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Effets du travail des parents et des horaires de travail sur l’exercice du rôle parental

La littérature publiée portant précisément sur l’association entre le nombre d’heures de travail et l’exercice de rôle parental est encore très restreinte. Seulement sept études ont été trouvées à cet effet (annexe1, tableau 12). L’exercice du rôle parental est une variable rarement mesurée dans les études qui évaluent les impacts du travail sur la vie familiale. Sa mesure est faite à l’aide des questionnaires répondus directement par les parents ou par l’enfant. Elle est également faite par l’évaluation des activités partagées parent- enfant, à l’aide d'enregistrements vidéo ou de l’observation directe. Il existe plusieurs échelles de mesure des rôles parentaux mesurant différentes dimensions de ce concept (52, 53).

Les parents travailleurs semblent avoir des meilleurs résultats aux évaluations de leur exercice de rôle parental que les parents non travailleurs. Une étude transversale menée en 2007 auprès de 280 enfants âgés entre 10 et 12 ans a évalué la perception que ces derniers avaient de leurs parents selon leur statut de travailleur ou de non travailleur (54). Les résultats ont montré que les enfants dont les parents travaillaient perçoivent leurs parents(père et mère) comme étant plus aimants et moins punitifs comparés aux enfants dont les parents ne travaillaient pas. Dans cette étude, le niveau de scolarité des parents était positivement associé au statut de parent travailleur (54). Dans le même sens, une autre étude transversale publiée en 2008 a comparé l’opinion de 156 mères d’enfant âgés entre 12 et 36 mois sur la relation parent-enfant en fonction de leur statut de travailleuse ou de non travailleuse (55). Les mères ont répondu à des questionnaires qui mesuraient l’affection, la sensibilité, l’anxiété, l’éducation, l’apprentissage de la propreté, la rigidité et la sévérité envers leurs enfants. Les mères travailleuses rapportaient montrer davantage d’affection à leur enfant que les mères au foyer (t154=1,85 p<0,05). Les résultats signalent

5 L’approche psychologique évalue les caractéristiques individuelles mais la qualité de la relation parent-enfant

aussi que les mères qui travaillent seraient moins éducatives que les mères au foyer (t154=3,99 p<0,001) et mettraient moins d’accent sur la propreté de leurs enfants (t154=2,05

p<0,04). Une association entre le niveau d’éducation de la mère et la condition de travailleuse a été encore démontrée (55). Ces deux études tendent à démontrer un effet bénéfique du statut de travailleuse de la mère sur l’exercice du rôle parental. Toutefois ces études ont utilisé des instruments qui mesurent des pratiques parentales ponctuelles et des attitudes parentales isolées plutôt que des échelles validées pour mesurer l’exercice du rôle parental. De plus, les analyses de données transversales ne permettent pas d’établir un lien de causalité dans l’association.

Pour ce qui a trait aux horaires de travail, en plus d’être peu nombreuses, les études diffèrent dans la façon de catégoriser cette variable. Le rôle parental est toujours estimé par la mesure de différentes pratiques parentales. Une étude transversale américaine publiée en 2004 a utilisé des échelles validées de parentalité objectives et subjectives6 en

relation avec les horaires de travail (standard vs non standard) 7 de 461 parents d’enfants

de 0 à 4 ans habitant dans des quartiers à faibles revenus (56). En contrôlant pour le nombre d’enfants dans le foyer, l’âge et le genre de l’enfant, le niveau d’éducation des parents, la race et le nombre d‘emplois, les analyses multivariées indiquaient une association positive et significative entre les horaires non standards des parents et les défis parentaux (β=0,27 SE(0,10) p<0,05) et négative entre les horaires non standards et la satisfaction parentale (β= -0,30 SE(0,10) p<0,01). Les parents qui avaient des horaires de travail non standards percevaient leur rôle parental avec plus de défis et se disaient moins satisfaits de l’exercice de leur rôle parental. Les mesures dites objectives de ces variables n’étaient cependant pas associées au type d’horaire (standard vs non standard). Seulement les mesures subjectives de la parentalité ont été affectées par les horaires non standards. L’étude pourrait comporter un potentiel biais d’information étant donné que les horaires de travail ont été évalués seulement chez 203 des 461 parents, avec une imputation pour 258 parents. En outre, la catégorie des horaires non standards a été un mélange de différents types d’horaires dont le travail en surtemps faisait partie. Comme le mentionnent les auteurs, cette imprécision a rendu difficile la détection des effets significatifs (56).

