-Unis en 2001 a évalué les effets des horaires prolongés sur la relation parent-adolescent et elle a observé que l’effet négatif d’un nombre élevé d’heures de travail était présent seulement quand le parent rapportait se sentir exposé à une surcharge de travail(101) .

À l’opposé, il y a aussi des études qui ont observé une influence positive des horaires de travail prolongés sur les pratiques parentales et la relation parent-enfant (34, 48, 107, 108). Les parents qui travaillent des horaires prolongés ont habituellement un revenu plus élevé, plus de possibilités de développement professionnel et une meilleure sécurité d’emploi (34, 107). Ils peuvent aussi avoir un certain contrôle sur leurs horaires (flexibilité pour les heures de début et fin de leur journée) (109). Ces caractéristiques appuyées sur la satisfaction au travail, une ambiance de motivation et un soutien du réseau social adéquat pourraient être des facteurs prédictifs d’une bonne relation parent-enfant (34, 48, 107, 108).C’est le modèle « work-family enrichment » qui a été proposé par Greenhause et Powel en 2006, où le fait de bien performer dans un rôle (le rôle de travailleur) dans certaines conditions, pourrait permettre au parent de bien performer dans un autre rôle (le rôle du parent) (107) (figure 11)

Figure 11: Modèle « work-family enrichment ». Proposé par Greenhaus and

Powel.

Source: Greenhaus J, Powell G. When work and family are allies: a theory of work-family enrichment. Academy of management review; 2006, vol. 31, no. 1, 72–92.

57 Dans une étude longitudinale publiée en 1993 sur 300 employés américains travaillant entre 30h et 39h par semaine, deux tiers des parents ont répondu que le fait de combiner le travail avec le rôle des parents était positif et améliorait leur qualité de parents (108). Également, les résultats de l’étude publiée par la Chaire en gestion de la santé et sécurité au travail en 2011 suggèrent que l’horaire de travail de plus de 40h par semaine de la mère pourrait être considéré comme un facteur de protection pour la réussite éducative de l’enfant(48).

Dans notre étude, les parents travaillant des horaires de plus de 40h par semaine avaient une moyenne de score de rôle parental plus élevée que ceux travaillant entre 30h et 39h. La différence des moyennes n’a pas été significative. Cependant, des effets positifs et significatifs des horaires de travail prolongés sur le score de rôle parental ont été observés chez les femmes dans les analyses stratifiées selon le sexe du parent.

6.2.4 L’effet modifiant du sexe du parent sur l’association

Notre recherche a démontré un effet d’interaction du sexe du parent sur l’association d’étude. Il existe dans la littérature antérieure des aspects importants qui pourraient expliquer pourquoi le sexe des parents pourrait modifier l’association entre le nombre d’heures de travail et le score de rôle parental. Les mères ont rapporté vivre plus de conflit travail-famille que les pères dans les familles avec des enfants de moins de 12 ans (108). La Chaire de recherche du Canada sur les enjeux socio-organisationnels de l’économie du savoir à l’Université du Québec en 2006 a observé que les femmes refusaient plus souvent que les hommes des responsabilités professionnelles à cause de leurs obligations familiales (27,9% contre 17,9% chez les hommes) (29). Également, une autre étude descriptive publiée par le Groupe Division Familiale du Travail de l’Université de Paris a trouvé que chez les couples où les deux parents travaillaient entre 30h et 39h, les femmes faisaient plus du double d’heures parentales que leur conjoint (71). Cette observation a été corroborée par une étude transversale européenne publiée en 2012 qui a évalué le temps destiné à l’enfant chez les couples de parents d’enfants âgés de 7 ans ou moins (110) et aussi par une étude australienne longitudinale publiée en 2012 (49). Le temps des pères semble donc plus dirigé aux activités de sociabilité et de loisir avec l’enfant, spécialement la fin de semaine. Les mères s’organisent pour être typiquement impliquées dans les activités routinières de l’enfant (alimentation, soins d’hygiène et de santé) (71, 77).

Cependant, dans les familles où la mère travaille des horaires prolongés, cette distribution de temps parental pourrait être modifiée. Les pères se sont montrés plus participatifs dans les activités avec leurs enfants pendant l’absence de la mère (34, 59). L’étude de Zick, Bryant et Österbacka (2001), dont les données sont issues du «National Survey of Families and Households américain», a montré que les pères augmentent leur implication auprès des enfants quand la mère occupe un emploi rémunéré (111).

Aucune association significative n’a été observée chez les pères. Ce résultat est concordant avec l’étude de Crouter et all (101). Cette étude ne rapporte aucune association entre les horaires de travail prolongés des pères et leurs pratiques parentales auprès d’adolescents. Cependant, nous avons observé un score de rôle parental plus bas (-1,48) pour les pères travaillant plus de 50h par rapport aux pères travaillant de 30h à 39h. Dans le même sens de nos résultats, des associations négatives ont été décrites par la littérature antérieure entre les horaires prolongés des pères et leurs pratiques parentales (59, 77).

Nous devons être prudents pour comparer nos résultats à ceux de la littérature publiée puisqu‘aucune étude antérieure ayant évalué l’association entre le nombre d’heures de travail du parent et le rôle parental n’a utilisé une échelle de mesure permettantt d’avoir un score global de rôle parental.

Chez les mères, les analyses ont montré un score de rôle parental significativement plus élevé associé aux horaires de moins de 30h où de plus de 50h par semaine. En concordance avec nos résultats, une association positive et significative a été observée entre le travail à temps partiel des mères et leurs pratiques parentales dans l’étude de Buehler et O’Brien (2011). Cette étude longitudinale évaluait les effets de l’horaire de travail à temps partiel des mères sur leur bien-être, leurs pratiques parentales et leur fonctionnement familial. Une limite importante de cette étude était la possibilité d’un biais de sélection. Les mères avec des horaires à temps partiel pourraient avoir choisi ce type d’horaire afin de profiter de plus de temps avec leurs enfants. Elles seraient, dans ce cas, plus attentives aux besoins de l’enfant. Ce biais pourrait avoir produit une surestimation de l’association étudiée (105). Également, l’étude de Hawkins (2009) a observé une association positive entre les horaires à temps partiel de la mère et leurs habitudes de santé (activité physique et alimentation) à l’égard de leur enfant (93). Cette étude a été

59 limitée par la distribution des horaires de travail. Cette variable, étant l’exposition, a été divisée seulement en trois catégories où le temps partiel a été défini entre 1-20h par semaine. Ce choix de catégorisation pourrait produire un mélange des risques et produire une sous-estimation de l’association.

Il y a peu d’études qui ont évalué des horaires prolongés chez la mère et leurs pratiques parentales. En concordance avec nos résultats, l’étude publiée par la Chaire en gestion de la santé et sécurité au travail en 2011 a montré que les horaires de plus de 40h chez les mères étaient un facteur de protection sur la réussite éducative de l’enfant (48).

L’étude de Gauthier 2012 (110), a décrit une corrélation négative entre le nombre d’heures de travail et le temps parental. Cette corrélation a été plus claire chez les hommes que chez les femmes. Il semble que les mères ont tendance à mieux distribuer leurs obligations pour protéger leur temps familial (108, 112). Elles réduisent leurs activités personnelles pour partager le temps avec leurs enfants (77, 111, 112) et cherchent davantage à consacrer du temps de qualité à leurs enfants (48). Ces caractéristiques pourraient donc contribuer à expliquer la présence d’une association positive entre les horaires prolongés des mères et leur score de rôle parental.

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