• Aucun résultat trouvé

Limites des études sur le stress oxydatif comme contrainte des histoires de vie

trainte dans les histoires de vie

2.3 Limites des études sur le stress oxydatif comme contrainte des histoires de vie

2.3.1 Biais d’estimation du stress oxydatif

D’après les études précédemment exposées, le coût d’une croissance plus élevée en termes de dégâts oxydatifs peut résulter de deux mécanismes non exclusifs (Horak et Cohen, 2010). Premièrement, la croissance compensatoire peut affecter (diminuer) le système de défenses anti-oxydantes, rendant l’organisme plus sensible aux attaques radicalaires. Deuxièmement, la croissance compensatoire peut en soi induire une augmentation des pro-oxydants. A partir des approches actuelles qui ne mesurent qu’un seul de ces aspects de la balance oxydative, il n’est pas possible d’appréhender l’implication des coûts et / ou des contraintes du stress oxydatif dans les variations d’histoire de vie. De plus, le second problème dans l’évaluation du stress oxydatif intervenant dans les compromis est de distinguer si les tendances observées sont dues à un processus physiologique (contrôlé) ou pathologique (incontrôlé) (Horak et Cohen, 2010). En effet, en fonction des situations, les tendances de la variable mesurée peuvent être opposées, comme le suggère les mesures des capacités anti-oxydantes dans les études sur la croissance compensatoire de De Block et Stoks (2008) versus Alonso-Alvarez et al., (2007). Comme il a été écrit précédemment, chaque

Introduction

paramètre de la balance oxydative (pro-oxydant, anti-oxydant et dégât oxydatif) est constituée de plusieurs variables (molécules, enzymes…). Ainsi, estimer judicieusement le statut oxydatif de l’animal nécessiterait de mesurer à la fois la contrainte radicalaire, l’investissement dans les défenses et enfin, les dégâts accumulés dans l’organisme. Même s’il est techniquement difficile de mesurer la totalité des variables pour chaque paramètre de la balance oxydative, il apparait essentiel d’estimer les tendances des pro- versus des anti-oxydants, ainsi que des dégâts oxydatifs pour considérer le stress subit.

Pour aller plus loin dans l’analyse de ces résultats, l’emploi d’une double nomenclature de la discipline que sont « l’écologie du stress oxydatif » ou bien « l’écologie des antioxydants » ne révèlerait-il pas l’ambigüité persistante quant à la base mécanistique du compromis évolutif ? La notion de stress recouvre l’ensemble des perturbations biologiques provoquées par une agression quelconque sur un organisme. Selon Finkel et Holbrook (2000), la balance entre la production de ROS et les défenses anti-oxydantes déterminerait le degré de stress oxydatif. La conséquence de ce stress serait les dégâts induits sur les macromolécules (Finkel et Holbrook, 2000). Selon Hulbert (2007), la production de ROS générerait un stress au niveau de macromolécules lorsque le système de détoxification n’est pas suffisant, et les dégâts oxydatifs seraient la source du stress cellulaire. Au final, la notion de stress oxydatif semble impliquer tous les paramètres de la balance oxydative de manière non exclusive. On pourrait alors définir le stress oxydatif comme une perturbation d’un ou plusieurs paramètres de la balance oxydative qui affecterait l’organisme. Cela pourrait se traduire par une augmentation de la production de ROS et / ou par une diminution des défenses anti-oxydantes induisant une augmentation des dégâts oxydatifs, et qui serait alors le coût générant les compromis évolutifs. Cependant la question demeure de savoir si les perturbations de la balance oxydative sont bien la cause proximale des compromis évolutifs. En effet, on pourrait parfaitement émettre l’hypothèse qu’une restriction de la ressource contraint l’organisme à allouer moins d’énergie dans les défenses anti-oxydantes.