6 Mesures subjectives : Stress parental, satisfaction parentale, défis parentaux. Mesures objectives : Routine

familiale, nombre d’heures éloigné de l’enfant, interaction positive avec l’enfant.

17 Une étude menée en 2009 a mesuré les conduites de santé utilisées par 12 576 mères d’enfants âgés de 5 ans en relation avec leurs horaires de travail. Les conduites évaluées représentaient des mesures indirectes de l’exercice du rôle parental. L’évaluation de la diète de l’enfant, l’activité physique, le temps de télé, l’utilisation des jeux vidéo et le moyen de transport pour aller à l’école ont été considérés. L’horaire de travail était divisé en trois catégories : non travailleuse, 1-20h par semaine et 21h et plus par semaine. Après l’ajustement pour la race, le niveau socioéconomique, le niveau d’éducation de la mère, le nombre d’enfants dans le foyer et la situation de monoparentalité, les résultats montrent de faibles associations négatives non significatives entre l’horaire de travail de plus de 21h par semaine et les conduites en santé.

Dans une étude prospective plus récente publiée en 2011, les auteurs ont évalué la sensibilité maternelle8 et la capacité de stimuler les enfants en relation avec les horaires

de travail de 968 mères américaines. Les horaires de travail étaient divisés initialement en temps plein (35h et +) et temps partiel (moins de 35h) et ensuite subdivisés en horaires standards et non standards. Les chercheurs ont observé que les femmes qui travaillaient à temps plein avec des horaires de travail non standards avaient significativement moins de sensibilité par rapport à leurs enfants que les mères qui travaillaient à temps plein avec des horaires standards. Une moyenne des heures travaillées par les mères pendant la première année de l’enfant était utilisée comme variable indépendante. Les chercheurs n’ont pas décrit les changements d’horaire de travail vécus par les mères pendant les trois ans de l’étude. Malgré le devis longitudinal, la mesure des heures de travail représentait une mesure transversale (57).

Seulement deux des sept études recensées pour cette revue de littérature ont pris en considération le travail en surtemps indépendamment des horaires non standards. L’étude de Fursman (Nouvelle Zélande 2009) a porté sur 17 familles où un des deux parents travaillait plus de 40h par semaine (56). L’auteur a appliqué un devis transversal et une méthodologie d’analyse qualitative. À l’aide d’entrevues avec les parents, il a évalué les impacts des semaines de travail de plus de 40 heures sur la vie familiale. Les raisons pour travailler en surtemps, les exigences du travail, le revenu, les impacts généraux sur la

famille9, les effets sur la parentalité et le temps disponible à partager avec les enfants ont

