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3. Modélisation du fonctionnement hydrologique

3.4. Limites actuelles et apport de la géophysique aux modèles

C’est pour ce dernier type de modèle hybride (Figure 3.13), entre modèle physique idéal mais difficilement accessible et modèle purement conceptuel que le potentiel de la géophysique est le plus grand. Les mesures géophysiques à l’échelle du terrain peuvent contraindre certains « pixels » de ce type de modèle, c’est à dire des zones de quelques hectares à quelques km². La liste ci-dessous détaille certaines applications karstiques des méthodes géophysiques évoquées à la fin du chapitre 2 précédent, et qui seront reprises en conclusion (chapitre 9). Une liste plus exhaustive peut être trouvée dans la publication de Chalikakis et al. (2011).

Avec la gravimétrie terrestre, principal outil de cette thèse, nous apporterons des informations sur la variation du stock en eau à l’échelle d’une parcelle, paramètre inaccessible avec les outils classiques (Creutzfeldt et al., 2010a). Le caractère intégrateur de la gravimétrie permet de moyenner les hétérogénéités de plus petites tailles et peut révéler cette information y compris dans des aquifères fracturés (Hector et al., 2013) et karstiques (Jacob, 2009 ; Deville, 2013). Comme la gravimétrie demande une distribution homogène de

l’eau dans le milieu pour un signal significatif, l’épikarst est une cible toute choisie (Jacob et

al., 2010a). Des mesures spatialisées de gravimétrie peuvent également définir la taille des

« pixels » des modèles précédemment cités et un suivi de précision (chapitre 6) permet de quantifier la part des transferts rapides et lents.

Des inclinomètres peuvent définir des régions avec un important transfert au sein de

fractures, dont les variations de pression en eau se traduisent par une déformation (Jacob et

al., 2010b). Une bonne corrélation est également observée entre l’inclinaison et le débit à la

fontaine de Vaucluse, première source de France en débit (Lesparre et al., 2016).

La méthode RMP peut renseigner localement sur la teneur en eau et la porosité moyenne de l’épikarst (Chalikakis et al., 2011 ; Mazzilli et al., 2016), complétant ainsi les variations précises du stock obtenues par gravimétrie.

Les méthodes électriques et électromagnétiques, très utilisées en hydrogéophysique sur des aquifères poreux, se heurtent à la forte résistivité des roches carbonatées et à l’absence de relation pétrophysique entre variation de teneur en eau et variation de résistivité dans ces roches.

La forte résistivité du karst permet par contre au géoradar de bien définir la structure des premières dizaines de mètres. Al-fares (2002) image à l’aide du Géoradar la transition épikarst-zone d’infiltration et la géométrie d’une cavité sur le causse de l’Hortus dans la région Nord-Montpelliéraine.

Les méthodes sismiques ont récemment été utilisées avec succès pour contraindre en partie la structure de l’épikarst (Valois, 2011). Les variations de vitesses obtenues entre des campagnes de sismiques actives répétées ont également permis de réaliser quelques modèles à réservoirs (Galibert, 2016). Bien que les relations soient complexes et méconnues entre vitesse des ondes sismiques et paramètres hydrologiques dans les carbonates karstifiés, nous appliquerons pour la première fois la sismique passive à la surveillance hydrologique d’un karst dans le but de contraindre la profondeur des variations de saturation dans un épikarst non-saturé (chapitre 8).

La zone étudiée

4.

La parcelle du GEK sur le système du Durzon (Causse du Larzac)

Le sud du massif central voit s’étendre de hauts et vastes plateaux carbonatés (700-1200 m d’altitude). Des gorges et de profondes vallées séparent ces plateaux en unités distinctes : les Grand-Causses. Le plus grand d’entre eux est le causse du Larzac qui s’étend de Millau à Lodève sur 1000 km². Il constitue le terrain d’étude privilégié de cette thèse (Figure 4.1).

Figure 4.1 : Carte topographique de la France (BRGM) avec les positions du Massif central (en blanc), des Grands-Causses (en noir) et du Larzac (en rouge).

Son climat et son histoire, importants pour les interprétations futures, sont brièvement présentés en se basant essentiellement sur les synthèses réalisées par Jacob (2009) et Deville (2013), qui ont initié l’application de la géodésie à l’hydrologie des karsts du Larzac. Ces synthèses se basent elles-mêmes sur les thèses de Bruxelles (2001) pour la géologie et de Plagnes (1997) pour l’hydrologie. L’une des particularités de cette thèse est de se concentrer sur l’hydrologie karstique à une l’échelle très locale uniquement. Hormis une brève étude sur le causse de Campestre (chapitre 6 section 3), la parcelle étudiée est celle de l’observatoire GEK sur le bassin Durzon. L’observatoire sera plus longuement présenté dans la dernière partie de ce chapitre, ainsi que les instruments qu’il abrite et ses chroniques météorologiques.

1. Contexte régional

Le causse du Larzac est traversé par 3 chevauchements globalement Est-Ouest: les failles de l’Hospitalet, de la Pézade et de Saint-Michel. Le Larzac, et les Grands-Causses en général, sont formés de séries carbonatées (calcaires et dolomies) déposées au Jurassique (Figure 4.2).

Figure 4.2 : Carte géologique synthétique de la région des Grands Causses. Seuls les terrains Jurassiques sont indiqués. D’après Deville (2013), modifié d’après Bruxelles (2001).

A la fin du Trias (-200 Ma), l’étirement crustal de l’ancienne chaine hercynienne forme de larges bassins dans lesquels la mer dépose une épaisse série sédimentaire de carbonates tout au long du jurassique sur un socle antérieur. Ce socle cristallin affleure aujourd’hui dans

La zone étudiée

intensément le Larzac. Les chevauchements majeurs E-O sur le Larzac (failles de la Pézade et de l’Hospitalet notamment) sont liés à cette compression. La région connaît ensuite une phase extensive à l’Oligocène (-30 Ma), à l’origine de la surrection des Cévennes. Depuis le Néogène (-20 Ma), la région subit une surrection, creusant les vallées et accélérant l’érosion. Le causse « majeur » du Larzac est ainsi divisé en plusieurs causses mineurs par des failles et des gorges. C’est sur celui de l’Hospitalet que l’on retrouve le système karstique du Durzon et l’observatoire GEK, détaillés dans les sections ci-dessous et sur lesquels se portent nos études. Le causse de Campestre, plus petit et également dans le Larzac, aura une brève présentation avant l’étude qui lui est consacrée (chapitre 6 section 3).