D’un autre côté, la détermination des activités anti-oxydantes est utilisée de manière ambivalente : certaines études interprètent une capacité anti-oxydante élevée comme une réponse à un fort stress anti-oxydant. Dans ce cas, les modèles étudiés pourraient ne pas présenter d’augmentation des dégâts oxydatifs (malheureusement non mesurés par De Bloks et Stock, 2008), et le compromis pourrait mettre en cause l’allocation d’énergie dans les

défenses anti-oxydantes serait la conséquence directe d’une allocation d’énergie en faveur de la croissance et au détriment des défenses. Dans ce cas, à niveau d’agression équivalent, des pro-oxydants, l’animal possédant une croissance accélérée serait plus susceptible d’accumuler des dommages oxydatifs (Alonzo-Alvarez, 2007, Kim et al., 2011). Par ailleurs, mesurer directement le taux de dégâts oxydatifs est certes la seule manière d’estimer « l’état physiologique » de l’animal (Nussey et al., 2009), mais ne permet pas cependant de fournir des informations quant aux mécanismes oxydatifs sous jacents impliqués dans la mise en place des compromis évolutifs. Les recherches sur les mécanismes physiologiques à l’origine des compromis d’histoire de vie devraient prendre en compte l’ensemble des paramètres de la balance oxydative, c'est-à-dire les pro-oxydants, les anti-oxydants et les dégâts oxydatifs.

2.3.2 Besoins énergétiques, le mécanisme implicite

Comment expliquer le paradoxe selon lequel la sélection naturelle, mécanisme maximisant la valeur sélective des individus, n’a pas éliminé ou contre-sélectionné les pro-oxydants, qui pourtant limitent la valeur sélective des individus ? Les radicaux libres sont (pour la quasi-totalité) produits par la mitochondrie lors du processus de synthèse d’énergie, qui aboutit à l’adénosine triphosphate (ATP). Cette génération de ROS est certes nuisible pour l’organisme, mais reste pourtant un processus physiologique normal et inévitable. L’ensemble de la littérature s’accorde à dire qu’accroître la valeur d’un trait (grandir plus vite, se reproduire plus de fois…) nécessite d’augmenter l’apport en énergie pour alimenter ce trait, et que cette augmentation du métabolisme serait à l’origine de l’élévation de la production de ROS.

Plusieurs points noirs entachent ce raisonnement, dont certains ont déjà été soulevés au cours de ces dernières années :

- Une augmentation du métabolisme ne signifie pas systématiquement une augmentation de la production de ROS. En effet, il est reconnu que le métabolisme, mesurable par la consommation d’oxygène, n’est pas nécessairement proportionnel à la production mitochondriale de ROS (Brand, 2000 ; Barja, 2007). De nombreux mécanismes mitochondriaux impliqués dans ce rapport doivent absolument être pris en compte pour estimer la relation métabolisme – production de ROS.

Introduction

- Une augmentation du métabolisme ne signifie pas systématiquement une augmentation des apports énergétiques. En effet, la production d’énergie (ATP) n’est pas une fonction constante de la consommation d’oxygène, mais variable, dont la plasticité dépend des capacités de la mitochondrie à convertir l’énergie chimique des nutriments en énergie utilisable par la cellule, l’ATP (Brand, 2005). Au regard de la figure 3 (paragraphe 1.3.2), l’estimation des apports énergétiques par l’ingéré n’autorise l’évaluation de la quantité d’énergie cellulaire disponible, « l’énergie nette », que si l’on tient compte de l’efficacité de conversion énergétique mitochondriale. Ce facteur d’efficacité conditionne la quantité d’ATP produit à partir de l’énergie ingérée.

- Bien que l’ATP et les ROS soient tous deux générés au niveau de la mitochondrie, leur taux de production est loin d’être une relation isométrique et implique des mécanismes de régulation sous influence de facteurs environnementaux, nutritionnels, hormonaux, génétiques, … Il n’est donc pas possible d’extrapoler une relation ATP/ ROS sans avoir mesuré le fonctionnement mitochondrial.

Ainsi, il est nécessaire d’inclure de nouvelles perspectives écophysiologiques aux mécanismes proximaux à l’origine des stratégies d’histoire de vie. Pour cela, le fonctionnement mitochondrial dans son ensemble devrait être pris en compte, c’est-à-dire la production d’énergie nécessaire aux processus biologiques de l’organisme, mais aussi la sous-production inévitable des radicaux libres.

3 La mitochondrie, centrale énergétique cellulaire & source de stress