été vérifiés. Dans 12 de 17 familles, le travailleur en surtemps était le père. L’étude a mis en évidence des effets négatifs du travail en surtemps sur la parentalité. Plus spécifiquement les parents qui travaillaient en surtemps se disaient fatigués, avaient peu d’énergie pour accomplir leur rôle parental, avaient peu de congés partagés avec les enfants et une faible participation aux activités familiales spéciales. Toutefois, il a aussi décrit des effets positifs du travail en surtemps sur la vie familiale comme l’orientation de l’enfant dans le concept de l’éthique du travail et l’augmentation du revenu mensuel familial. Fursman conclut que la difficulté de trouver le bon équilibre travail-famille pour les parents qui travaillaient en surtemps était principalement présente dans les familles à faible revenu qui avaient de jeunes enfants. En effet, les emplois à faible revenu impliquent plus souvent des horaires moins flexibles et des exigences du travail plus élevées (58). Il y aurait, selon cette étude, plusieurs facteurs qui seraient directement liés aux impacts du travail en surtemps sur la famille : la satisfaction personnelle pour le travail accompli, la perception du couple, la qualité du travail, la flexibilité des horaires, le support familial (amis, réseau familial), le revenu, la perception du revenu et la santé des membres de la famille. Même si cette étude souligne des points pertinents concernant la relation entre le nombre élevé d’heures de travail et l’exercice du rôle parental, sa nature qualitative et son échantillon de petite taille ne permettent pas de tirer de conclusions fiables.

Des mesures directes permettant d’évaluer l’association entre le nombre élevé d’heures de travail et l’exercice du rôle parental ont été utilisées par Baxter en 2007 dans une étude longitudinale auprès d’enfants australiens (59). Les résultats de cette étude menée auprès de 3 268 pères d’enfants âgés de 4 et 5 ans indiquent que ceux qui travaillaient en surtemps étaient moins impliqués dans leur rôle parental tel que mesuré par les pratiques suivantes: lire avec l’enfant, jouer avec lui à la maison, jouer avec lui à l’extérieur, faire de l’exercice, faire la cuisine et prodiguer avec lui des soins aux animaux de compagnie. Les heures de travail étaient classifiées en catégories par semaine : 1-34h, 35-44h, 45-54h, 55h et plus. Les résultats étaient contrôlés pour le nombre d’heures travaillées de la mère, le niveau d’éducation du père, le revenu, le genre de l’enfant, la relation père-enfant (biologique ou autre), le statut du couple (mariés ou en cohabitation) et la qualité de la

9 Impacts généraux sur la famille : Se sentir pressé par le te mps, être absent pour les occasions spéciales,

19 relation de couple. L’auteur rapporte des associations significatives entre le nombre élevé d’heures de travail du père et son implication dans son rôle parental. L’étude suggère donc la possibilité que le travail en surtemps pourrait réduire l’implication du père dans son rôle de parent ( figure 7) (59).

Figure 7:Fréquence par semaine des activités père-enfant (Selon le nombre

d’heures de travail par semaine dans une famille biparentale des enfants de

4-5 ans).

Source: Baxter J. When dad works long hours: How work hours are associated with fathering 4-5- year-old children. Family Matter.2007;(77) : 60-68.

Toutefois, l’étude prenait en considération les pères uniquement. Les résultats pour évaluer les associations statistiques ne sont pas présentés dans l’article et le devis transversal de l’étude ne permet pas de conclure à l’existence d’un lien de causalité entre le nombre d’heures de travail et les rôles parentaux. Le rôle parental a été évalué uniquement par des mesures de la fréquence d’activités partagées entre le père et l’enfant sans considérer d‘autres composantes de la parentalité comme la cohérence, la rationalité et l’efficacité parentale (59).

Malgré que les études démontrent l’existence d’une association entre les horaires de travail et l’exercice du rôle parental, les effets d’un nombre élevé d’heures de travail hebdomadaire sur la parentalité ne sont pas encore clairs. De plus, les rares études publiées jusqu’à maintenant souffrent d’importantes limites méthodologiques. Notre étude propose de clarifier les caractéristiques de cette association à l’aide d’un devis transversal qui permettra d’évaluer les effets de l’exposition des parents au nombre élevé d’heures de

21 travail sur le rôle parental auprès d’un échantillon de grande taille qui garantira une bonne puissance statistique. Elle s’appuie en outre sur des analyses statistiques adéquates permettant d’obtenir des résultats plus objectifs, reproductibles et fiables sur la force et la direction de l’association.

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